Les règlements de comptes à gauche de la gauche ne sont pas qu’une question de personnes. Il y a certes un contentieux « commercial » entre Mediapart et Le Média, qui draguent le même é-lectorat, et qui ont pour but la suprématie idéologique sur les ruines de la gauche socialiste. Mais le jeu des chaises musicales et les petits meurtres entre amis rappellent les nettoyages dans le Milieu quand un cador est tombé : ses lieutenants y passent, mais aussi des lieutenants du camp d’en face.
Même schéma en politique : après une défaite lourde, comme celle de 2017 où le PS a culminé à 6 % au 1er tour et où le second a vu s’affronter les forces populiste et libérale, c’est-à-dire uniquement la droite, la gauche a vécu un aggiornamento assez violent qui est passé non par ses partis – toujours debout – mais par ses médias représentatifs.
Mediapart a pris son envol, et la création en janvier 2018 du Média de Chikirou-Lancelin-Miller, de tendance nettement mélenchoniste, a présenté un danger pour le pure player d’Edwy Plenel. Même si Mediapart donne beaucoup de place à l’enquête écrite, avec quelques incursions télévisuelles, et que Le Média est un support audiovisuel d’opinion. Des frottements sont apparus, on a vu Lancelin inviter Fabrice Arfi pour reprocher au petit lieutenant de Plenel le traitement très peu macrono-critique de Mediapart sur l’ascension du futur Président. Les coups ont plu des deux côtés de la ligne de démarcation.
Quand le domicile de Mélenchon a été perquisitionné, et que les policiers ont découvert sa compagne, Arfi et Plenel ricanaient. Ensuite ça a été leur tour…
En un an, Le Média a vu sa gestionnaire Sophia Chikirou évincée, Lancelin prendre le volant, puis dégager pour laisser la place à Denis Robert, probablement plus malléable que la blonde avec sa fausse candeur.
Mais la brouille à gauche va au-delà du conflit Le Média/Mediapart. La presse de gauche libérale, du Canard enchaîné au Nouvel Obs, tire à boulets rouges sur Mélenchon, taxé de populiste, suivant en cela les oukases du CRIF :
Quand un journaliste du @canardenchaine admet mentir au sujet de Mélenchon parce qu'il le trouve méchant avec sa corporation pic.twitter.com/sisQOW3Zel
— Lucas #matheux (@lucasgautheron) 4 octobre 2017
Haziza du Canard enchaîné osera même l’amalgame entre Mélenchon et Soral :
Sur @facebook personnel de @JLMelenchon video antisémite sur @manuelvalls diffusée par @EetR_National d @AlainSoralOffic ou @oumma #étonnant pic.twitter.com/kcf1g1u5U3
— Haziza Frédéric (@frhaz) 13 octobre 2017
Mélenchon est régulièrement accusé d’être antisioniste, Plenel d’être islamiste, bref, les islamo-gauchistes au sens de BHL en prennent pour leur grade. Et on passe sur le conflit Mediapart/Charlie qui a défrayé la chronique en novembre 2017. Il s’agissait d’une brouille entre islamo-gauchistes et gaucho-sionistes autour de la personne de Tariq Ramadan. Finalement, rien que de très logique, et qui confirme notre analyse récurrente : le sionisme est LA ligne de démarcation à gauche. Il y a ceux qui sont en zone occupée, (la gauche sioniste) et ceux qui sont en zone libre (la gauche non sioniste).
C’est ainsi que Finkielkraut, sur Europe 1 le 20 février 2019, se plaindra de son traitement inspiré par la patronne islamo-gauchiste du Média :
« J’ai été obligé de quitter la place de la République, il y avait un cortège de gens qui m’invectivaient, et j’ai reçu des crachats... Et j’ajoute que l’argument contre moi était du même ordre, c’est-à-dire on ne voulait pas salir la place de la République avec un individu qualifié de raciste et de fasciste à longueur de journée par un certain nombre de gens. J’avais affaire, à Nuit debout, à la pensée Aude Lancelin en action. »
Finkielkraut souligne que son meilleur soutien vient de l'extrême-droite. Et me passe au Kärcher, ainsi que @thomas_guenole et @jpmignard, avocat de @Mediapart. Le monde est en ordre. Merci pour cette clarification. pic.twitter.com/Y7dDKtwTxv
— Aude Lancelin (@alancelin) 17 février 2019
On le voit, la gauche en reconstruction retrouve son fondement anticapitaliste historique (Lancelin a été la compagne de l’anticapitaliste Lordon) et du coup, le lobby sioniste se sent visé. Il réplique en mettant toute la pression possible sur les médias qui abritent ces penseurs. Pour les partis, c’est réglé. La gauche en ruines ne se reconstitue pas autour de partis déconsidérés – le PS, le PCF, le NPA – mais autour de nouveaux médias qui sont à la fois plus audibles et plus crédibles.
Et chaque jour il se passe des choses : en s’adjoignant les services du jeune Branco, Le Média de Denis Robert vient de chiper Neymar à Mediapart. La suite est piquante.
