Le président burundais Pierre Nkurunziza a prêté serment jeudi pour un troisième mandat controversé. La conquête de ce nouveau mandat a plongé son pays dans une crise politique émaillée de violences meurtrières.
M. Nkurunziza a prêté serment auprès de la Cour constitutionnelle devant les deux Chambres du Parlement réunies. Il a notamment juré "fidélité (...) à la Constitution" et s’est engagé "à assurer l’unité nationale et la cohésion du peuple burundais", alors que ses adversaires l’accusent d’avoir profondément divisé son pays en briguant ce troisième mandat qu’ils jugent anticonstitutionnel.
Aucun chef d’État étranger n’avait fait le déplacement pour cette cérémonie surprise qui n’a été annoncée officiellement que quelques heures à l’avance, pour des raisons de sécurité. Plusieurs pays africains, la Chine et la Russie étaient représentés par leurs ambassadeurs, alors que les États-Unis et les pays de l’Union européenne avaient dépêché des diplomates de rang inférieur.
Gouvernement d’union
"La victoire que nous avons obtenue est une victoire de tous les Burundais, ceux qui nous ont élu ou ceux qui n’ont pas voté pour nous", a déclaré M. Nkurunziza. Il a promis qu’il entamait son "dernier mandat" et allait "mettre en place très rapidement un gouvernement, ainsi que d’autres institutions, d’union nationale".
"Pour cela, nous verrons, si c’est nécessaire, comment revoir l’article 129 de la Constitution, à travers le dialogue et la concertation", a-t-il poursuivi. Cet article prévoit que seuls les partis enregistrés ayant obtenu plus de 5% des voix aux législatives peuvent entrer au gouvernement.
Or l’opposition avait appelé au boycott des législatives et a rejeté les résultats. Seul Agathon Rwasa, principal opposant, a finalement accepter de siéger avec une partie de ses partisans, mais il a été élu sur une liste indépendante et non au nom d’un parti enregistré.
L’article 129 prévoit aussi que le gouvernement doit comprendre 60% de Hutu et 40% de Tutsi. Cet équilibre politico-ethnique a été mis en place par l’Accord d’Arusha ayant ouvert la voie à la fin de la guerre civile (300 000 morts entre 1993 et 2006) et les adversaires de M. Nkurunziza l’accusent de vouloir le mettre à bas, menaçant dix ans de paix.
Réélection contestée
Pierre Nkurunziza avait été élu en 2005 par le Parlement, puis en 2010 et le 21 juillet dernier au suffrage universel direct. Opposition, société civile, Église catholique et une partie du CNDD-FDD affirment que son troisième mandat viole la Constitution et l’Accord d’Arusha, qui limitent à deux les mandats présidentiels.
Selon ses partisans, le chef de l’État ayant été élu la première fois au suffrage indirect, son premier mandat n’entre pas en compte dans la limitation constitutionnelle.
L’annonce de la candidature de M. Nkurunziza, fin avril, a déclenché six semaines de manifestations populaires, finalement étouffées après une sévère répression. Les autorités ont également maté en mai une tentative de coup d’État militaire.
Volonté divine
L’opposition a prévenu que M. Nkurunziza ne serait plus légitime une fois qu’il aurait prêté serment. "Ceux qui ont fait le choix du chemin qui ne mène nulle part, d’attaquer et de combattre leur pays, nous leur conseillons d’y mettre fin sinon ils auront à faire au Dieu Tout-puissant", a répliqué le président, chrétien prosélyte, qui dit tenir son pouvoir de la volonté divine.
Les observateurs craignent un retour des violences à grande échelle, dans un pays à l’histoire post-coloniale jalonnée de massacres entre Hutu (85% de la population) et Tutsi (15%) et qui reste traumatisé par la guerre civile.