La présidence « normale » s’annonçait pleine de probité. Sus aux anciens politicards véreux, sus au cumul des mandats, sus à la corruption ! s’écriait François Hollande. Et de jeter cela noir sur blanc, par de beaux paragraphes clairs et engagés, dans ses 60 engagements pour la France [1]. Ah ! Un monde politique débarrassé de ses vices, ça, c’est du changement ! Et « dès 2012 », nous disait-on ! Enfin !
Un cas particulier fait cependant aujourd’hui grandir les rictus d’incrédulité que certains arboraient déjà, lors de la campagne présidentielle, à l’écoute de toutes ces belles paroles. Claude Bartolone a été élu président de l’Assemblée nationale en juin dernier. Malgré cette nouvelle responsabilité, plutôt substantielle, nous en conviendrons, le socialiste n’a pas jugé utile de quitter ses mandats législatifs et locaux en cours. Ainsi, bien qu’ayant abandonné son poste de président du conseil général de la Seine-Saint-Denis, il reste conseiller général du canton Pantin-Est et député de la neuvième circonscription de la Seine-Saint-Denis, gardant ainsi une franche distance avec la promesse présidentielle (soldée depuis, en recommandation interne au parti socialiste, dans l’attente d’une vague loi qui s’appliquerait en 2014) [2].
Cerise pourrie sur le gâteau, certains murmures, non démentis pour l’instant, affirmeraient que Bartolone se serait fait réintégrer au corps préfectoral par le Président lui-même, conformément au fonctionnement prévu. Bien qu’il n’ait pas été préfet depuis 25 ans, Bartolone a apparemment pu prendre dans la foulée de sa nomination sa retraite préfectorale, avec tous les avantages financiers qu’elle suppose, dès août 2012.
Voilà donc qu’en plus d’un flagrant délit de non-respect de la promesse présidentielle, qui concerne par ailleurs aussi deux cent vingt-cinq autres députés socialistes [3], on se retrouve avec une accusation de copinage bien répugnante ! Ah ! Quel drame ! Quelle désillusion ! Avaient-ils donc raison, les cyniques qui riaient déjà du mot « changement », lors de la présentation de ce gouvernement rempli d’ex-confrères (si l’on se réfère à leurs appartenances à des gouvernements précédents) et de frères tout court (si l’on se réfère à d’autres appartenances plus discrètes) ? La mise au pas éthique du politique, serait-ce donc du flan ? Autant que la diatribe contre « le monde de la finance » ?
Il serait certainement mesquin de tacler le président normal sur cette affaire de non-cumul de mandats ; on ne peut pas s’arrêter à chaque promesse non-tenue par les forces politiques ayant gouverné le pays ces dernières décennies. Mais c’est si triste ! Les tenants de l’ « hollandisme révolutionnaire », déjà très éprouvés par leur recherche d’excuses pour justifier l’adhésion au pacte budgétaire, voient à présent se craqueler les simples promesses de forme ! Eux qui ont tant jubilé, parfois avec des gestes de mépris envers ceux qui doutaient, sont donc contraints par les faits à se diriger, si tôt déjà, vers la case silence…