Le Canard enchaîné , fidèle poil à gratter du pouvoir, sort de ses petits gonds quand ce dernier vacille...
À l’instar de l’hebdomadaire Charlie, sous-marin de la subversion commandée, le journal satirique monte au front quand la « République est menacée ». En l’espèce, un dossier de cent quatre pages se voulant une autopsie de la bête immonde, un détricotage en règle de l’aube fasciste que s’apprête à revêtir la fille aînée de la République universelle : « De Frigide Bardot à François Fillon, de Dieudonné à “Batskin”, des nouveaux réacs à la vieille école, nous avons, à droite toute, ratissé le sujet. Bonne lecture, elle est édifiante ! », caquète Erik Emptaz en introduction.
Hélas, les fanfaronnades de l’édito sus-cité annoncent davantage les gesticulations incantatoires de cette charge palmipède que l’éclat de son contenu. En guise de munitions, les bons vieux péjoratifs soviétiques qui fleurent la faux rouillée (Fachos ! Réacs ! Cathos !) et pour oriflamme le hochet antiraciste, totem de bataille mité de la « gauche ».
Il est à craindre que ce chant du cygne du journalisme de gouvernement suscite un sentiment d’embarras légitime chez ses derniers lecteurs. En effet, bardés de prétentions taxinomiques, les canardiers de la scribouille passent en revue les troupes de l’ennemi sans jamais leur opposer le moindre argument, voire l’ombre d’une réflexion.
C’est que les relais gauchistes du Capital, adeptes d’une pensée magique qui eut son heure de gloire, croient encore qu’appeler un chat un chat suffit à le discréditer... Avec une candeur un peu pathétique, ils imaginent que les qualificatifs « réactionnaire », « conservateur », « droite », « traditionaliste », etc... ont encore une valeur performative lorsqu’ils sont proférés par les porte-voix du « peuple de gauche »... Or, à trop user de l’invective nominale, les auteurs révèlent surtout l’indigence programmatique du « parti des belles âmes » au moment où sa forme institutionnelle s’effondre sous nos yeux. Ce laborieux inventaire peine à dissimuler combien la « gauche Canard » défend bec et ongles la « gauche caviar » lorsque leurs intérêts communs sont menacés. Et si les colverts faisaient mine de tirer sur les cols blancs pour mieux tromper les cols bleus ?
Un cas d’espèce : les papiers sur Dieudonné et Alain Soral...
Dans leur haine indistincte de tout ce qui évoque de près ou de loin la catholicité, nos chiens de garde de la République semblent particulièrement inquiets de la montée en puissance des réseaux d’influence catholiques au sein de l’oligarchie française.
On comprend l’inquiétude qui les saisit à l’idée d’un grand remplacement des élites, chez qui ils ont leurs entrées depuis fort longtemps et qui les courtisent au gré de leurs rivalités de parti [1].
Pourtant, si la perspective d’une perte d’accès aux premières loges du théâtre politique hexagonal semble avoir un effet très anxiogène sur ces pigistes jaboteurs, l’esprit « réactionnaire » qui souffle sur la toile ne les affole pas moins... Les papiers consacrés à Dieudonné et Alain Soral sont symptomatiques de cette impuissance drapée de bons mots qui caractérise le « ratissage » dont se vantent les auteurs du dossier.