Quand Mediapart se farcit Branco
« Crépuscule : Juan Branco découvre la lune ». C’est le titre de l’article publié par Mediapart le 25 avril 2019 sur l’impétueux révolutionnaire Juan Branco... qui a pourtant déposé son dernier texte sur le blog maison le 15 avril 2019 ! Nous avons sélectionné 7 paragraphes de ce long article de six pages signé Joseph Confavreux. D’abord, le chapô :
Le pamphlet de Juan Branco, mauvais digest de Gala et du Comité invisible, gâche la critique radicale nécessaire de Macron, de l’oligarchie et des médias. Le succès commercial de Crépuscule tient non à ce qu’il révèle, mais à ce qu’il incarne d’un air du temps confus et frelaté, selon lequel tous les chats sont gris.
Ensuite, les paragraphes critiques, très critiques :
« Mais là où on espérait alors trouver une saine et solide démolition de l’oligarchie française, on se retrouve avec un texte boursouflé et un auteur mégalomane, principalement occupé à casser les jouets de sa jeunesse dorée et à se mettre en scène en petit génie de la République, comme lorsque Juan Branco explique la façon dont il a “auditionné aux côtés d’une future ministre de la Culture tétanisée l’ensemble des patrons des chaînes télévisées, négociant un Acte II de l’exception culturelle, tenant la dragée haute à Nonce Paolini, Bertrand Méheut et Rémy Pflimlin” tandis qu’Aurélie Filippetti “inquiète et silencieuse regardait un enfant de vingt-deux ans s’exposer au sommet des tours de TF1, Canal + et France Télévisions”. »
« Que “Crépuscule” se révèle plus proche d’un produit publicitaire insurrectionnel formaté pour faire frissonner dans les chaumières que d’une charge à ce point subversive qu’elle devrait être endiguée par tous les moyens, le magazine Elle ne s’y est, consciemment ou non, pas trompé. Ce journal longtemps propriété de Lagardère, récemment passé dans l’escarcelle du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, aurait dû, selon la grille de lecture de Juan Branco, passer sous silence ce livre censé sentir le soufre. Tout au contraire, Elle se pâme d’admiration devant cette “grande gueule et gueule d’ange” dont l’ouvrage susciterait un “plaisir coupable, quelque part entre Marx et Voici”, en concluant : “On se lève tous pour Branco ?” Sans pouvoir être réduit à un slogan de yaourts pour enfants, Crépuscule transforme l’itinéraire d’un enfant gâté, doué et turbulent, qui aurait pu être intéressant, en chronique politique frelatée et en gâchis journalistique. »
« C’est d’ailleurs quand il donne à sentir de près ce qu’une fréquentation des livres, des journaux ou de la radio permet déjà de savoir de loin, que le livre de Branco trouve son intérêt. Quand il montre, par exemple, que les déjeuners donnés par les grandes fortunes françaises “au Bristol ou au George-V”, auxquels il lui est arrivé d’être invité “s’ensuivent de partages plus raffinés, pour les hôtes les plus privilégiés et importants, au sein des hôtels particuliers”, où les grandes fortunes françaises reçoivent les hommes politiques pour les transformer “pas à pas, dans leur grande naïveté, en agents d’influence et en soldats de l’existant”. »
« “On est en droit de s’étonner qu’il ait fallu attendre septembre 2018 pour que les liens entre l’un des plus importants oligarques de notre pays et son président aient été révélés”, écrit ainsi Juan Branco, qui fait de cette affirmation le pivot de son argumentation. Sans prétendre ici à la moindre exhaustivité, Xavier Niel est pourtant déjà cité dans un article des Échos (journal possédé par Bernard Arnault, plus grande fortune de France et beau-père de Xavier Niel) datant d’août 2016 et intitulé : “Emmanuel Macron : qui sont ses réseaux et ses soutiens”.
