Pas de vision, pas de projet, pas d’idée, pas de profondeur, aucune imagination, rien, nada, que dalle, sinon une enfilade de généralités du niveau d’un fils de famille pistonné de Sciences Po. On pensait le demi-finaliste de 2002 plus affûté, plus conquérant, plus construit politiquement : il n’en est rien. Ainsi doit-on résumer l’interview très complaisante de l’ancien Premier ministre socialiste Lionel Jospin par la douce Olivia Gesbert sur France Culture.
Pourtant, en 33 minutes, on peut en dire des choses, et des choses fortes. On peut même mettre le feu pour vendre son bouquin Un Temps troublé, correctement flingué dans Le Point. Mais devant la situation politique française, inédite depuis 2017 et l’élection surprise du banquier rothschildien, et l’élection surprise de Donald Trump de l’autre côté de l’Atlantique, on comprend très rapidement que Jospin n’a pas les concepts pour comprendre, que sa caisse à outils usés ne lui sert à rien :
il patine sur les Gilets jaunes, dont il ne comprend pas la finalité (il « préfère » l’action syndicale classique), et dans ce domaine il est à des années-lumière des analyses sociologiques de Fourquet ou Guilluy ;
il n’arrive pas à comprendre comment un PS vendu au Marché a pu faire naître la vipère néolibérale Macron en son sein, et pourtant c’est tout con ;
il se plante totalement sur Trump, dont il ne comprend pas la stratégie, pourtant claire : retour au nationalisme productif. Le côté productif ne gêne pas Jospin, c’est le mot nationalisme qui, en bon trotskiste borné, le dérange.
Pour dire les choses plus simplement, et sans méchanceté aucune, Jospin n’a même pas le quart du niveau de lucidité du lecteur d’E&R. Il est même très loin des derniers arrivants, beaucoup plus au fait de la politique profonde ici et ailleurs, et qui ne raisonnent plus avec les schémas morts, ceux qui ont été conçus pour faire croire à la démocratie, au parlementarisme et toutes ces fadaises. Nous sommes bien dans le monde d’après, mais pas celui qu’espérait Macron : nous sommes dans la Matrice, et Jospin veut croire que le steak qu’il mange est un vrai steak.
Pour finir, le socialiste vaincu par Le Pen en 2002 croit à l’énorme fadaise oligarchique du réchauffement climatique, ce qui le met au niveau d’une Greta Thunberg, la marionnette mondialiste à tête de sadique. Dire que ce niveau de « pensée » politique, complètement à l’ouest, a passé quatre ans au Conseil constitutionnel... Vous nous direz, il y a bien Fabius qui a déclaré que certaine milice takfiriste de Syrie faisait « du bon boulot »... On n’en est plus à une aberration près, avec nos hommes politiques déchus.
La voix douce d’Olivia Gesbert déroule le tapis rose au hiérarque, au lieu de le bousculer dans ses retranchements, histoire d’arracher quelques vérités. Nous sommes bien sur le service public audiovisuel, qui sert la soupe aux employés, petits ou grands, de l’oligarchie. Nous sommes à 21’56, Jospin vient de dire :
« Je rejette d’un côté la fable du grand remplacement, telle qu’elle est développée par le Front national, le Rassemblement national, et notamment certains dans le Rassemblement national, c’est-à-dire la thèse selon laquelle une population d’origine étrangère irait se substituer à une supposée population originelle française, mais en même temps je dis, alors là avec plus de respect parce que le discours humaniste me parle, je dis aussi que il y a une illusion de l’accueil inconditionnel. Et donc autant le droit d’asile doit être respecté, autant il faut quand même maîtriser les flux migratoires parce que sinon nos sociétés, euh, risquent de, euh, de, de rencontrer des tensions extrêmes. »
On comprend en deux phrases bien contradictoires avec un gros déni de réalité et un malaise certain que le socialisme sauce Jospin-Hollande se soit effondré...
Olivia : « Vous évoquez aussi dans ce livre la chimère d’un monde sans frontières, vous pensez qu’on est face aussi à une crise de la souveraineté. »
Lionel : « Non, on est plutôt, en tout cas à l’extérieur de l’Europe, dans une crispation nationaliste. Moi ce qui me frappe, c’est que la grande puissance qu’étaient les États-Unis, sous la conduite d’un président dont la diplomatie est à la fois erratique, irrationnelle et contre-productive même pour les intérêts des États-Unis, il y a cette politique menée par les États-Unis qui sont en rupture avec le multilatéralisme de façon particulièrement absurde quand on voit la rupture avec l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé, qui est in-dis-pen-sable pour la coordination des actions nationales. Et puis aussi ce président rompt avec ses alliés traditionnels, du coup il offre un terrain à la puissance qu’il dit craindre, c’est-à-dire à la Chine, y compris dans les organisations internationales. Non, nous ne sommes pas dans une phase où les souverainetés sont mises en cause, surtout si l’Europe évolue dans le sens du réalisme et du volontarisme, mais nous sommes plutôt dans une phase où dans les régimes autoritaires ou dictatoriaux il y a une crispation nationaliste, c’est-à-dire que comme les peuples aspirent à exprimer leur opposition, on le voit par exemple en Russie aujourd’hui, avec cet empoisonnement de l’opposant principal, en tout cas le plus connu à Poutine qu’est monsieur Navalny, eh bien ces régimes autoritaires craignent le peuple. Certes les démocraties qui doivent gouverner par le peuple, pour le peuple, ne respectent pas toujours authentiquement ce message donc il y a des doutes à l’intérieur de nos pays, mais il faut voir que les régimes autoritaires ou de dictature représenteraient une menace singulièrement plus forte et moi au fond, ce qui me pose question, c’est que nous sommes désormais, l’ensemble de la civilisation humaine, face à une menace globale. Qui est à la fois la menace du réchauffement climatique, la menace de la perte de la diversification avec des conséquences majeures sur le plan agricole et nutritionnel. Quand on a un ennemi commun normalement on se rassemble, on se réunit contre cet ennemi commun... »
On va arrêter là, la démonstration est suffisante. Avec ses propos sur les USA et Trump, on comprend que Jospin aimerait revenir à un Empire interventionniste tout-puissant, celui qui a lancé toutes ces guerres de prédation après Kennedy... On va finir par croire Meyssan qui voyait en Jospin un allié de l’Empire, c’est-à-dire des intérêts américains en France, un peu comme Plenel !
Ah !, une dernière pour la route : Jospin est considéré comme le juge de paix de la gauche, en France, une sorte de figure morale, à l’image de Badinter (si les Français savaient...), un grand commandeur...
Le socialisme sauce PS, c’est vraiment un sous-programme de la droite pour baiser les pauvres. La seule gauche viable à la fin des années 90 était celle de Chevènement, un socialisme réaliste et national, et Jospin s’en est séparé sous la pression de Cohn-Bendit, donc du lobby sioniste et des intérêts américains. Le candidat à la présidentielle 2002 aura beau accuser Chevènement et ses 5 % au premier tour d’avoir plombé la gauche et son propre avenir, c’est bien le choix antinational de Jospin qui aura ouvert un boulevard à Le Pen.