C’est le grand coup de bluff idéologique des derniers jours. François Bayrou et François Hollande ont pris position en faveur d’un patriotisme économique destiné à pousser l’achat de produits français. Mais il est difficile de ne pas y voir une simple gesticulation électoraliste.
Du protectionnisme mou
D’un côté, on peut se féliciter que des candidats établis reprennent une partie du vocable et même des idées des tenants de la démondialisation. Ce faisant, ils contribuent à populariser des thèmes importants et pourraient bien faciliter le travail des véritables partisans du protectionnisme tel que Nicolas Dupont-Aignan. Il est très positif que Bayrou parle d’acheter français ou Hollande dise que « la désindustrialisation que nous avons connue n’est pas une fatalité ».
En effet, il est absolument primordial que la France se réindustrialise et ne laisse plus filer ses emplois industriels, comme cela se passe depuis 40 ans et plus encore depuis 10 ans. En une décennie, nous avons perdu près d’un million d’emplois. Derrière les rodomontades de Nicolas Sarkozy, les constructeurs automobiles, et plus spécialement Renault, dont l’Etat est pourtant actionnaire, ont massivement délocalisé leur production ainsi que l’achat de leurs pièces détachées.
Des positions contradictoires
Mais les positions de ces deux candidats doivent-elles être prises pour argent comptant ? En effet, cela fait des années que le parti socialiste nous parle d’un libre-échange plus juste, plus équilibré, pour au final ne rien faire une fois au pouvoir ou accepter des traités européens dignes d’ayatollahs néolibéraux. Si l’objectif est intéressant, il n’y a pas de moyens évoqués. Comment ces candidats feraient-ils pour rééquilibrer la balance commerciale de notre pays ?
Sont-ils prêts à mettre en place des barrières douanières ou non douanières, des quotas ? Sont-ils prêts à le faire à l’échelle de la France au cas où, très probable, il soit impossible de faire cela à l’échelle européenne ? Voici de vraies questions qui fâcheraient très probablement les deux François tant il est clair que leurs déclarations semblent des vœux pieux qu’ils jetteraient aux orties s’ils arrivaient au pouvoir. La tribune d’Henri Weber était extrêmement timorée.
Il faut d’abord produire en France
La position du président du Modem pose un autre problème, à savoir celui de culpabiliser les Français. C’est comme s’il disait que c’est ne pas être un bon français que d’acheter des produits fabriqués en Chine. Mais si beaucoup de nos compatriotes le font, c’est souvent soit parce qu’ils n’ont pas d’autres choix (toutes les voitures vendues moins de dix mille euros sont produites en dehors de France), soit parce que leur pouvoir d’achat ne permet pas autre chose.
Bien sûr, il faut informer les consommateurs de la provenance des produits qu’ils achètent, mais il faut surtout faire en sorte que produire en France ne revienne pas forcément plus cher qu’importer des produits d’Asie ou d’ailleurs, comme le font très bien les pays d’Amérique Latine, par un ensemble de mesures protectionnistes (quotas, des droits de douane ou autres). Mieux, les initiatives de l’association pour un débat sur le libre-échange démontrent l’adhésion des Français.
Le débat sur le fait d’acheter des produits français n’est pas totalement inintéressant mais il est profondément superficiel. Ceux qui en parlent ne sont absolument pas prêts à prendre les mesures qui nous permettraient de véritablement relancer notre industrie.