Censure. Depuis son accession au pouvoir, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls essaye d’étouffer le scoop d’Oumma dévoilant sa propre confession de son « lien éternel » avec « la communauté juive et Israël ». Retour sur les dessous d’une information embarrassante pour celui qui vise désormais Matignon et l’Élysée.
Depuis quelques semaines, la rumeur parcourt les réseaux sociaux et les sites alternatifs : selon certains, Manuel Valls aurait lui-même demandé à Youtube et Dailymotion de retirer une vidéo, révélée en 2011 par Oumma, dans laquelle il affirma, entre autres paroles stupéfiantes, être « par sa femme, lié, de manière éternelle, à la communauté juive et à Israël ». Voici la vidéo en question, désormais remise en ligne.
À l’origine de sa diffusion, Oumma apporte aujourd’hui des éléments inédits d’information au sujet du retrait attesté de cette vidéo.
Rappel chronologique
17/06/11 : candidat aux primaires socialistes, Manuel Valls est invité par Radio Judaïca Strasbourg dans le cadre d’une conférence-débat.
20/06/11 : le site de la radio communautaire met en ligne un extrait de 4’41 intitulé « Coup de gueule de Manuel Valls à Radio Judaïca » et publié via son compte Dailymotion.
29/09/11 : Oumma repère la vidéo et fait le buzz en publiant le premier article consacré à l’information principale contenue dans cette confession choc de Manuel Valls – son « lien éternel » avec « la communauté juive et Israël ». Nous avions alors souligné l’incongruité de la scène : un élu républicain – censé servir la France et le principe de laïcité – en train de déclamer, en raison de son lien conjugal, une préférence communautaire spécifique et une allégeance, formulée en des termes religieux, envers une nation étrangère pratiquant, de surcroît, une politique colonialiste. Le scoop devient rapidement viral : près de 100 000 visionnages cumulés sur le Net et plus de 3 400 partages de l’article sur Facebook (un chiffre rivalisant aisément avec les articles les plus partagés du site Lemonde.fr).
Automne 2011/hiver 2012 : l’information continue d’être abondamment relayée et commentée sur le web, notamment via les forums communautaires. Une curieuse exception est à signaler : le célèbre blog ultra-nationaliste Fdesouche – qui se targue de lutter contre le communautarisme, surtout quand celui-ci est musulman – a d’abord publié la vidéo avant de la retirer subitement et sans explication. Une capture d’écran du cache de Google fut réalisée pour attester de cette délicatesse inattendue de la part de la blogosphère identitaire envers Manuel Valls.
En dépit du buzz, le plafond de verre médiatique n’est pas percé pour autant : l’ensemble des médias généralistes continuent d’ignorer le sujet.
10/05/12 : l’auteur de ces lignes reçoit le message, envoyé depuis une adresse Hotmail, d’un certain Olivier Jelinek lui demandant de retirer la vidéo, pourtant contextualisée, de son propre compte Youtube. L’homme se présente comme le responsable du site web de Radio Judaïca Strasbourg. Bizarrement, le nom figurant dans la partie « expéditeur » du mail fait référence à Olivier Singer, et non Olivier Jelinek. Le mail est envoyé sept mois après la mise en ligne de notre vidéo – siglée Oumma.com – et quatre jours seulement après l’élection de François Hollande à la présidence de la République. C’est durant ces jours-ci qu’une rumeur prend de l’ampleur : le prochain ministre de l’Intérieur pourrait être Manuel Valls.
17/05/12 : le journaliste Alain Gresh du Monde diplomatique fait une brève allusion aux propos de Manuel Valls à la fin de d’un billet publié sur son blog.
30/05/12 : l’auteur de ces lignes reçoit un mail de Youtube lui indiquant que ses 2 vidéos (extrait court d’1’/intégral de 4’41) ont été supprimées de son propre compte à la suite d’une demande formulée par Patrick Cohen, président de Radio Judaïca, pour « atteinte aux droits d’auteur ». Si d’autres comptes Youtube ont connu le même sort à propos de cette vidéo, force est de constater que les représailles de la radio communautaire se sont exercées, non pas dans l’immédiat mais huit mois après notre mise en ligne et de manière particulièrement sélective : l’extrait d’une minute continue ainsi d’être disponible sur plusieurs autres comptes vidéo. Entre la date du mail de réclamation et celle du retrait opéré, Manuel Valls est devenu « le premier flic de France ». Faut-il y voir une corrélation ? Toujours est-il que la vidéo de Radio Judaïca est depuis passée, sur le compte Dailymotion du média strasbourgeois, en « mode privé », rendant également impossible son visionnage.
08/11/12 : l’émission « Envoyé spécial » de France 2 consacre un sujet à l’encyclopédie en ligne Wikipédia. Les journalistes du service public y font état d’une information troublante : la mention relative à « son lien éternel » avec « la communauté juive et Israël » a disparu de la page consacrée à Manuel Valls. Prétexte invoqué selon Pierre-Carl Langlais, co-administrateur du site : cette information serait « totalement anecdotique ». La question fait pourtant débat comme le révèlent les échanges entre les contributeurs du site.
09/11/12 : le journaliste Daniel Schneidermann publie sur son site Arrêt sur images et sur Rue89 un billet à propos de l’émission de France 2. Il s’interroge notamment sur le motif invoqué pour supprimer la déclaration de Valls : « En quoi la citation de Valls, ministre en exercice, sur Israël, est-elle plus “anecdotique” que celle de Georges Frêche sur Jean-Paul II ? »
14/11/12 : la journaliste Aurore Gorius du site Arrêt sur images publie son enquête, très débattue parmi les internautes, à propos de la double suppression – sur Wikipedia et Youtube – des propos de Manuels Valls. Interrogé sur le motif de son intervention, Patrick Cohen accuse Oumma.com d’avoir « détourné notre vidéo » en y « apposant son nom et un commentaire prétendant que Manuel Valls faisait allégeance à une communauté étrangère ». Curieuse allégation : nul « détournement » ni prise d’otage ne s’est produit à propos de cette vidéo.
