« Vous pouvez me dire quel genre de soirée déguisée se termine par la mort d’une personne ? » Bill Harford (Tom Cruise) dans Eyes Wide Shut.
Sujet difficile, grave et très peu abordé dans l’histoire du cinéma, les réseaux de parties fines déviantes ont été si peu représentées qu’évidemment dans la culture populaire et l’inconscient collectif c’est comme le nuage de Tchernobyl : « Il s’arrête à la frontière », donc n’existe pas chez nous.
Néanmoins quelques artistes, souvent iconoclastes, de réputation internationale et quelque fois penseurs/essayistes (donc pas vraiment des imbéciles de dernier plan comme peuvent être les cinéastes dits « engagés » qui, par leur gauchisme attardé font, sans faire le lien, l’apologie des valeurs du Marché) touchent du doigt ce sujet dangereux, voire mettent la caméra et leurs deux pieds dans la boue la plus répugnante que l’humanité ait conçu pour ses divertissements d’Élite (hélas sponsorisée par un dieu cornu).
Des films souvent difficiles à promouvoir (des relais timides de la presse), quasi impossibles à financer sur ce sujet précis (d’où l’intention pour certains artistes d’en parler de manière détournée) et qui ne passent que très peu à la télévision. Certains en sont morts – comme Pasolini ou la femme de Polanski – et d’autres subissent encore aujourd’hui une censure d’ordre économique : si sujet gênant, alors pas de financement (Yves Boisset). Mais grâce à l’Art – cette relation mystique de l’Homme avec les forces immatérielles dans la création – « Il n’y a rien de caché qui ne doive être découvert, ni de secret qui ne doive être connu » (Luc 12.2). Voici les fictions qui dévoilent ces secrets.
Twin Peaks : Fire Walk With Me (David Lynch, 1992)
Célèbre préquelle de l’une des meilleures séries des années 90, le film raconte (enfin) la raison de la mort de Laura Palmer, enquêtée jusqu’ici durant toute la première saison, mais jamais résolue. Lynch va parler de ce sujet en y allant par quatre chemins (c’est sa méthode : un certain style sibyllin qui va s’affirmer avec les années), par le rêve, une symbolique appuyée, et le monde de l’inconscient, David Lynch déjoue les attentes des spectateurs de ce spectacle télévisuel en les emmenant dans un monde énigmatique et ouaté qui, sous la surface de la bonne bourgade de banlieue, cache les horreurs faites à leur jeunesse : Laura Palmer, lycéenne sujette à une forte addiction au sexe et à la drogue, se voit poussée dans une spirale auto-destructrice, jusqu’à faire des passes dans un club de partouzards notables, suite aux nombreux viols répétés de son propre père Leland Palmer.
David Lynch nous montre ici le désœuvrement et la fin terrible de cette victime dont la vie se termine en cauchemar, où les anges ne protègent plus les enfants (la disparition de l’innocence dans la scène du tableau) et où la police ne résoudra jamais l’enquête. Une tragique histoire, révélant le secret à l’origine de la série, qui fut peu apprécié lors de sa sortie (les étrangetés de la mise en scène de Lynch étaient encore « modérées » pourtant) alors qu’il touchait à un point fondamental que l’on observe chez les victimes de certaines réseaux partouzards : l’embrigadement sexuel des enfants par leurs propres parents. Le film déçut son propre public et ne gagna une valeur d’estime qu’avec le temps ou l’on reconnaît surtout ses qualités de mise en scène « bizarre » mais jamais son contenu pourtant diabolique !
Tiens, mais au fait, où en sont les affaires Fiona et Milla Antonini par exemple, ou encore le témoignage de Régina Louf ?
Eyes Wide Shut (Stanley Kubrick, 1999)
Dernier opus d’une œuvre faible en nombre de films mais puissante sur l’accomplissement artistique, le film testament du Maitre incontesté du cinéma de la seconde partie du XXe siècle avait encore une fois déjoué tout le monde : le public et la presse s’attendait à un film érotique alors qu’il narre une aventure nocturne qui emmènera son protagoniste jusqu’à une partouze satanique.
