Maintenant que l’économie grecque donne quelques signes d’amélioration, c’est la Croatie qui pourrait reprendre le titre de cas le plus désespéré de l’UE, affirme Gideon Rachman dans le Financial Times.
Ce petit pays de seulement 4,3 millions d’âmes a rejoint l’UE au mois de juillet dernier, mais il ne fait pas partie de l’euro. Ses îles merveilleuses et ses magnifiques plages expliquent peut-être pourquoi ses graves problèmes économiques sont aussi méconnus, spécule le journaliste. Jugez plutôt :
- La Croatie connait une sévère récession qui dure depuis six ans, et au cours de laquelle elle a perdu près de 13% de son PIB.
- Le taux de chômage global s’établit à environ 17%, et il atteint même près de 50% chez les jeunes. Le secteur public, pléthorique et inefficace, a surtout pour objet d’occuper une partie importante des actifs, et ainsi de masquer l’ampleur réelle du problème du chômage.
- En effet, le secteur privé n’est pas assez compétitif pour affronter la concurrence de l’UE et créer suffisamment d’emplois.
- Moody a dégradé la note de crédit de la Croatie l’année dernière. Le pays est maintenant classé dans la catégorie spéculative. L’agence a justifié sa décision en invoquant « l’inertie en matière de réforme ».
- Les politiques, qu’ils soient sympathisants du gouvernement de coalition de centre-gauche, ou de l’opposition conservatrice manquent de l’énergie et de la vision nécessaires pour mener les réformes dont le pays a cruellement besoin pour alléger le secteur public, et rendre le climat des affaires plus attractif pour les investisseurs étrangers. Les programmes de privatisation n’avancent pas.
- La classe politique croate est trop motivée par le clientélisme et ses représentants s’intéressent surtout à leur propre carrière.
- Les problèmes économiques de la Croatie sont à bien des égards similaires à ceux d’autres pays en difficulté comme la Grèce ou l’Espagne. Mais en Croatie, qui faisait autrefois partie de la Yougoslavie communiste, c’est surtout la tradition de favoritisme politique, se manifestant par l’octroi de postes de fonctionnaires, qui annihile la possibilité de toute réforme. Ce problème se retrouve dans les autres États issus de la partition de la Yougoslavie : la Macédoine, la Serbie et la Slovénie.
L’adhésion des pays de l’Est à l’UE leur permet d’obtenir des milliards d’euros de subventions pour les aider à investir dans des projets d’infrastructure et de modernisation, comme cela avait été fait pour l’Espagne dans les années 1990. La Pologne s’est particulièrement bien distinguée pour le bon usage qu’elle en a fait. Mais la Croatie manque de gestionnaires efficaces et d’un cadre juridique adéquat pour utiliser ces fonds, malgré la création d’un ministère dédié à cette tâche. Du coup, la mise en œuvre de ces fonds est lente.
Rachman conclut en écrivant que les politiciens croates doivent faire preuve de courage politique et retrousser leurs manches pour engager le pays dans les réformes dont il a tant besoin pour dégripper sa bureaucratie et re-dynamiser son secteur privé.