« La Commission n’a pas à dicter ce que nous devons faire » : c’est par ces mots que François Hollande a réagi à la potion amère néolibérale proposée (imposée ?) par Bruxelles. Mais derrière le coup de menton du préfet de la France à ceux auxquels il se soumet, se cache bien l’agenda des années à venir…
La Commission présidente, c’est maintenant !
Comme le souligne justement Jack Dion dans Marianne, la feuille de route des eurocrates est un condensé, adouci cependant, des potions amères infligées aux pays « aidés » par l’Europe. L’inventaire de Bruxelles est assez stupéfiant tant cela ressemble in fine à un programme politique, tel qu’il aurait pu être présenté lors de l’élection présidentielle l’an dernier. Il y a quelque chose de révoltant à voir des technocrates non-élus recommander de manière aussi précise des mesures, donnant ainsi l’impression que notre président est au mieux le préfet d’une région de l’Union européenne.
Le Figaro a retraduit ces propositions en « Dix commandements de Bruxelles à Hollande » : une baisse des déficits à 3,9 % en 2013, 3,6 % en 2014 et 2,8 % en 2015, une réforme de l’organisation territoriale, la réforme des retraites avant fin 2013 (sic), la simplification et la réduction de l’impôt sur le revenu et les sociétés, la baisse du coût du travail, la baisse des dépenses de santé, la libéralisation des professions réglementées, l’accord sur la flexibilité et de sécurisation (re-sic) de l’emploi, la réforme de l’assurance-chômage et la fin des tarifs réglementés du train, du gaz et de l’électricité.
Du coup, la présidence de la République a été contrainte de rectifier l’impression calamiteuse que pouvait donner cette publication, à savoir celle d’un pays sous tutelle, en recalibrant le message : « Nous, nous avons à respecter les engagements européens par rapport à la réduction des déficits. En ce qui concerne les réformes structurelles, c’est à nous, et à nous seuls, de dire quel sera le bon chemin pour atteindre l’objectif. » François Hollande et Jean-Marc Ayrault ont rappelé qu’ils avaient déjà lancé le processus pour réformer les retraites, sans attendre la Commission.
La double malhonnêteté de François Hollande
Mais ce faisant, François Hollande est malhonnête. En effet, c’est bien lui qui a signé le TSCG, la camisole budgétaire négociée par Nicolas Sarkozy. Ce faisant, il donnait plus qu’un simple droit de regard aux eurocrates sur le budget national, leur donnant même la capacité de nous sanctionner. Il faudrait donc savoir. Comme le rappelait Laurent de Boissieu, citant Bossuet : « Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu’ils en chérissent les causes. »
En outre, le programme politique des eurocrates n’est pas extrêmement éloigné de celui du gouvernement en place. François Hollande avait été élu en promettant de réduire les déficits à 3 % en 2013 (et l’équilibre en 2017). Le report de deux ans est un objectif partagé que l’on sache… Ensuite, comme il le souligne lui-même, devant l’ampleur des déficits et l’inefficacité de la réforme Sarkozy, il avait fait de la réforme des retraites un objectif de l’année du gouvernement.
La baisse du coût du travail et la compétitivité sont également des objectifs gouvernementaux. Certes, la Commission va plus loin en recommandant la réforme et la réduction de la fiscalité, la déréglementation de certaines professions, ainsi que des marchés du train, du gaz et de l’électricité, mais la logique est similaire. On retrouve ici cette logique néolibérale qui consiste à vouloir baisser les impôts tout en réduisant les déficits pour être bien sûr d’asphyxier financièrement l’État.
La rébellion de François Hollande est celle d’un préfet qui voudrait faire croire qu’il est le véritable seigneur de son domaine, vexé du rappel de son suzerain qui affiche trop publiquement qui décide véritablement. Mais ce faisant, la Commission rend service à tous ceux qui dénoncent justement cela…