Adapté d’une nouvelle méconnue d’Arthur Schniltzer, médecin et écrivain viennois d’origine juive, admiré par Freud dont il est un contemporain, Kubrick a mis près de trente ans à adapter cette nouvelle et considéra le film une fois fini comme « son meilleur » (dixit Frédéric Raphael, son scénariste, dans son livre Deux ans avec Kubrick), dont la scène-clé du film, celle du gang-bang d’hyperclasse, est illustrée par un chant catholique… inversé, transformé à partir d’une liturgie roumaine orthodoxe enregistrée dans une église de Baia Mare et rejouée à l’envers par Jocelynn Pook dans son album « Flood », soulignant bien l’orientation satanique de la musique. Cette scène montre des femmes nues s’offrant à des hommes masqués, ritualisée par une sorte d’ « évêque » en pourpre donnant le tempo. Le personnage de Tom Cruise se glissera parmi les invités mais, une fois démasqué, l’une des femmes s’offre en sacrifice à l’aréopage de libidineux afin de « sauver la vie » du malencontreux médecin. Une bonne vieille messe noire en somme, avec sacrifice d’humain en bonus.
À l’époque où le film sortit, l’ensemble de la presse s’était focalisé sur la relation Kidman/Cruise en cours d’effilochement, sur le thèmes du couple et de la conjugalité, travaillés à maintes reprises par son réalisateur (la seconde partie de Barry Lyndon ne parle que de ça, Lolita entièrement et The Shining partiellement), et où les cinéphiles glosaient sur la part de rêve et de psychologie dans le parcours nocturne et diurne de Bill Harford, façonné par la mise en scène envoutante et élégante de Stanley Kubrick (qui souligne très bien les masques grotesques des participants et dont le tournage eut lieu au château Mentmore Towers, appartenant aux… Rothschild !).
Mais personne n’a soulevé ce qui est pourtant littéral dans le film : le réalisateur montre une partouze d’Élites pouvant se terminer sur des transgressions morales. La prostituée est en effet retrouvée morte le lendemain, et bien sûr à la fin du film, le personnage de Ziegler (dont la salle de bain est remplie de serviettes pliées en tabliers franc-maçons…) se chargera de couvrir son ami Bill et de l’éloigner de ce genre de « divertissement » car peu apte à saisir les joies de la transgression, lui, Bill le petit bourgeois s’ennuyant dans son couple. Une histoire terrible, se terminant certes sur la réconciliation du couple mais aussi sur le dernier mot du cinéaste : « fuck ». Une presse qui resta, comme le titre le prophétisait, les « yeux grands fermés » sur ce sujet.
Tiens, mais comment a fini l’affaire des « ballets roses » ? Et de quoi témoignent donc les victimes prostituées dans l’affaire « Patrice Alègre », et de quoi parle le carnet de « tarifs de torture » retrouvé – puis perdu une heure avant le procès – dans l’affaire des « disparues de l’ Yonne » ?
Rosemary’s Baby (Roman Polanski, 1968)
Rosemary va avoir un bébé. Rosemary a des voisins de plus en plus envahissants. Ses voisins croient-ils au Diable ou bien Rosemary se fait-elle des idées ? A-t-elle été consentante à un viol sous hypnose ou bien ce qu’elle a rêvé fut-il réel ? Rosemary doute…
Un des meilleurs films de son réalisateur pourtant controversé raconte ni plus ni moins un viol satanique par une caste d’Élite que l’on croit inventé mais qui se révèle de plus en plus vrai au fur et à mesure que l’on avance. Adapté d’un livre d’Ira Lévin (Ces garçons qui venaient du Brésil, autre livre célèbre racontant le clonage d’Hitler), Polanski choisit de le mettre en scène en collant au point de vue de Rosemary dans une ambiance aux antipodes du sujet : très « film de couple, psychologisant » plus que thriller fantastique.
Ce fut alors le plus gros succès du réalisateur polonais à Hollywood, un film qui lança le cinéma d’épouvante/horreur sur les rails du mainstream, mais aussi marqua la fin d’une success story de près de 10 ans de son réalisateur par la mort brutale de sa femme enceinte de 8 mois, par la secte revendiquée « satanique » de son Gourou : Charles Manson (le lien à établir est que cet homme façonnait des esprits faibles pour aller commettre des meurtres, et que Polanski et sa femme avaient acheté récemment la maison du producteur de disques qui refusa les chansons de Manson autrefois ; sa vengeance échoua alors sur ses nouveaux occupants par une trompeuse rancœur).
Perte des valeurs chrétiennes, carriérisme par le meurtre, viol, toutes les valeurs sataniques y sont montrées sans détour dans un récit brillant où la subjectivité reste ambiguë jusqu’au bout et, comme Rosemary, la fin nous laisse pétrifiés.
Tiens, mais qu’est-il arrivé à Lina Morgana, la concurrente mystérieusement jetée du 10e étage, depuis que Lady Gaga a repris ses chansons et son accoutrement ?
