Invitée par la Fondation Obama, Assa Traoré s’est livrée lors d’un entretien personnel. La militante s’y attaque au modèle français et défend la nécessité de « construire des ponts » entre la France et les États-Unis dans la lutte contre le racisme. Un exercice parfaitement rodé d’influence idéologique, selon François-Bernard Huyghe. Analyse.
« Elle est très intelligente ou très bien conseillée, elle répond exactement à ce que les Américains attendent. Ils doivent être très content d’elle », analyse avec une pointe d’ironie François-Bernard Huyghe, directeur de recherche à l’Iris et auteur de l’ouvrage L’art de la guerre idéologique (éd. Le Cerf). Depuis plus de trente ans, il dissèque les stratégies d’information et les offensives idéologiques qui façonnent les bouleversements culturels et politiques. À l’en croire, le discours d’Assa Traoré relève du cas d’école.
Dans une interview accordée à la Fondation Obama, Assa Traoré s’est livrée sur son engagement de militante contre les violences policières depuis la mort de son frère Adama, en 2016. Un entretien intimiste avec l’« Obama Leader » Maïmonatou Mar, au cours duquel les deux femmes évoquent leur « combat » pour la « justice, l’égalité et la dignité des personnes de couleur en France ». Dans l’objectif attendu par la Fondation Obama, selon François-Bernard Huyghe, de prêcher la bonne parole de la « culture ouverte, woke et progressiste » des États-Unis et d’aligner une France perçue comme réfractaire à l’imaginaire multiculturel américain.
(vidéo en anglais non sous-titrée)
Story telling et success story
Fond et forme confondus, l’entretien donné par Assa Traoré à la Fondation Obama reprend tous les codes américains du story telling et de la success story, selon François-Bernard Huyghe. Son passé d’« enseignante spécialisée », venant en aide aux jeunes des banlieues, arrêté net par la mort de son frère. Puis la « force » trouvée par la militante de contenir « son indignation, sa douleur et son angoisse dans l’action ». Ou encore « la traversée de l’Afrique » à destination de la France par son père à l’âge de 17 ans - « une partie de mon histoire », précise-t-elle au cours de cet échange.
« Elle évoque son enfance, sa souffrance face au racisme et aux violences policières. Sa fierté de ses racines maliennes et la fratrie à laquelle elle appartient et sa réappropriation de cet héritage oublié. Elle dit même que ce sont ˝des soldats˝ et que leur nom veut dire ˝guerrier˝ ! Un discours qui joue parfaitement sur le registre de l’émotionnel à l’américaine, à la fois de la souffrance et de l’« achievement [la réussite, ndlr.] », décrypte au micro de Sputnik François-Bernard Huyghe.
De quoi satisfaire « un public américain black » ou des « élites blanches urbaines diplômées imprégnées de l’esprit woke et démocrate » qui a déjà fait d’Assa Traoré son égérie, son « héroïne guerrière black identitaire courageuse » selon Huyghe. Une manière également, par plusieurs rappels dispersés par la militante du passé colonisateur la France, pour lequel « il n’y a jamais eu de véritables excuses », de nourrir l’image fâcheuse du pays de la laïcité aux États-Unis.
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