Cette semaine, en achetant un gros poulet dans une coopérative paysanne, des gens simples, gentils et pas cons (ils sont contre Macron, contre le vaccin et pour Poutine), on cause poulet, repas, et on tombe d’accord sur le fait que les humains, à l’inverse des animaux, savent au moins manger ensemble sans se bouffer le nez ou sans chouraver dans l’assiette du voisin, que ce soit en famille ou entre amis.
Le repas humain est un moment de partage, de paix, de convivialité, on n’est pas obligés de surveiller sans arrêt ses voisins qui ne pensent qu’à nous piquer une aile ou une cuisse, voire à nous mordre, si par exemple on est assis à côté de Laetitia Avia. Même dans le tiers-monde, là où vivent des gens nettement inférieurs aux Occidentaux, donc plus proches des bêtes que des humains, on mange dans le calme, même si on mange moins. Regardez le repas des lions, ce sont des vrais barbares, des vraies bêtes, une honte :
Eh bien figurez-vous qu’en feuilletant Le Monde, en ligne – en réalité on feuillette rien du tout, on lit sur un écran –, on est tombés sur les deux longs articles qui racontent la succession Berri, Claude Berri. Cela concerne les familles Berri, Langmann, Rassam et Rheims.
Le pitchounet : Claude Berri, le plus grand producteur français, fou d’art et collectionneur hors pair (nous on est fous d’art aussi mais pas collectionneurs, étrangement), casse sa pipe à 74 ans, relativement déprimé par les accidents de la vie (suicide de son ex-femme Anne-Marie Rassam et de leur fils Julien Rassam), et – on va la faire courte en 4-4-1 – sa succession est estimée à 65 millions d’euros. On arrondit, tout ça de tête, après avoir lu la saga.
Tout se passe bien, Thomas Langmann et son demi-frère Darius (le fils de Claude Berri et Sylvie Gautrelet, sa 2e compagne d’avant Nathalie Rheims, dernière en date) se partagent le gros du magot, et puis, un jour, patatras, Thomas estime que des œuvres d’art ont été oubliées ou plutôt écartées à dessein dans l’estimation, par un certain Blondeau, qui serait proche de l’autre partie de la famille, dont les Rassam, des producteurs eux aussi mais venus du Liban, une grande tribu de là-bas. Une nouvelle estimation est faite sous la pression de Thomas – le producteur du blockbuster Astérix mission Cléopâtre et ses 14 millions d’entrées, sans oublier Bienvenue chez les Ch’tis et ses 21 millions de tickets – et en effet, on arrive à plus de 80 barres, avec un paquet de tableaux et de photos (pas des photos de vacances shootées au numérique) manquants, en gros qui ont été écartés du calcul.
Calme jusque-là, ce qui ne lui ressemble pas (lui c’est plutôt coke & putes), Thomas pète les plombs et commence à enquêter sur les tableaux « volés », à la manière des Amerloques qui se mettent à la recherche des œuvres d’art empruntées par les nazis aux juifs entre 39 et 45. Il y a des films et des docs à foison là-dessus, la famille Sinclair (ni Bob ni Brett, mais Anne de son vrai nom – Schwarz), les Maeght, enfin c’est le gros micmac. Thomas en veut à son demi-frère qui lui avait pourtant rétrocédé une partie de son héritage, il coupe les ponts, engage des avocats. Les flics découvrent des œuvres chez les uns et les autres, ça débarque sans péter les portes mais pas loin, la grande familia se déchire sur fond de « ce Dali, il me l’a donné », « cette photo de Brassaï aussi », « touche pas à ce Modigliani, fils de pute », « touche pas au Grisbi, salope ! », et effectivement, dans le tas, les enquêteurs arrivent à recouper des dons, mais pas officiels, des « cadeaux » qui n’ont malheureusement pas changé de propriétaire.