Les Ballets écarlates (Jean-Pierre Mocky, 2005)
Mocky n’est pas un cinéaste qui a sa langue dans sa poche. Dès qu’un sujet le touche, il tourne avec quelques amis à la va-vite un film, puis s’en va aboyer dans les médias avec sa verve bien connue. Néanmoins, le jour où il s’attaqua aux réseaux de notables pédophiles de province, nulle distribution ne lui fut autorisée, aucun festival n’accepta le film et même son ami le puissant Jérôme Seydoux, ne lui trouva pas de place au sein de Pathé pour promouvoir son œuvre.
Certes pas très bien réalisé (un découpage pauvre, un jeu d’acteur approximatif surtout chez les enfants, pas de direction artistique poussée…), le film n’est pas à retenir pour sa brillante mise en scène, à des années-lumière de ses collègues Kubrick, Lynch ou Polanski, mais met en avant la stratégie de l’édredon mise en place pour étouffer un film à un sujet que son réalisateur attaque frontalement (car Mocky ne se cache pas derrière une série TV, un bon roman, ou une nouvelle oubliée de Schniltzer pour affronter directement le sujet, ce qui fut une erreur tactique de dévoilement d’intentions trop visibles). Peu vu, injustement décrié (car l’histoire est bien construite malgré tout et surtout très plausible) et quasiment disparu de tout circuit de distribution (pas de DVD), le réalisateur en fut fort blessé en faisant une déclaration publique sur internet en vue d’interpeller le public sur ce sujet au combien délicat, mais toujours mis à l’écart. Le film racontait comment, en province, un enfant s’échappait de ce réseau et comment de simples citoyens ont cherché à faire justice en retrouvant les coupables.
Tiens, mais au fait, qu’est il arrivé à Stan Maillaud et ses amis récemment venus dans la région d’Amancey ?
La Femme flic (Yves Boisset, 1980)
Corinne Levasseur (Miou-Miou), inspecteur de police, est mutée dans le nord de la France. Elle découvre à Lens un réseau de prostitution enfantine dans lequel sont impliquées des personnalités de la région.
Tourné dans une période faste pour son réalisateur (après le succès de Dupont Lajoie et avant l’audacieux Prix du danger dénonçant les dérives de la télé-réalité bien avant son invention), ce film avait pour but de dénoncer la profusion d’images pédopornographiques dont le commerce explosait au tard des années 70, et avait pour but de mettre en valeur la place des femmes au sein de la police française (l’éternelle propagande « progressiste » du cinéma dit « engagé »). Boisset s’est basé sur un témoignage à la suite d’une rencontre en vacances avec une femme, qui fut mutée très, très loin de sa juridiction, car elle avait mis le doigt là ou il ne fallait pas. Les cas sociaux c’est bien, mais quand on s’aperçoit à quoi ils peuvent servir pour leur parents et pour le compte de qui, là, on mute, on déblaie et on fait diversion.
Boisset profite de ce film pour filmer la région du Nord comme un nid de prédateurs, aux institutions gangrénées par la corruption, et règle ses comptes avec ceux qui le traitaient de « gauchiste » (la fameuse scène où l’on voit l’intolérance des gens de gauche à l’égard de ceux qui essaient tant bien que mal de travailler à l’ordre et à la justice parmi les policiers ; mais rappelons aussi la merveilleuse amitié que le réalisateur entretenu avec Michel Déon, le secrétaire personnel de Charles Maurras), mais surtout souligne la dérive d’un certain quart-monde dans le nord de la France, où des parents n’hésitent pas à « vendre » leurs enfants aux plus offrants (donc forcément à des riches).
Tiens, mais qu’en est il des suites du procès d’Outreau et du témoignage de Chérif Delay ? Pourquoi le gendarme Roussel a t il été muté ? Et que sont devenus les enfants de l’Hôpital général ?
La Mémoire du tueur (Erik Van Looy, 2003)
Un réseau de pédocriminels vient d’être démantelé par la police, ce qui conduit des nobles proches du roi belge à engager un tueur afin de « nettoyer » tout ce qui peut conduire à eux. Petit à petit, le tueur se rend compte pour qui il travaille et se retourne contre ses commanditaires. Pas de chance pour lui dans sa quête : il apprend qu’il est atteint d’Alzheimer.
