La vraie croissance est lente et non mesurable.
Lente ? Mais et « Les 30 glorieuses »… et la Chine ? Vous verrez qu’en regardant de plus près, ça se discute. Et d’ailleurs, on ne sait pas mesurer la croissance, et les chiffres que l’on nous donne nous mènent sur de fausses pistes.
En fait la croissance est un mécanisme autonome, que l’on peut plus facilement casser qu’accélérer, et surtout qui est lent, mal défini, mal mesuré et donc mal traité.
Un mécanisme autonome
La croissance, c’est ce qui augmente la satisfaction des citoyens, notamment par de nouveaux biens et services. Elle se traduit par un changement permanent de comportement qui induit un changement permanent de l’offre, donc des suppressions d’emplois ici et des créations ailleurs. Ce changement de l’offre vient d’innovations triées par les acheteurs. Ces innovations sont toujours organisationnelles, que leur origine soit technique ou non. Et ce qui est organisationnel se passe en général discrètement dans chaque entreprise ou chaque foyer, donc est peu connu au niveau national. C’est une des raisons pour lesquelles le processus de croissance y est mal compris (lire mon article : « L’important, c’est l’innovation, pas la technique »)
Dans tout cela, pas un mot sur la masse monétaire, sur le prix du pétrole ou telle décision gouvernementale : l’innovation, donc la croissance, est un mécanisme autonome. On ne peut l’accélérer, mais on peut par contre le casser en bloquant l’innovation et plus généralement le changement. Par exemple, si on veut « protéger l’emploi » on bloque le changement ; les syndicats français et finlandais (Les Échos du 29 décembre 2015) s’y emploient ; le gouvernement en rajoute en discriminant fiscalement, voire moralement, les employeurs et innovateurs actuels ou potentiels, qui désertent donc le pays.
Tout cela s’applique au numérique qui est une source d’innovations souvent purement organisationnelles. Il supprime des emplois mais augmente le pouvoir d’achat, ce qui en crée d’autres. Mais ces nouveaux emplois se créent loin de ceux qui sont détruits si on fait fuir les concepteurs et les employeurs, ou si le pouvoir d’achat dégagé va aux produits importés, faute de compétitivité nationale.
Un phénomène complexe, donc lent
Pour croître, il faut inventer, développer, mettre en place, former non seulement le producteur, mais souvent aussi le consommateur et enfin attendre une éventuelle diffusion : elle a commencé il y a plus d’un siècle pour l’électricité et il y a 50 ans pour les ordinateurs, et n’est pas terminée. Finalement la croissance a souvent tourné en moyenne autour de 1 à 2 %. Mais, me direz-vous, les « 30 glorieuses » ou la Chine ? C’est du rattrapage, c’est-à-dire que les innovations étaient déjà faites depuis longtemps et déjà diffusées sur une partie de la planète...