Le centenaire de la mort du grand pamphlétaire catholique Léon Bloy a été l’occasion de la sortie d’un ouvrage du frère dominicain Augustin Laffay, Essais et pamphlets.
Rappelons les mots de Laffay aux journal La Croix du 1er novembre 2017 :
« "Soral a commis une vilenie en faisant passer ce livre pour antisémite, ce qui est impossible". Et le théologien de rappeler que ce texte de 1892, certes dérangeant, était une réplique de Bloy à l’antisémite Drumont. Bernard Lazare, héros de l’affaire Dreyfus, l’a d’ailleurs jugé philosémite, comme Kafka, Bernanos, Claudel ou encore Lévinas. »
On parle évidemment du livre Le Salut par les Juifs écrit par Bloy et qui a été, ô chose curieuse, censuré par la justice lorsque c’était la maison d’édition Kontre Kulture qui le rééditait. Un cas unique dans l’histoire de la censure éditoriale française.
Dans le même article, on peut lire la réaction de Laffay à ce qu’il a imaginé être une accaparation de Bloy par Alain Soral, jusqu’à une tentative d’« antisémitisation » du grand écrivain du XIXe siècle : « Une très mauvaise aventure ». Or Soral lui-même a présenté le livre comme la réponse chrétienne à Drumont, auteur de La France juive.
Et là on sent toute la lâcheté et la rouerie des gens d’Église, de cette église que Bloy rejetait, lui le pur chrétien, qui crachait de sa plume des flammes christiques à chaque page de ses livres. Difficile de faire plus sacrificiel que lui. La socioculture, un siècle plus tard, le célébrera pourtant en pamphlétaire « socialiste », tandis que le chrétien opposé à tous les pouvoirs terrestres sera mis sous l’éteignoir. Encore trop chaud pour les vrais dominants, le Léon !
Il est vrai que la pureté de sa foi catholique va un peu trop loin pour les adeptes ou les descendants de Vatican II.
Justement, que va dire Laffay de cette description du juif dans Le Désespéré, livre déchirant dans lequel Bloy raconte sa propre vie, crue, dure et nue ?
Il y a bien deux églises – non pas le catholicisme et le protestantisme, qui vient d’ailleurs –, l’église du Christ et l’autre, l’église éternelle et l’autre. Celle qui sert les pauvres et celle qui est l’obligée des puissants, qui craint plus les puissants que Dieu. Pourtant, un des avantages de croire en Dieu, c’est qu’on ne craint plus les puissants. Le frère Laffay n’a-t-il pas confiance en son Dieu ? Pourquoi n’applique-t-il pas les paroles du Christ ?
On l’écoute ici faire un petit sermon qui ne mange pas de pain, à Lourdes.
Si Léon Bloy avait croisé notre petit frère dominicain, il est probable qu’il lui aurait envoyé une volée de mots verts comme lui seul en produisait.
C’est la persécution qui fait la foi
S’il n’est demandé à personne d’être aussi pur que le Christ et de souffrir autant que lui (mais le Christ n’était pas que souffrance, il était aussi lucidité et action), on peut dire qu’aujourd’hui, cent ans après la mort de Bloy, toutes persécutions confondues, Alain Soral est nettement plus proche du Christ qu’Augustin Laffay !
Pour information, l’ordre des Dominicains, vieux de 8 siècles, est celui de prêcheurs qui ne se coupent pas de la population, et particulièrement des pauvres. Ils sont au cœur des villes et portent la bonne parole à qui veut l’entendre. Ainsi, le concept d’« ouverture » de l’Église issu de Vatican II ne jure pas avec leur façon de transmettre leur foi. Leur ordre a été depuis rebaptisé « fraternité laïque dominicaine ».