Les observateurs de la chose médiatique et les lecteurs de ce texte « Nous, journalistes du Monde » ont hésité entre la stupéfaction et le rire : 460 journalistes, soit la totalité du staff du quotidien, ont signé un texte réclamant aux actionnaires l’indépendance de la rédaction et donc de l’information. Or, Le Monde n’est plus indépendant depuis le milieu des années 90, lorsqu’il a vendu son contenu au grand capital sous la direction d’Alain Minc, le go between (la passerelle) entre la finance et les médias (1994 pour être précis).
- Les trois capitaines qui ont coulé le titre
De troïka en troïka
Le trio Minc-Colombani-Plenel a touché du gros argent pour renflouer les dettes du journal, qui coulait doucement, mais en toute indépendance. Le journal n’a pas fait la restructuration que les syndicats redoutaient, a même embauché du monde, et se retrouve 20 ans plus tard encore plus enchaîné au grand capital, puisque ce sont les grandes entreprises qui ont mis au pot. Tout ceci est bien expliqué dans La Face cachée du Monde, le livre de Péan & Cohen, tous deux disparus aujourd’hui, deux hommes qui ont fait honneur à la profession. Ils ont été quasiment bannis des médias dominants pour ce travail de fond qui révélait l’inanité de la légende de l’indépendance du premier titre de presse français, par la réputation.
- Insolite : un pôle d’indépendance
largement minoritaire !
Depuis, Le Monde a trouvé d’autres investisseurs, c’est-à-dire que ce titre chroniquement déficitaire – il ne trouve pas son public mais satisfait les Marchés, ce qui est essentiel pour ses directions successives – a régulièrement besoin d’argent frais pour boucler ses années comptables. Le trio Minc-Colombani-Plenel, après avoir été frappé par la torpille Péan-Cohen, a été remplacé à la barre par le trio BNP, Bergé-Niel-Pigasse, soit l’association des lobbies dominants, du grand business et de la finance.
- Le nouveau Monde...
La messe est dite, et le fait qu’aujourd’hui Pigasse (le banquier légèrement anti-Macron de chez Lazard, grande banque d’affaires à l’instar de Rothschild) ait refourgué 49% de ses parts en douce à Kretinsky, l’homme de paille de puissances occultes qui rachète toute la presse française mourante (lire le dossier de Faits & Documents), ne change rien à l’affaire. Le Monde est bien un titre en perdition morale, rédactionnelle et financière, qui ne tiendrait pas sans les piécettes du Marché et les aides de l’État. On ne fait donc pas plus dépendant ; l’indépendance du titre dont se gargarisent les 460 journalistes est un leurre. De plus cette armée mexicaine a une guerre de retard : c’est contre Minc-Colombani-Plenel qu’il fallait se lever, mais voilà, l’argent a fermé bien des bouches.
En septembre 2019, avec un mondialisme désastreux pour ligne éditoriale, ce journal est devenu la voix inégalée des Marchés et des lobbies. La véritable élite intellectuelle préfère lire les débats dans Le Figaro tant Le Monde a perdu son centre de gravité beuve-méryen. Et on ne dit pas ça pour dire du mal, mais parce que c’est la triste vérité. Les sciencepotards qui intègrent le journal par wagons entiers ont tous biberonné au libéralisme plus ou moins libertaire du super libéral-libertaire Richard Descoings, il n’y a plus de petite musique interne concurrente, le Marché a gagné, il a tout écrasé. Mais les lecteurs ont perdu, et la pluralité de l’information a disparu.
Opération Pleurniche tardive
« En perdant le contrôle économique de notre entreprise, en 2010, nous, journalistes, n’avons renoncé ni à notre culture d’indépendance, forgée par soixante-quinze années d’une histoire mouvementée, ni à notre capacité à nous mobiliser pour défendre nos principes et nos valeurs. Nous avons conservé la pleine maîtrise de nos écrits et de nos images. Cette liberté, préservée de toute forme d’intervention ou de jeu d’influence, nous a permis de publier enquêtes et informations inédites bousculant pouvoirs politiques et économiques, en France comme à l’étranger. »
Parlons-en, parlons du biais antirusse, anti-iranien et anti-Trump d’un journal qui n’aurait jamais pris autant parti sous André Fontaine. On peut être social-démocrate, ce n’est pas une tare, mais on ne doit pas prendre ses lecteurs pour des ânes. Tout le monde ne pense pas pareil. Parlons du biais pro-israélien qui a fourré le journal dans des démonstrations douteuses, comme ces « gazages » syriens du « boucher de Damas » (la Ghouta en août 2013, quand Le Monde, drapé dans sa robe de justicier, a décidé de remplacer les enquêteurs internationaux et de voler au secours des martyrs shoatisés), jamais démontrés, malgré force renforts d’enquêtes et d’enquêteurs, comme si le journal voulait peser dans la balance israélo-américaine, atlantiste, otanesque.
