« L’encours de dette française détenue par BlackRock a atteint 32 milliards de dollars en août 2018. Ce montant a plus que doublé en un an. Le géant est également exposé à hauteur de 98 milliards de dollars aux actions françaises et l’un des principaux actionnaires du CAC 40. » (Les Échos)
Sa bonhomie à la Jean-Pierre Foucault, sa componction d’ecclésiaste et son phrasé rassurant ne doivent pas tromper les Français : Jean-François Cirelli, à la tête de la tentacule française de la pieuvre mondialiste BlackRock, qui gère 6 000 milliards de dollars d’actifs dans le monde, soit deux fois et demi fois le PIB de la France (prononcer pibe à la manière d’Attali, le banquier gentil avec les pauvres), est là pour transformer l’épargne des Français (14 % de leurs revenus) en épargne-retraite, c’est-à-dire en complément de cette retraite par répartition qui est en train de fondre chaque année, notamment à cause du chômage (moins de cotisants), des régimes spéciaux et de l’allongement de la durée de vie.
Ce sont du moins les arguments des néolibéraux à l’origine de la réforme des retraites que le couple Macron-Philippe tente de faire passer, malgré les boulettes de Delevoye, le monsieur retraites envoyé sur le front social. En soi, une retraite à points basée sur le même calcul pour tous est une forme de justice sociale, mais en réalité, ce nouveau système, qu’il passe en force ou en douceur, prépare l’arrivée des appétits féroces de ces fonds de pension à la trésorerie gigantesque.
« En France, en Allemagne et en Italie, la part de marché de BlackRock est relativement faible. Or, ces pays sont des bassins d’épargne importants, principalement orientés vers les produits sans risque » (Jean-François Cirelli)
Un discours sirupeux, verdâtre et positif pour endormir le chaland
Par deux fois, Cirelli a été invité sur le service public pour dérouler son argumentaire de VRP mondialiste qui veut capter une partie de l’épargne des Français en leur faisant miroiter des gains par actions et une retraite plus grasse, en oubliant toutefois de leur parler krach boursier ou bancaire et captation d’épargne.
Mais les gens sont libres d’utiliser leur argent à leur guise, et des conseillers malins sont là pour leur vendre du bonheur... futur, mais alors très futur. Même chose avec les assurances qui vendent de la tranquillité, c’est-à-dire un sentiment. Contre de l’argent bien réel.
Cirelli sur franceinfo en 2017 :
« Les Français épargnent beaucoup mais, ils investissent peu. Le conseil que je pourrais donner à nos compatriotes, c’est d’investir sur le long terme une partie de l’épargne que vous avez. Pas nécessairement dans les entreprises mais, plutôt dans les actions car, sur le long terme, les actions rapportent le plus. »
Cirelli sur franceinfo en juin 2019 :
Filez-nous votre fric, on s’occupe de votre inquiétude
Jean-François Cireli : « Nous avons beaucoup de clients qui nous ont fait confiance notamment pour gérer leur retraite. »
Jean-Paul Chapel : « Les trois-quarts à peu près de ces fonds sont économisés en vue de la retraite, c’est ce qu’on appelle la retraite par capitalisation, en France c’est pas très développé. »
Cireli : « C’est pas développé du tout parce que nous avons un autre système qui d’ailleurs ne va pas changer et qui est un bon système qui sera, qui a été, qui évolue au cours du temps. »
Chapel : « Oui il y a une grande réforme qui est annoncée, c’est pour l’automne, avec des points, mais ça restera un système par répartition. »
Cireli : « Oui je crois que c’est le consensus français et il est très bon mais à côté de cela il faut aussi épargner pour sa retraite car il y a un très grand paradoxe aujourd’hui dans la société française, le Français épargne beaucoup, pensez que sur 100 euros de revenus le Français en met 14 de côté, donc il épargne beaucoup, il a la préoccupation de sa retraite, on parle souvent entre nous, les gens pensent d’ailleurs à cause de ces réformes depuis ces 25 dernières années que leur retraite sera moins généreuse ou plus problématique. »
Chapel : « C’est une inquiétude pour la majorité des Français ? »
Cirelli : « Oui parce que le régime par répartition est un régime où il faut équilibrer les évolutions démographiques et donc y a pas énormément de façons de l’équilibrer, faut monter les cotisations, travailler plus longtemps, désindexer, donc il épargne beaucoup, il a la préoccupation de sa retraite et pour autant il s’est pas approprié aujourd’hui l’épargne-retraite et je crois que c’est l’intérêt de ce nouveau texte du gouvernement, de la loi, c’est de permettre aux Français, enfin, de s’approprier l’épargne-retraite. »
Et surtout l’intérêt du fonds de pension spéculatif en embuscade ! La quiétude contre un peu de votre argent, en plus de ce que vous cotisez déjà, voilà le plan de la retraite par capitalisation.
Quant à ceux qui ne gagnent pas assez pour surcotiser de la sorte, eh bien ils devront faire avec ces fameux points qui sentent la variable d’ajustement...
« Le système par point, en réalité, ça permet une chose, qu’aucun homme politique n’avoue. Ca permet de baisser chaque année le montant des points, la valeur des points, et donc de diminuer le niveau des pensions. » François Fillon.https://t.co/SmOEVI6jnF
— François Ruffin (@Francois_Ruffin) December 7, 2019
- Larry, un ami qui vous veut du bien
(et qui veut votre bien)
Finalement, l’insistance et les arguments de Cirelli, dont le patron Larry Fink a été reçu en toute discrétion à l’Élysée par le président de la République, ont porté. Officiellement, le boss de BlackRock n’était pas à l’Élysée pour parler captation d’épargne et boursicotage avec l’argent des Français inquiets de leur l’avenir, mais pour parler « climat » et économie verte, un joli cache-sexe. La réunion a eu lieu le 10 juillet 2019 en présence des plus grands fonds souverains de la planète, BlackRock, Goldman Sachs, BNP Paribas, HSBC, Natixis, Amundi, State Street et Northern Trust.
Macron a invité Larry Fink patron de l'américain BlackRock dans des entretiens à huis clos.
Il nomme Jean-François Cirelli, boss de BlackRock France dans une commission pour favoriser les privatisations. Ce dernier milite pour le recours aux fonds spéculatifs pour les retraites. pic.twitter.com/JI0qHH8kvk— Benjamin (@JoeChiiip) December 8, 2019
On notera ici le terme souverain, plutôt mal choisi, car ces fonds s’assoient justement sur la souveraineté des peuples : ils sont là pour fondre sur l’argent des travailleurs. Naturellement, ils ne les volent pas : chacun, en fonction de ses croyances et peurs, peut s’acheter une épargne-retraite et vivre mieux après 62 ou 65 ans. Mais rien n’est garanti, surtout dans un monde au système financier opaque et au système bancaire fragile.