La réunion des experts européens doit non seulement décider de nouvelles sanctions sous prétexte de contraindre l’Iran à abandonner son programme nucléaire que lui garantit "de jure", en droit, son appartenance à l’AIEA, mais aussi, de bloquer les avoirs de 28 personnalités syriennes, libres, ainsi, de se voir dépouiller d’un bien confisqué et géré par des spéculateurs !
La même chose s’est produite, pour la Libye, et veut entraîner la ruine de ceux dont on ne peut autrement contraindre la volonté : le pays est, ainsi, estimé ou évalué, et lui soutirer tout l’argent possible, diminuer considérablement sa monnaie, revient à abaisser sa dignité.
IL y a là, d’abord, dans cette conduite, une mentalité, qui est mercantile, et – si l’on nous permet la citation d’un philosophe célèbre – dont Poutine, alors, Premier ministre, a laissé le nom, à l’université de sa ville natale russifiée - Kant remarque, dans son Anthropologie (Königsberg, 1798), trois façons de dire la fortune financière que l’on tient, ou de se rapporter à elle, l’anglaise dit qu’un homme vaut un million, la hollandaise qu’il gère ou "commande" à cette somme, et la française, qu’il la possède !
L’on croit, en effet, toucher le fonds, l’être de l’Iran et de la Syrie, en s’attaquant au produit de leur travail, et à leur progrès, au nom d’un égoïsme politique qualifié de défense des droits de l’Homme ou de la paix etc... ; cette conduite d’ "Egoïste moral, qui borne toutes ses fins à soi-même", pour reprendre le langage du même philosophe, se heurte, précise-t-il, au pluralisme : « c’est-à-dire à la conception, de ne pas se concevoir comme le monde entier contenu dans son soi, mais se considérer et se comporter comme un simple citoyen du monde ».
Le style est accentué, comme une note de musique grave, mais exprime très bien la situation présente : l’Europe entraînée par la course américaine au profit ne peut supporter que le droit de l’Homme soit précisément abstrait, c’est-à-dire convienne à tout homme concret, et cette reconnaissance est de l’ordre rationnel, relève du devoir d’exister et non de la recherche du bonheur devenu la borne et la raison de la cruauté des pays occidentaux convertis en pirates somaliens !
Cet aveuglement à l’existence d’autres nations désireuses d’indépendance est aussi un suicide de l’Europe, -comme nos littérateurs Valery et Bernanos - le pressentaient, un politicien comme De Gaulle le redoutait- car elle enchaîne son existence à un commandement américano-sioniste, et si elle veut faire valoir ses droits, elle recevra les mêmes gifles que les USA, depuis 1917, distribuent à ceux qui suivent leur voie !
C’est donc à un obstacle politique que va se heurter l’Europe unie, si elle veut sortir du cercle que lui assigne le leadership US, lequel est non pas local, attaché à telle clique ou à telle colonisation orientale ou à telle dynastie, mais à ce qu’il nomme le « statu quo », l’équilibre mondial, en réalité, l’injustice grandissante des rapports internationaux, qui sont des situations de fait, échappant à toute obligation légale.
Les Etats syrien et iranien exercent un droit, le premier de se défendre contre une agression, dont Obama a reconnu qu’il la finançait, le second de s’équiper, pour son peuple, pour soi ! L’égoisme érigé en loi universelle devient une relation de besoins, et non plus une sorte de rêve de bonheur, dans un univers où tout ce qui n’est pas notre horizon s’évanouit ; alors que le propre de l’horizon, comme une ligne de figure géométrique est d’indiquer une autre surface que la raison oblige à considérer !
Ce que ne fait pas la paix de l’esprit, la guerre de la justice l’imposera, sous toutes ses formes ; et ce n’est point pour rien que la sagesse théologique insiste sur le fait que Dieu réunit, avant de trancher les différends : « Dis, Notre Seigneur nous réunira, puis il tranchera entre nous, avec la vérité, car il est le grand juge, l’Omniscient » (Sourate 34,Saba, verset 26). La raison, si l’on y voit un don de Dieu, sert justement à juger et non à mesurer la distance de la terre à la lune, ce qui revient à l’intelligence plus ou moins distribuée ; mais la raison est en tout homme libre, de là se responsabilité ; il peut juger, donc être jugé !
Au point de cette mauvaise volonté de répudier tout lien international, comme les intentions européennes d’appliquer et de poursuivre de décisions américaines le montrent, et de rompre toute discussion entre des pays égaux en dignité, pour n’imposer que l’affamement, notre Continent renoue avec les erreurs anciennes d’imposer le maintien d’un ordre instable : ceci fut la cause de deux guerres mondiales, et à chaque fois, le malheur s’est agrandi avec l’ampleur de l’ignorance du bien commun.
Les effets de ces mesures sont évidement douloureuses, pour les victimes, mais diminuent, financièrement, les intérêts de ceux qui les prennent, selon l’exemple qu’a donné l’entreprise Peugeot, qui a créé 8 000 chômeurs, à cause d’une obligation américaine de cesser son activité iranienne ; faut-il en déduire que nous sommes conduits, par des gens qui n’ont pas, pour eux-mêmes, cette liberté de penser, dont ils font un drapeau d’intervention, dans les affaires d’autrui, et de tirer des conséquences de leurs actes ; c’est qu’ils sont, en effet, dépourvus de raison, et que ce qu’ils prétendent d’une Europe Unie est à interpréter en ce sens : unie à qui et à quoi ?
Certainement pas avec une idée d’ordre mondial, et dont toute idée d’Europe se réduit à n’être que du rêve américain ! Il est temps que nous assistions à l’éveil européen, et que quelque prince, comme dans le conte de Perrault, vienne réveiller l’Europe endormie par les fées atlantistes, celles qui s’agiteront, bientôt, parmi les bandes d’enfants aux chapeaux noirs pointus, à Halloween !