Un mois après que Tripoli soit tombé aux mains des forces rebelles, les leaders de France et d’Angleterre se sont rendus dans la ville pour manifester leur soutien au régime que leurs avions a contribué à porter au pouvoir ; pendant ce temps-là, les supporters de Kadhafi restent méfiants et inquiets.
La veille de la visite du président français Nicolas Sarkozy et du premier ministre anglais, David Cameron, le chef du Conseil National de Transition, Mustafa Abdul Jalil, a réclamé davantage d’armes pour combattre les poches de résistance des loyalistes du Colonel Kadhafi et les chasser des endroits qu’ils détiennent encore.
Le gouvernement rebelle pense que le dictateur déchu se cache dans le sud de la Libye et se prépare à contre attaquer. Cependant, les nouvelles autorités affermissent leur contrôle du pays. Certains s’en réjouissent mais beaucoup d’autres montrent moins d’optimisme. Dans certaines parties de Tripoli on dirait que la campagne triomphante des rebelles n’a jamais eu lieu ou s’est produite ailleurs, dans une version parallèle de la capitale libyenne.
"On ferait n’importe quoi pour Mouammar, et seulement pour Mouammar ! On donnerait même notre vie !" clame une vendeur ambulant en cachant son visage à la caméra de RT.
Dans la Tripoli d’aujourd’hui il est devenu courant que les gens aient peur de dire ce qu’ils pensent aux journalistes comme l’ont constaté les journalistes de RT. Voici comment s’est déroulé un de nos rencontres :
"Tout le monde aime Kadhafi ici ! Nous sommes de la télévision -pouvez-vous dire cela à la caméra ? Non, non ! Pourquoi ? C’est dangereux..."
Et c’est la même histoire avec tous ceux qui soutiennent le leader libyen évincé.
"Kadhafi est cent pour cent bon !" "Nous ne voulons pas de cette révolution, nous ne voulons pas des rebelles." "Nous voulons qu’ils partent." "Pouvez-vous dire cela à la caméra ? Nous sommes de la télévision." "Non, non, merci, s’ils me voient à la télé, ils vont me mettre une balle dans la tête..." "Qui, Qui ?" "Qui ? Les criminels ! Vous ne les connaissez pas ? Vous les appelez les rebelles !" "Eh les gars, vous vous souvenez d’Ehab, le type noir, il a été arrêté deux jours après qu’il ait parlé à la télévision... ne faites surtout pas ça !"
Ceux qui se considèrent comme des rebelles fêtent à nouveau leur victoire dans le square des Martyrs dans le bas de la ville. Cette fois ils accueillent le nouveau gouvernement de la Libye dans la capitale.
Le chef du CNT, Mustafa Abdul Jalil, a parlé devant de grandes foules, et les Libyens ont bien compris qui commande désormais.
Mais pendant que le leader du CNT parlait, la plus grande partie de la population libyenne a préféré rester enfermée dans leurs magasins ou leurs maisons.
Ceux qui ne soutiennent pas Mustafa Abdul Jalil et qu’on a pu voir brandir des drapeaux verts en soutien à Kadhafi il y a juste quelques semaines, répugnent maintenant à quitter la cour de leurs maisons.
"Ils ont peur que s’ils sortent on ne les tue tout de suite car beaucoup de gens ont des armes et des fusils" a dit un homme à RT en se cachant de la caméra.
Maintenant que Kadhafi est parti, les nouvelles autorités se sont installées ici dans la capitale, Tripoli. Les gens psalmodient que la Libye est désormais un pays libre, mais il semble qu’il y ait une chose dont il n’aient pas été délivrés : la peur.
Nous avons finalement trouvé un jeune homme Ahmed, assez brave pour parler à notre équipe. Voilà ce qu’il a dit :
"Tripoli est maintenant sous contrôle du Conseil National de Transition et nous n’avons pas l’impression d’avoir la liberté de parler et d’exprimer nos opinions. Si nous disons quelque chose en faveur de Kadhafi ils peuvent nous tuer ou nous arrêter. Evidemment que beaucoup d’entre nous ont peur."
Le jeune homme de 19 ans dit que beaucoup de ses amis ont été arrêtés récemment pour avoir critiqué le nouveau régime. Ironiquement, nous avons cette conversation à juste un kilomètre de l’ancienne prison top secrète connue sous le nom d’Abu Sleem, où Kadhafi enfermait les prisonniers politiques.
"Les rebelles, ils ne représentent qu’eux-mêmes- et pas le peuple libyen. La révolution a commencé avec des tueries pour intimider par la terreur. Leurs mains sont couvertes de sang." ajoute Ahmed.
Amnistie Internationale a récemment accusé à la fois le régime de Kadhafi et celui qui lui succède d’avoir commis des crimes de guerre et torturé des soldats, des prisonniers et des civils.
Ici dans la capitale libyenne, les gens ont peur qu’il n’y en ait d’autres.