Parlons du biais écologiste, qui va jusqu’à reprendre les théories fumeuses des réchauffistes et soutenir les manifestations stériles de lycéens manipulés contre le climat – ou pour, ce n’est pas très clair, disons pour quand il fait froid et contre quand il fait trop chaud, mais alors il faut s’entendre sur les mois d’été... – au détriment de la révolte populaire des Gilets jaunes, largement conchiés dans les colonnes du journal, sur ordre bien évidemment. Car les Gilets jaunes déplaisent au CRIF, à la Banque et au gros business, ces piliers du pouvoir profond qui voudraient des employés serviles nantis de droits squelettiques et surtout parfaitement sionisés.
Parlons enfin plus globalement du biais progressiste, qui a uni dans son lit les lubies de Pierre Bergé et le pire de la culture faussement intellectuelle, celle des larbins du socialo-sionisme, que les Français conscients rejettent en bloc. Un journal pour l’élite, oui, mais une élite corrompue, soumise à des intérêts étrangers et pour cela décriée, rejetée, vomie. Le mauvais camp, le choix de l’impopularité !
Encore un pari faustien raté
« Ceci est notre bien le plus précieux. Toute modification substantielle du capital sans l’aval des salariés entacherait la relation bâtie depuis bientôt dix ans avec nos actionnaires, jetterait une ombre sur la valeur du journalisme du Monde et dégraderait la confiance de nos lecteurs. »
Là c’est le pompon : allez sur Twitter et voyez comment les journalistes bien-pensants du Monde sont reçus, et vous allez comprendre que la lucidité en interne met du temps à venir. Il ne s’agit pas de haine antijournalistique, mais de refus de la désinformation, ce n’est pas pareil. La preuve, les Français affranchis de l’information mainstream sont avides de vérités, d’explications plus solides, moins « foutage de gueule », nous en sommes la preuve chez E&R, et il n’y a pas que nous.
Malgré ce retard à l’allumage qui a pris 25 ans (depuis 1994 donc et la fin comptable de l’indépendance du titre), nous souhaitons à ces 460 CDI un réveil pas trop brutal et une redécouverte de l’information non alignée, ce qui est tout de même sa définition. Dans ce cas, nous rachèterons Le Monde, en kiosque, comme avant.
Les curieux de la pétition (pas encore une fronde, on n’est pas des Gilets jaunes au Monde) peuvent la découvrir ici.
Voici maintenant des réactions à cette lettre que 460 naufragés enfumés par le grand capital ont lancée dans l’océan virtuel du Net. D’abord le cri du Mestre le soir parmi les jonques :
Un texte important où notre collectivité défend l’indépendance éditoriale du @lemondefr pic.twitter.com/K9cyrlRTl9
— Abel Mestre (@AbelMestre) September 10, 2019
La réaction de Jacques-Marie Bourget, un grand et digne journaliste :
Celle d’un internaute affûté :
Axel Loustau, un vrai nationaliste :
Il y a plus méchant (ou plus déçu) que Loustau :
Qui est cet investisseur qui rachète à tour de bras la presse française mourante ?
Pourquoi ce milliardaire venu de nulle part rachète-t-il des centrales à charbon vouées à la disparition et des titres de presse français ? Explication de Faits & Documents :
De l’achat d’influence, uniquement, afin de récupérer à moyen ou long terme d’énormes masses de subventions.
Le soulèvement gentil des 460 journalistes du Monde pour défendre leur indépendance fictive fait donc rire les connaisseurs de la presse et sursauter les autres.
Indépendance éditoriale des journalistes du @lemondefr ? C’est une plaisanterie ?
— Yves (@KerrienY) September 11, 2019
Racheté par un fonds d’investissement (derrière l’entreprise EPH) qui veut faire de l’argent en France et en Europe dans la reconversion énergétique : triste fin programmée pour un titre de presse né il y a 75 ans exactement. Un « journal de prestige » selon les propres mots de Charles de Gaulle qui avait besoin d’une représentation médiatique forte à l’étranger, même si Le Monde, attaché à son indépendance éditoriale, pour le coup réelle, n’épargnera pas le Général pendant les années 60. Le journal était alors un quatrième pouvoir.
Aujourd’hui, cette extension du capital n’épargne pas les Gilets jaunes et les Français souffrant de la domination des lobbies – dont Le Monde est le représentant quasi officiel – et de la paupérisation due à l’idéologie libérale, dont il est le chantre. Autres temps, autres mœurs.