À l’instar de nos confrères de la presse généraliste ou alternative, nous avons simplement relayé ce document, avant qu’il ne disparaisse – comme ce sera finalement le cas – et en prenant le soin d’en indiquer la provenance. Quant au fait d’« apposer son nom », c’est la pratique élémentaire quand un média, quel qu’il soit, est à l’origine d’une information exclusive ou passée inaperçue. Partisans du devoir d’informer l’opinion publique sur les dérives de nos élus, nous avons, en conséquence, apposé notre signature, contextualisé les faits et formulé en complément notre propre commentaire éditorial.
Patrick Cohen affirma également à la journaliste qu’il n’a pas subi de pression pour faire retirer la vidéo tout en précisant être « en contact » avec le cabinet de Manuel Valls. Quant au motif du retrait de la vidéo de son propre site, il est savoureux : « Manuel Valls avait changé de statut entre-temps. Et cela me gênait car il répondait à une question du public qui accusait le PS d’être anti-juif. Il s’emporte un peu dans sa réponse. Mais dans la vidéo, on ne voit pas le contexte. » Avant de conclure : « Et ce n’était plus d’actualité depuis des mois. Un site doit être mis à jour. »
Le même jour, sur son blog, Alain Gresh s’étonne du prétexte invoqué par Patrick Cohen au sujet des « droits d’auteur », ajoutant que « la censure est difficile sur Internet ». Une réalité numérique déjà conceptualisée dans ce que l’on nomme « l’effet Streisand » : en tentant de faire disparaitre du Net la photo de sa maison, Barbra Streisand avait décuplé sa diffusion. En outre, le recours à des sites étrangers de partage vidéo comme Rutube ou Metacafe permet d’ores et déjà de contourner toute tentative de censure hexagonale.
27/11/12 : le journaliste du Monde diplomatique revient à nouveau sur les déclarations passées sous silence de l’homme de la place Beauvau. Dans un nouveau billet, il affirme : « Lorsque l’on a un ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, qui peut proclamer que, par sa femme,il est “lié de manière éternelle à la communauté juive et à Israël”, nous pouvons nous inquiéter. Valls a tenté d’obtenir la suppression de cette citation, notamment dans sa biographie sur Wikipedia et en demandant à la radio de Strasbourg, sur laquelle il a proféré ces insanités, de les retirer au nom du droit d’auteur. Mais la censure ne peut rien contre Internet. »
Quand Valls reprend le mensonge des « jumelles de Giscard »
En ce 12 décembre 2012, la vidéo de Manuel Valls continue de susciter l’étonnement des nombreux internautes, jour après jour, qui la découvrent. Sur la forme, l’image contraste avec celle affichée dans la récente émission « Des paroles et des actes » de France 2. On y découvre un homme coléreux, vindicatif et un brin méprisant, notamment à l’encontre de Roland Dumas et de Valéry Giscard d’Estaing.
Sur le fond, son dédain manifesté à propos de ces deux anciens responsables politiques est tout aussi révélateur que sa phrase, désormais célèbre, au sujet de la communauté juive et d’Israël. Sur la question israélo-palestinienne, Valls et Dumas – qualifié de « sale bonhomme » – représentent deux écoles de pensée radicalement opposées. Il en va de même sur la controverse du 11-Septembre : si Roland Dumas ne croit pas à la version officielle – comme il nous l’avait expliqué en 2010 – Manuel Valls, lui, considère que tout sceptique sur le sujet est comparable à ceux qui « nient la Shoah ». Une attitude saluée par les membres de l’association « Europe-Israël » comme l’illustre leur montage vidéo.
Quant à l’ancien président de la République, il permet à l’ex-candidat aux primaires socialistes de se joindre aux artisans d’une désinformation politico-communautaire qui perdure : selon Manuel Valls, Valéry Giscard d’Estaing se serait rendu coupable d’avoir « regardé Israël depuis la Jordanie avec des jumelles ». L’élu fait ici allusion à une photo de VGE, capturée par l’agence Gamma lors d’un périple moyen-oriental en mars 1980 et diffusée par Henri Hadjenberg, alors responsable du mouvement « Renouveau juif » et futur dirigeant du CRIF. Comme le démontra en 1992 la journaliste Josette Alia, il s’agissait d’une opération mensongère de propagande visant, en période pré-électorale, à diaboliser VGE, jugé trop pro-palestinien, au profit de son rival François Mitterrand.
La chose est troublante : en juin 2011, soit trente ans plus tard, le futur responsable de la police nationale et du Renseignement intérieur faisait mine, pour séduire les électeurs strasbourgeois pro-israéliens, de croire qu’il s’agissait d’une authentique photo afin de pouvoir s’en indigner avec emphase.
Oumma reviendra prochainement sur Manuel Valls en publiant un portrait spécial consacré à l’homme qui se rêve déjà président de la République. Nous reviendrons en détail sur ses connexions politiques, sécuritaires et communautaires, notamment à travers sa relation avec des personnages essentiels de « l’État profond » français tel Alain Bauer. Enfin, nous tenterons d’expliquer pourquoi le ministre, loin d’être simplement un social-libéral clintonien, est davantage un néoconservateur à la française, de plus en plus dévoué à l’axe atlanto-sioniste et potentiellement menaçant pour la liberté d’information des citoyens.