Les habitants du Moyen-Orient perçoivent la « bataille entre les guerres » que se livrent Israël et le Hezbollah depuis la dernière semaine d’août sous deux angles différents et contradictoires. Nombreux sont ceux qui souhaitent plus de sang versé et plus de soldats tués du côté israélien. D’autres s’insurgent contre la riposte du Hezbollah à l’agression israélienne contre le Liban sous forme de drones piégés envoyés en banlieue de Beyrouth. N’empêche que l’attaque du Hezbollah contre un véhicule israélien constitue une nouvelle équation imposant le respect des règles d’engagement, l’adoption d’une stratégie de riposte et l’échange d’autres messages que les deux belligérants comprennent.
Toutes ces conséquences découlent de l’intention du premier ministre israélien d’adopter un nouveau plan d’action consistant à envoyer des drones suicide contre l’Iran et ses alliés. Netanyahou a toutefois manqué de chance, son attaque éclair ayant été contrecarrée par les ennuis techniques d’un des deux drones qu’il a envoyés en banlieue de Beyrouth. Cet échec a eu pour effet d’imposer de nouvelles règles qui devraient se prolonger pendant des années, à moins que les USA n’entrent en guerre contre l’Iran.
Selon les renseignements disponibles, un groupe formé de membres du Hezbollah et d’alliés s’est rendu de nuit à la frontière du Golan occupé en Syrie et a envoyé un drone en direction d’Israël. Quelques heures plus tard, les membres du groupe sont retournés dans leur villa proche de l’aéroport de Damas, en étant suivis par un drone israélien cherchant à connaître leur position. Israël a décidé de bombarder cette habitation, tuant ainsi deux militants, selon le communiqué officiel du Hezbollah. La même nuit, Israël a envoyé deux drones suicide en banlieue de Beyrouth, qui visaient ce qui semblait être un entrepôt de drones. Un des drones suicide a éprouvé des ennuis mécaniques et a été capturé par le Hezbollah, révélant ainsi la nouvelle tactique d’Israël contre les alliés de l’Iran.
Si Netanyahou n’avait pas manqué de chance, la situation du Hezbollah aurait été plus difficile à expliquer si son secrétaire général avait décidé de riposter contre Israël pour avoir tué ses militants en Syrie, entraînant ainsi le Liban vers une guerre possible contre Israël. Il n’aurait pas obtenu le même soutien du premier ministre pro-USA Saad Hariri et de bien d’autres membres de sa tendance politique qui ont défendu le droit du Hezbollah à répliquer contre Israël. La tactique des drones suicide de Netanyahou aurait continué de fonctionner encore quelque temps, en détruisant une bonne partie des capacités militaires du Hezbollah sans subir de conséquences et sans laisser de traces.
Dorénavant, le Hezbhollah accusera directement Israël de toute explosion éventuelle de ses entrepôts. La capture d’un des drones de Netanyahou a créé un précédent historique, en empêchant tout autre dirigeant israélien d’adopter la même politique, qui sera ainsi tenu de respecter les règles d’engagement et devra s’abstenir de frapper des cibles du Hezbollah à court et moyen termes, sauf s’il veut aller en guerre.
Un autre point important à souligner réside dans la façon dont le Hezbollah a ciblé le véhicule israélien en faisant plusieurs victimes, ce que confirment des sources du Hezbollah, ou pas la moindre victime, selon les propagandistes de Tsahal. Cet acte n’ayant « pas fait de victimes » a suscité bien des hypothèses parmi les analystes et sur les médias sociaux, dont bon nombre sont fictifs. Bon nombre y voient une justification de la frappe minutieusement élaborée du Hezbollah contre une cible militaire à Avivim. D’autres parlent d’un accord entre le Hezbollah et Israël pour atténuer les conséquences. D’autres encore ont écrit que le Hezbollah avait décidé de modérer la frappe en raison de la pression internationale sur le Liban.
J’ai appris que le navire israélien Super Dvora a violé les eaux territoriales libanaises et qu’il a été détecté par les radars du Hezbollah. La cible potentielle a été communiquée aux instances dirigeantes du Hezbollah, qui ont refusé de la détruire, avec leurs missiles supersoniques antinavires perfectionnés, parce que cela aurait entraîné la guerre, car le nombre important de victimes aurait obligé Netanyahou à répondre.
Ce qui s’est passé à Avivim dimanche après-midi, c’est que le Hezbollah a apparemment adopté l’approche qu’Israël poursuit depuis des années en Syrie. Un missile guidé laser a frappé devant le véhicule israélien. Quelques secondes plus tard, un autre missile a mis le feu à l’arrière du véhicule militaire, dans l’intention d’infliger des pertes. C’est exactement la même tactique qu’utilise Israël dans ses frappes contre les camions du Hezbollah transportant des armes et des munitions pour éviter les pertes humaines et les représailles. Dimanche après-midi, le Hezbollah a lancé un message très fort à Israël, beaucoup plus fort que la perte de deux ou trois soldats : nous continuerons de transporter des armes de la Syrie, en veillant à ce que cela se poursuive sans faire de victimes. Sans quoi l’équilibre sera rompu, il ne sera plus respecté et il y aura de graves conséquences.
Depuis sa création, le Hezbollah est conscient qu’Israël a ciblé et assassiné de nombreux responsables qui collaborent avec les Palestiniens à Gaza. Bon nombre ont été tués, d’autres ont survécu aux tentatives d’assassinat. En tuant deux membres du Hezbollah en Syrie, Israël voulait souligner encore que toute partie adverse cherchant à mener des opérations en Israël et en Palestine sera immédiatement prise pour cible.
La frappe du Hezbollah s’est produite en plein jour et à l’extérieur des fermes de Chebaa occupées. Elle vise à imposer une riposte stratégique à toute nouvelle attaque israélienne le long de la frontière entre le Liban et Israël. Le Hezbollah a forcé l’armée israélienne à se cacher pendant une semaine et à se retrancher derrière des civils à la frontière. Il a obligé Israël à se garder de frapper tout objectif lié au Hezbollah, parce que la riposte aurait alors eu lieu sans avertissement préalable. Le Hezbollah a imposé ainsi de nouvelles règles d’engagement et a introduit de nouveaux éléments qui étaient perçus comme des tabous avant le 1er septembre. En outre, Israël ne peut dorénavant plus assassiner un dirigeant du Hezbollah sans représailles immédiates et sans avertissement contre tout officier israélien de haut rang parmi ceux qui se rendent et qui sont stationnés tout au long de la frontière avec le Liban.
Le Hezbollah a gagné sur tous les tableaux, peu importe le nombre de victimes. Israël a perdu sur tous les fronts, en rendant le Liban beaucoup plus sûr. Tout cela à cause d’un drone défectueux. Le prix à payer par Netanyahou pour ce drone est beaucoup plus élevé qu’il ne l’avait imaginé.