Le Président de l’Ukraine, Viktor Yanoukovytch a tranché au début de cette semaine : il a décidé de reporter la signature de l’accord d’association de 900 pages qu’il devait conclure avec l’Union européenne à Vilnius le 29 novembre prochain, et au lieu de cela, il a conclu un rapprochement avec la Russie.
Le 9 novembre dernier, il avait rencontré secrètement le président russe Vladimir Poutine dans un aéroport militaire près de Moscou, et il semble que ce soit à la suite de cette rencontre que le président ukrainien a changé ses plans à l’égard de l’Union européenne à la dernière minute. Depuis, des dizaines de milliers d’Ukrainiens manifestent dans les rues de la capitale Kiev et Ioulia Timochenko, la leader de l’opposition emprisonnée, a débuté une grève de la faim.
En 2009 l’Union européenne avait proposé un « partenariat oriental » pour initier un rapprochement avec 6 Etats ex-soviétiques (Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Géorgie, Moldavie et Ukraine). L’UE offrait sa coopération, le libre échange et des contributions financières en échange de réformes démocratiques. Un autre but - non avoué, celui-ci - de cet accord était de limiter l’influence de la Russie sur ce pays.
Exactement quatre ans plus tard, dans la perspective du sommet qui doit se tenir à la fin de cette semaine à Vilnius, il en reste peu de choses. En Septembre, l’Arménie a rompu les négociations et elle a annoncé qu’elle allait rejoindre la nouvelle Union douanière Eurasienne, avec la Biélorussie, le Kazakhstan et le principal bailleur de fonds, la Russie.
Maintenant que l’Ukraine a également décidé de le rejoindre, ce qui constitue un mauvais coup pour l’Europe compte tenu de la taille, la richesse en ressources minérales et de l’emplacement stratégique de ce pays, on s’attend à ce que la Géorgie et la Moldavie la suivent.
Le président du Conseil Européen Van Rompuy et le président Barroso de la Commission européenne ont conjointement vivement critiqué la pression russe sur l’Ukraine voisine dans un communiqué. En juillet, Moscou avait suspendu ses importations de chocolat en provenance de l’Ukraine, un signal qui pouvait lui indiquer qu’une éventuelle signature d’un traité avec l’Union européenne aurait entrainé des représailles plus importantes, par exemple l’arrêt des livraisons de gaz.
Yanoukovytch a dû considérer que ces nouvelles menaces, ainsi que le soutien russe pour l’économie ukrainienne en difficulté, faisaient qu’il était plus judicieux de se rapprocher de la Russie à court terme, plutôt qu’avec l’Union européenne qui lui avait récemment rappelé, par l’intermédiaire de la chancelière allemande Angela Merkel, que l’Ukraine devait entreprendre les réformes fiscales et économiques avant de pouvoir obtenir un statut commercial privilégié avec l’Union européenne. Or, selon Moody, l’Ukraine est au bord de la faillite et elle nécessite des fonds de toute urgence. En outre, les prochaines élections présidentielles auront lieu en 2015 et nul doute que Yanoukovytch s’attend à bénéficier du soutien russe.
Mais l’Union européenne n’avait pas besoin de ça. Le camouflet ukrainien succède à une série de déceptions en matière d’élargissement : la Croatie a bien intégré l’Union européenne au 1er juillet de cette année, mais les autres candidats à l’adhésion sur les rangs semblent loin de satisfaire les critères. La Macédoine est bloquée par le veto grec en raison de son nom, quant à l’Islande et la Turquie, elles ne semblent plus guère intéressées.
En matière de politique intérieure, ce n’est guère mieux : les partis anti-européens capitalisent de plus en plus d’opinions favorables auprès des électeurs et la Grande-Bretagne envisage d’organiser un référendum pour poser la question du maintien de son adhésion. Finalement, l’Union européenne a autant de chances de se réduire dans les prochaines années, que de se développer…
Voir aussi, sur E&R : « Ukraine/Union européenne/Russie : point de situation par Xavier Moreau » (vidéo)