Excellent film policier qui fut un gros succès en Belgique lors de sa sortie, et qui lorgne du coté de Christopher Nolan (Memento) et Michael Mann (Sixième sens et Heat), ce film restitue tous les canons du grand spectacle actuel, montrant un savoir-faire indéniable chez son réalisateur, ancien chroniqueur télé. Un thriller nerveux au suspense bien tendu, l’histoire commence de but en blanc dans la maison d’un Jean-Marc Dutroux en plein business, qui se fait coincer par la police. Mais là ou la fiction va plus loin que la réalité, c’est qu’il ose montrer des gens proches du Roi et des affaires bancaires, comme acteurs et commanditaires de pédophilie, là où l’enquête Dutroux dans la réalité s’arrêta à la thèse – usée – du « prédateur isolé ». La panique les poussant à « nettoyer » tout ce qui peut remonter à eux, quel qu’en soit le moyen.
Tiens, mais qu’est il arrivé aux trente personnes qui devaient témoigner dans l’affaire Dutroux, comme le rappelle le journaliste Douglas de Coninck dans son enquête ?
Salo ou les 120 journées de Sodome (Pier Paolo Pasolini, 1976)
Gaspar Noé dira de ce film : « Si Pasolini n’était pas mort on l’aurait tué pour avoir fait ça ! » En effet, sur une plage de Rome, le 2 novembre 1975, Pasolini, le poète, l’essayiste, celui qui a réellement mis le doigt sur le vrai fascisme contemporain dans ses écrits (et pas celui de théâtre, tenu par les extrêmes droites européennes), fut retrouvé mort assassiné. Un règlement de comptes dans le milieu homosexuel, dit-on à l’époque. Une fois le « coupable » désigné, celui-ci en sortant de prison, a récemment avoué avoir casqué pour les plusieurs commanditaires de ce meurtre (un « complot », mais bon, il paraît que ça n’existe pas). Pasolini était trop libre, trop inconscient, et son dernier film montre bien cette attitude bravache : Salo est un film qu’on ne regarde qu’une fois dans sa vie.
Dans la République de Salo, des personnes de pouvoir vont faire subir à des jeunes adolescents les pires sévices que leur imagination – fertile – suscitera. Divisé en trois actes (le cercle des Passions, le cercle de la Merde et le cercle de Sang), il montre comment des notables s’éclatent à repousser toutes les transgressions et humiliations, allant ainsi jusqu’à la torture et le meurtre. Adapté du marquis de Sade, ce film s’installe non pas dans la monarchie du XVIIIe siècle, mais change de régime : nous sommes maintenant en République, à la fin de la gouvernance de Mussolini entre 43 et 44, alors que des bombardiers américains traversent le ciel d’un son infernal et terriblement malsain (merci Ennio Morricone pour cette trouvaille sonore).
Allant jusqu’au bout de leurs pulsions sado-masochistes, de leur délire d’abus de pouvoir sur des jeunes innocents (du pur satanisme), Pasolini dévoile tout, et pourtant sa mise en scène n’est pas racoleuse : élégante et suggestive, on sait ce qui se passe et pourtant l’on ne voit rien (ou peu…), ce qui est la marque des grands cinéastes que de marquer notre imagination sans avoir besoin de montrer frontalement les choses.
Des divertissements, pas loin de ce qui « amusa » pendant un temps le juge Roche et ses amis du coté de Toulouse, et qui montent crescendo dans l’horreur. Un film radical, pas poli et peut-être le plus authentique de ce qui peut se passer dans un réseau pédo-criminel : humiliations, sexe, rituels, tortures… tout y passe, y compris la souffrance des jeunes remarquablement évoquée en un fameux silence qui fait encore froid dans le dos. Des jeunes qui vont être sacrifiés pour que des types sans foi ni loi, puissent assouvir tous leurs délires de perversion.
Sinon que se passe-t-il en ce moment sur l’île de Jersey : encore des squelettes d’enfants retrouvés ?
De Gilles de Rais aux enlèvement d’enfants sous Louis XV, les affaires de pédo-criminalité ont pu montrer dans le passé qu’elles furent l’objet de plusieurs personnes concertées, aux mêmes intérêts, et dans un délire de transgression absolue. Néanmoins aujourd’hui alors que l’idéologie progressiste nous dit que tout ce qui vient du Passé est barbare et arriéré, nous voyons réapparaître beaucoup d’affaires aux marqueurs semblables et surtout des fictions traitant avec un certain égard et le sérieux que n’ont pas nos responsables à la Justice ou dans la Police face à ce sujet dit « complotiste » (alors que le Présent montre bien que tout ceci existe bel et bien comme le rappelle l’affaire de la Casa Pia au Portugal, qui, elle, est une affaire qui est allé jusqu’au bout).
Mais rassurons-nous, ne soyons pas paranoïaques, voyons... Car bien sûr tout ceci n’est que du cinéma. Seulement du cinéma.