En janvier 2017, Mathieu Magnaudeix, qui couvre la campagne du candidat pour Mediapart, écrit que Macron entretient “une relation ’affective’ avec Xavier Niel, patron de Free, copropriétaire du Monde”. Et en novembre 2017, Vanity Fair recueille même de la bouche du cheval la façon dont est née cette proximité, au moment du rachat du Monde par le trio Niel/Bergé/Pigasse. Xavier Niel y raconte ainsi le souvenir qu’il garde du futur président : “Je découvre un banquier supercool. Intelligent, bonne dynamique, bonne pêche, vachement sympa. Des dents longues – ce qui est une qualité – il chope mes mots et mes postures, il a le don de s’adapter avec son interlocuteur […]. On est devenus copains après”. »
« Mais que penser d’un livre qui prétend, toutes les dix pages, mettre en lumière un scandale qui n’aurait “jusqu’ici pas été décrit, ni révélé” alors qu’il ne fait qu’exploiter des livres et des articles qu’il lui arrive de citer (notamment L’Ambigu Monsieur Macron, de Marc Endeweld, datant de 2016 ; Mimi, consacré à Michèle Marchand, conseillère en communication à la fois de Xavier Niel et du couple Macron, ou encore un article du Monde diplomatique de mai 2017 sous-titré “Emmanuel Macron, fabriqué pour servir”) ou qu’il préfère passer sous silence (à l’instar, par exemple, de cet article daté de juillet 2016, signé par Laurent Mauduit et déjà intitulé “Emmanuel Macron, le candidat de l’oligarchie”, ou du film “Merci Patron !” de François Ruffin, qui démontait précocement le système Arnault) ? »
« Si, avec difficulté, on passe alors sur le fait que “Crépuscule” n’est pas une enquête, comme elle se présente, mais un pamphlet ; si l’on parvient à ne pas être gêné par la fatuité de l’auteur ; si l’on n’est pas exaspéré par le style prétentieux enjoignant sans cesse à son lecteur de retenir son “souffle car nous ne faisons que commencer” ou incitant “tout le monde à trembler” ; si l’on ne se soucie pas des erreurs et approximations qui pullulent dans le livre, qu’il s’agisse de décrire le lycée Fermat de Toulouse en institution privée ou d’affirmer que Xavier Niel est actionnaire influent et direct de Mediapart ; bref, si l’on est plus indulgent en se souvenant par exemple que Juan Branco n’est pas journaliste, ce texte a-t-il une utilité ou du moins une efficacité ? »
Juan Branco répond aux critiques des « soraliens »
La critique finale de Mediapart porte sur le tous pourris, le populisme et autres conneries non commentables. Branco, qui est monté très vite dans le jeu politique, est en train d’essuyer des vents de plus en plus violents : plus on monte, plus les coups sont durs. Tout ce qui peut affaiblir l’auteur de Crépuscule ressort des tiroirs, comme ce portrait de son père publié dans Libé en 1999.
« On le décrit comme l’homme à la braguette ouverte et aux cheveux gras, mais il est honoré à la Cinémathèque et s’en laisse compter par sa femme, Dolorès, une psychanalyste installée à Paris et accessoirement très amie de Catherine Deneuve. Lui préfère ne pas s’étendre, sur sa femme et ses quatre enfants, mais autour de Branco tous soulignent l’importance de l’épouse, “exubérante et sympathique”, « les deux ensemble, ça en jette », dit-on, ajoutant que là comme derrière tout macho se cache la femme qui le mène par le bout du nez. »
Petite transition qui nous rappelle que le jeune Juan fait aussi partie d’une certaine oligarchie, culturelle celle-là : sa mère psychanalyste est proche de la société de psychanalyse lacanienne des frères Miller, Jacques-Alain et Gérard. Gérard, qui après les départs de Chikirou et Lancelin est resté seul aux commandes du Média.
Nous terminons ce petit tour de drone au-dessus du gauchisme français par un mensonge véniel ou une erreur de calcul du même Gérard.
Bonus people : Gérard Miller ne sait pas calculer
L’histoire d’amour entre Gérard Miller (70 ans) et Anaïs Feuillette (39 ans) est magnifique. Nous sommes dans le studio de France Inter où s’enregistre l’émission quotidienne humoristique de Laurent Ruquier, Rien à cirer, un bon titre par ailleurs. RAC a fait les beaux jours de la station publique entre 1991 et 1996, vous allez voir que les dates sont importantes. Le trotskiste Gérard Miller est l’un des chroniqueurs radio de Laurent, il le restera ensuite en télé, lorsque Laurent arrivera sur France 2 avec On a tout essayé (2000-2007). Parallèlement à ses activités d’hypnotiseur dragueur, Gérard gagnera de quoi s’acheter son hôtel particulier en transformant la moindre de ses interventions orales en minutes d’antenne générant des droits d’auteur...
Mais oublions l’argent et revenons à l’amour. Gérard, grand dragueur devant l’Éternel, repère une jolie jeune fille dans l’assistance. Dans une interview datant de 2006 publiée dans Voici, il raconte la scène :
« J’ai été marié pendant presque vingt ans avec la mère de mes quatre enfants, une psychanalyste de ma génération. Et puis, je suis redevenu célibataire et j’ai retrouvé le plaisir du jeune don Juan que j’étais. Je n’imaginais pas du tout refaire ma vie — d’ailleurs, c’est une expression que je déteste, “refaire sa vie” : on ne refait pas sa vie, on la continue —, et voilà sept ans, je suis tombé sur mon actuelle compagne, qui m’a arrêté dans mon élan de dragueur invétéré.
C’est vous qui l’avez abordée ?
Oui. Elle était dans le public de l’émission, que Laurent présentait à l’époque sur France Inter. Je ne l’ai pas quittée des yeux et, à la fin, j’ai traversé tout l’amphi pour lui parler. Elle était membre du PC et venait à Paris pour assister à un colloque sur Marx. Ça ne s’invente pas ! »
Reprenons dans l’ordre : Miller raconte en 2006 qu’il a rencontré sa seconde femme 7 ans auparavant, soit en 1999... dans le public de France Inter. Or Miller a été chroniqueur chez Ruquier sur France Inter entre 1991 et 1996, et il a 31 ans de plus que sa seconde femme, Anaïs Feuillette, née en 1980. Anaïs devait donc avoir entre 11 et 16 ans lorsque Gérard, né en 1948, qui avait donc entre de 43 à 48 ans, l’a rencontrée. Ou alors on ne sait pas compter.