C’est-à-dire que Berri, très dépensier, a offert des toiles de maîtres à ses proches, dont Nathalie Rheims, dernière compagne et descendante Rothschild (on précise parce que c’est vendeur), du coup la gonzesse à crinière de lionne se retrouve sur la sellette sans trop de moyens de prouver la paternité ou la maternité de « ses » cadeaux. Le Monde écrit :
Sa présence paraît presque incongrue dans les geôles du « Bastion », le siège de la police judiciaire (PJ) parisienne, près de la porte de Clichy. Ce 24 juillet 2024, l’écrivaine Nathalie Rheims, 65 ans, silhouette menue, coiffure parfaitement apprêtée, est sur le point de passer une première nuit en garde à vue. Fille d’académicien, descendante des Rothschild, autrice à succès et richissime collectionneuse d’art, la voici sommée de s’expliquer dans l’affaire de l’héritage de son ex-compagnon Claude Langmann, dit Berri, célèbre cinéaste et producteur, mais aussi acquéreur compulsif d’œuvres contemporaines, mort en 2009. Elle est soupçonnée d’« abus de confiance », et même de « vol en bande organisée ». Le tout au détriment de l’un des fils de Berri, Thomas Langmann. Lui aussi producteur de cinéma, il a déposé plainte en 2016, déclenchant la procédure qui rattrape aujourd’hui Nathalie Rheims.
Le Thomas se déchaîne, les avocats des deux parties communiquent au milieu d’une guerre totale, des coups de fil sont enregistrés, la parano monte, et voilà. On est chez les humains, théoriquement les plus élevés dans l’échelle de l’évolution – riches, communautaires, successful (on n’a pas trouvé l’adjectif français), cultivés – et on se retrouve en plein repas des fauves. Sauf que les lions, eux, ne mangent pas tous les jours (nos chats on leur donne jamais à bouffer à heure fixe, parfois rien, parfois des bons trucs, parfois des restes), alors ils se précipitent sur le buffle de la semaine, un peu comme les juifs dans les camps sur les patates à l’eau (les Allemands n’ont jamais été des cordons bleus) ou les Palestiniens dans le KZ de Gaza, actuellement sous les bombes. Et avec l’aide alimentaire internationale bloquée par les Israéliens…
Ce sont donc les conditions extérieures qui dictent le comportement – sauvage ou civilisé – des hommes devant la bouffe. Il suffit d’un chouïa de pénurie pour que le repas pacifique et détendu entre proches vire au quasi-cannibalisme, ou au moins à la guerre fratricide. La différence entre les lions et les prestigieuses familles susnommées, c’est que les lions mangent à leur faim, en faisant quelques réserves (un lion peut ingérer 35 kilos de bidoche) mais que les ayants-droit de la succession Langmann – alias Berri – s’entretuent alors qu’il y a assez pour tout le monde.
Pourtant, se partager 80 bâtons sans rien foutre devrait suffire à leur bonheur. Vu d’en bas, ça a l’air complètement débile, leur guerre intestine ; vu d’en haut, comme dirait Tapie, t’as beau avoir un yacht, tu lorgnes sur le jet du mec au-dessus de toi. Moralité, certains n’en ont jamais assez. À ce niveau, c’est une maladie.
Les deux articles du Monde, on s’en doute, évitent soigneusement tous les amalgames, pour le coup pas insensés ! Il faut arriver à faire un article non attaquable, c’est-à-dire non antisémite, avec les ingrédients suivants : cinéma, production, judaïsme, pognon, héritage, art moderne, succession, Rothschild. Chapeau bas, que disons-nous, kippa basse !
Imaginez, si Thomas Langmann nous avait appelés pour faire l’article, comme il a appelé Le Monde spontanément pour balancer l’affaire... Peut-être que l’article aurait été un peu plus politique, qu’on aurait ajouté les frasques de Claude, la branche Rassam-Bouquet, oui, la splendide Carole des années 70, des histoires de barbouzes, de truands avec les frères Khider, Arnaud Mimran, le braquage du carbone, il y a de quoi faire. Et bien vous savez quoi ? On va s’y mettre, et à la 4-4-3 ! C’est pas déposé.
Thomas face aux accusations de violences
et de consommation de drogue (2018)