Mai, le mois de toutes les manifestations ? Le 5, le Front de gauche à Paris. Et, dans plusieurs grandes agglomérations, des rassemblements contre le mariage homosexuel, qui préludent à un grand rendez-vous le 26, lequel est parfois imaginé comme un autre 31 mai 68 – grande date dans la mémoire de la droite.
En réalité, le moment 68 ne s’est pas terminé par une victoire sur la chienlit. C’est, en dépit des apparences, l’amorce d’un tournant dans l’histoire de la civilisation de la force. Les apparences sont trompeuses : c’est dans la foulée de 68 que se parachève la professionnalisation des gendarmes mobiles et des CRS et que le maintien de l’ordre se fonde de plus en plus sur la négociation.
La France se targue d’une expérience incomparable en matière de pacification. Encore faut-il, pour n’être pas prise en défaut, que l’ordre puisse aussi se maintenir de lui-même et que demeure un consensus civique. Quand celui-ci est menacé, que les escarmouches multipliées dans le pays sont vécues comme des actions de maquis tandis que le nombre des professionnels spécialisés n’augmente pas, la gestion de l’ordre commence à tenir de l’acrobatie.