Le Figaro et France 3 Normandie ont, le 24 janvier, fait état des manifestations et de leur persistance inattendue (pour eux, car pour d’autres, c’est inespéré). Le Figaro a centré son article sur le durcissement des slogans anti-Macron, tandis que France 3 rendait compte des défilés au Havre et à Rouen. L’écart entre les chiffres annoncés par les deux camps est étourdissant : 7500 manifestants au Havre selon la police, 60 000 selon la CGT. Mais que ce soit à Rouen ou au Havre, les manifestations n’ont pas donné lieu à des violences.
Les médias nous expliquent que le mouvement est en phase descendante, qu’il s’étiole, qu’il y a une démobilisation croissante, on parle de manifs « croupion », bref, les éléments de langage habituels de la clique inféodée à la fois au grand capital et au pouvoir profond, celui des réseaux occultes non élus mais qui font quand même la loi.
Au Havre, les dockers, qui règnent sur un port très stratégique pour les importations françaises, ont défilé en masse. Des coupures de courant ont eu lieu dans la ville à 10 heures, touchant 16 000 foyers, comme à Lyon précédemment. On peut penser que les actions étaient concertées.
Mais il n’y avait pas que les dockers, des enseignants ont bloqué l’inspection académique de Rouen, des pompiers ont gueulé sous les fenêtres de la caserne Gambetta (à Rouen), BFM TV et LCI ont beau enterrer le mouvement de contestation à la télé, dans la rue, il est toujours là. C’est à se demander si le couple Macron-Philippe se base sur la télé ou sur la rue pour ses décisions...
Le patron de Sud Radio, qui participe depuis le départ au mouvement, à la fois en tant que journaliste et en tant que citoyen, reprend de volée le médiacrate – ou médiocrate, au choix – Jean-Claude Dassier, anciennement patron de LCI, actuellement vice-président du très national-sioniste Valeurs actuelles, et ce jour chroniqueur sur Cnews :
Non. J’étais à côté du jeune photographe devant l‘Assemblée quand il a perdu sa main. Il a eu un réflexe pour s’en débarrasser. 26 g de TNT qd même. C’est ça, la vérité. J’ai encore ses hurlements qui résonnent dans ma tête. Mais c’est vrai, quand on n’est pas sur le terrain... https://t.co/G62kLopaDH
— Didier Maïsto (@DidierMaisto) January 25, 2020
Toujours la même déchirure entre les professionnels de la désinformation et la réalité du peuple de France, une déchirure qui est depuis longtemps actée au niveau politique. Les députés se font poursuivre jusque devant leur maison, des slogans hostiles décorent leurs murs (« Castaner enc... »), les ministres ne se déplacent plus sans une escorte surarmée, parfois avec des armes de guerre, et Macron a du mal à faire un pas dehors, lui qui a été pourchassé dans un théâtre récemment...
Macron est la cible symbolique de nombreux manifestants qui se radicalisent au fur et à mesure que le pouvoir se montre sourd à leur appel. Les slogans se font plus précis, plus directs, plus menaçants :
Il est vrai que la répression décidée depuis le 17 novembre 2018 en haut lieu ne laisse pas de place à la nuance : soit on prend des coups et on ferme sa gueule ou on capitule, soit on l’ouvre encore plus grande. La répression, on le sait tous, ne fait qu’attiser le ressentiment et fortifie la contre-répression. Ceux qui ont le courage de manifester aujourd’hui, au risque de perdre un œil ou une main, voire plus, ont désormais une volonté de fer. Eux iront jusqu’au bout. Le jusqu’au-boutisme du pouvoir a produit un jusqu’au-boutisme de la résistance. L’affaire est loin d’être terminée entre les élites et le peuple en colère.
Vu ici « Emmanuel Thatcher dégage » #greve24janvier #GreveGenerale #greve #manifestation #Paris pic.twitter.com/YckYqAxSCY
— Guillaume Poingt (@guillaumepoingt) January 24, 2020
Comme nous l’avons écrit, Macron est logiquement associé à Thatcher et à sa politique de destruction sociale destinée à écraser le monde ouvrier britannique qui faisait encore obstacle, politiquement et syndicalement, au rouleau compresseur ultralibéral.
Après la répression gouvernementale, la répression populaire ?
« Collecte pour une guillotine » et juste à côté un double rideau de policiers pour bloquer la route vers l’Elysée. Saisissant #greve24janvier #GreveGenerale #greve #manifestation #Paris pic.twitter.com/si0VtYEfbn
— Guillaume Poingt (@guillaumepoingt) January 24, 2020
Bonus : BHL dans son bloc-notes du Point (du 23 janvier 2020)
dénonce la « haine » des manifestants (contre Macron entre autres)
« Ces hommes et ces femmes ne sont pas animés par l’espoir mais par la haine. »