Concernant l’humoriste le plus populaire de France, le moins qu’on puisse dire est que la fraîcheur des « arguments » laisse franchement à désirer... Que lui reproche-t-on dans les colonnes du Canard ? Un entretien accordé à Serge Ayoub (Dieudonné est un néonazi), la célébration d’un mariage gay entre deux psychopathes (Dieudonné est un monstre), le parrainage lepéniste de sa fille (Dieudonné est d’extrême droite), une érection scénique du révisionniste Faurisson (Dieudonné est antisémite)... Et le Canard d’en vouloir pour preuve que la LICRA elle-même est attaquée par l’ogre de Yaoundé... Mais rassurez-vous bonnes gens, le péril reste circonscrit : « Aux européennes de 2009, sa liste antisioniste n’a fait que 1,30 % des suffrages ... » ! Tous ceux qui ont des yeux pour voir sauront-ils se contenter de cette rhétorique du clin d’œil et de la menace suggestive ? Dieudonné, monstrueux néonazi antisémite ou preux chevalier de la quenelle ? Qu’importe, « sur Internet, ses spectacles, compilations de vannes antisémites, se vendent comme des petits pains, et l’homme remplit les salles sans faillir. On ne rit plus. »
Ainsi s’achève la fébrile offensive, nous laissant une question dangereuse sur les lèvres : mais qui est ce « on » qui ne rit plus et rêve de voir « faillir » Monsieur M’bala M’bala ?
Grand pourfendeur des « on » devant l’Éternel, il était prévisible que le cerveau de ce casse du siècle de la « Bande de France » en prenne pour son grade. Hélas, confondant sans doute grade et degré, nos valeureux canetons semblent avoir craint de roussir leur duvet... Sinon pourquoi se contenter de périphrases éculées pour s’en prendre à celui qu’ils aiment tant guillemeter, le « penseur » Alain Soral ? « L’ancien cadre du F.N, (...) grande gueule se voulant idéologue », le président du « groupuscule Égalité et Réconciliation » a le vent en poupe grâce à l’« étonnant succès de librairie de Comprendre l’empire (...), gloubiboulga à prétention géopolitique (...) » et « sa capacité à brouiller les pistes » avec « le slogan “droite des valeurs, gauche du travail” ».
Brouiller les pistes idéologiques qu’« on » a balisées pour que le travailleur français fasse où on lui dit de faire n’est pas le moindre crime de ce « crâne rasé » : son obsession névrotique le mène jusqu’aux portes de l’impossible lorsqu’il s’en prend au « judaïsme satanique qui prône la rédemption par le péché ».
On aurait aimé entendre ce qu’ont à dire les auteurs au sujet du sabbataïsme et du frankisme qui sévissent dans les plus hautes sphères du pouvoir mondial, mais il a semblé plus profitable à ces plumitifs des marais d’éviter le sujet en situant illico l’insoumis « quelque part entre délires paranoïaques et haine antisémite ».
Si l’on met de côté l’égrenage compulsif de perles Godwin (Soral lâche les bergers allemands, Soral y va franco etc...), seul pourra nous contenter cet aveu final venant ponctuer l’énumération de tous les complots impossibles (Merah, 11 septembre 2001, Kennedy, etc...) :
« Autant de mystifications orchestrées par le “judaïsme satanique”. Hum, hum... »
On imagine combien les chercheurs de vérité seront comblés par cette argumentation infaillible qui résume en le clôturant ce petit pamphlet antisoralien : « Hum, hum... »
Révolution
Peut-être un peu honteux de cette centaine de pages noircies de creuses railleries, le Canard conclut son inventaire policier par une palinodie philosophique sur le sens de la réaction :
« Il est vrai qu’au sens astronomique la “révolution” consiste à revenir au point de départ. Comme la Terre autour du Soleil... Un tour complet, et on recommence ! De là à en déduire que les révolutionnaires tournent en rond et, par une sorte de nécessité physique, défendent l’ordre établi... »
Quoi ! Vous seriez, vous, les authentiques réactionnaires ?
Mais alors... Lorsque vous dites : « le réac défend toujours les “fondements” » ... faut-il comprendre que nos chevaliers phalliques seraient de véritables révolutionnaires ?
Déshabillons cette haine dont la « Gauche » est saisie lorsqu’elle flaire la « réaction » : tout son fond de commerce repose sur l’incitation à ne pas réagir.
Acculés à la bonne humeur par le spectacle du naufrage de l’Internationale socialiste, osons la question suivante : si le camp du « Mal » est celui des réactionnaires, le camp du « Bien » serait-il celui des... actionnaires ?
Max Lévy
Les deux articles :
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