Le 23 juillet, à la Chambre des représentants des États-Unis, un vote écrasant a condamné le mouvement BDS [Boycott, Désinvestissement et Sanctions] qui a pour objectif d’encourager le gouvernement israélien à « respecter son obligation de reconnaître le droit inaliénable du peuple palestinien à l’autodétermination et de se conformer pleinement aux préceptes du droit international :
1. Mettre fin à son occupation et à la colonisation de toutes les terres arabes et démanteler le mur
2. Reconnaître les droits fondamentaux des citoyens arabo-palestiniens d’Israël à la pleine égalité
3. Respecter, protéger et promouvoir le droit des réfugiés palestiniens de retourner dans leurs maisons et leurs biens, comme stipulé dans la résolution 194 des Nations Unies. »
Il n’y a rien de moralement ou légalement discutable dans l’un ou l’autre de ces objectifs. Mais le Congrès des États-Unis ne se préoccupe pas de moralité ni de légalité si celles-ci sont incompatibles avec sa politique à l’égard d’Israël, qui, comme l’a énoncé le représentant Lee Zeldin à New York, est fondée sur la conviction que « Israël est notre meilleur allié au Moyen-Orient ; un symbole d’espoir de liberté, entouré de menaces existentielles. » Fox News a rapporté que la résolution de condamnation « a été impulsée par l’AIPAC, le lobby influent d’Israël à Washington », ce qui explique beaucoup de choses, car l’AIPAC, [American Israel Public Affairs Committee] est une organisation très puissante, dotée de poches profondes et de mains prodigues.
En février 2019, The Intercept notait que l’« AIPAC, sur son propre site Web, recrute des membres pour rejoindre son "Club du Congrès" et s’engage à verser au moins 5 000 dollars par cycle électoral. » Dans un film intitulé The Lobby, Eric Gallagher, un haut responsable à l’AIPAC de 2010 à 2015, raconte à un journaliste d’Al Jazeera que l’AIPAC obtient des résultats. Un enregistrement secret a révélé que « …obtenir 38 milliards de dollars d’aide à la sécurité d’Israël est important, et c’est ce que l’AIPAC vient de faire. Tout ce que fait l’AIPAC vise à influencer le Congrès. »
L’AIPAC influence le Congrès et d’autres agences de manière extrêmement efficace, même au point où Al Jazeera s’abstient de diffuser la version américaine de The Lobby. Le directeur des programmes d’enquête d‘Al Jazeera, Clayton Swisher, a déclaré que les pressions incluaient « des lobbyistes pro-israéliens à Washington qui menaçaient de convaincre le Congrès d’enregistrer le réseau Al Jazeera en tant qu’"agents étrangers" et d’accuser faussement d’antisémitisme les producteurs du documentaire. » C’est tout ce dont vous avez besoin : la simple mention de l’antisémitisme force tout le monde à se gratter la tête, à rouler des yeux, et à se mettre à l’écart.
Il se trouve que la veille du jour où le Congrès condamnait une initiative visant à faire reconnaître par Israël les droits des Palestiniens et à respecter le droit international, les Israéliens ont mené à bien une opération de destruction spécifiquement dirigée contre les droits des Palestiniens et contraire au droit international. Selon la BBC, 200 soldats israéliens et 700 policiers, armes chargées prêtes à l’emploi, ont été déployés dans le village palestinien de Wadi Houmous à 22 heures le 22 juillet, accompagnés de bulldozers et d’excavateurs qui ont procédé à la destruction de maisons palestiniennes.
L’administration américaine n’avait pas émis un mot d’objection. Son tweeter en chef avait clairement exprimé son point de vue sur Israël le 16 juillet, lorsqu’il avait annoncé que les quatre membres féminins du Congrès, non blancs, qu’il détestait jusqu’à une haine névrotique est « un groupe de communistes qui haïssent Israël ». En outre, ils « parlent d’Israël comme si c’était un voyou et non une victime de toute la région ». Par ailleurs, l’Union européenne a statué que « la politique de colonisation, y compris les mesures prises dans ce contexte, telles que les transferts forcés, les expulsions, les démolitions et les confiscations de logements, est illégale au regard du droit international. Conformément à la position de longue date de l’UE, nous attendons des autorités israéliennes qu’elles arrêtent immédiatement les démolitions en cours. » Cela fait une belle jambe, vu qu’ il n’y a aucune possibilité que les États-Unis ou le Royaume-Uni soutiennent des poursuites pour violation du droit international dés lors que celle-ci est commise par Israël.
La Grande-Bretagne est sur le point de sortir de l’Union européenne, elle n’a donc pas son mot à dire dans la politique européenne, mais elle ne peut en aucun cas accepter la critique d’Israël, car le parti conservateur au pouvoir encourage la création d’une organisation appelée Les Amis conservateurs d’Israël (CFI), dont les membres représentent environ 80 % des députés conservateurs.
Boris Johnson, le nouveau Premier ministre britannique adepte de Trump, est un fervent partisan du CFI qui l’a soutenu dans sa candidature à la tête du parti conservateur. Le 23 juillet, Stephen Crabb, député et Lord Pickles, président du CFI, ainsi que le président d’honneur Lord Polak, ont déclaré après son élection à la présidence du CFI : « De son refus de boycotter les produits israéliens lorsqu’il était maire de Londres, jusqu’à son rôle déterminant en tant que ministre des affaires étrangères… Boris a une longue histoire aux côtés d’Israël et de la communauté juive. M. Johnson a continué à afficher son soutien résolu… réitérant son profond attachement à Israël et s’engageant à être un champion des juifs en Grande-Bretagne et dans le monde. »
L’une des premières nominations ministérielles de Johnson fut celle de Mme Priti Patel au poste de secrétaire à l’Intérieur. Elle avait démissionné du Cabinet de la Première ministre Theresa May en novembre 2017 après qu’on eut découvert qu’elle avait raconté des mensonges, ce qui n’était pas inhabituel en soi, mais les circonstances étaient intrigantes. Comme la BBC avait annoncé au sujet de la responsable du développement international de l’époque : « Priti Patel a quitté le gouvernement après des disputes à propos d’Israël », ce qui l’a amenée à présenter ses excuses au Premier ministre « après que des réunions non autorisées tenues en août avec des politiciens israéliens – dont le Premier ministre Benjamin Netanyahu – eurent été révélées. Mais il est apparu plus tard qu’elle avait encore eu deux réunions en l’absence de représentants du gouvernement en septembre. » Non seulement cela, mais dans un entretien avec les médias « elle a donné la fausse impression que le ministre des Affaires étrangères, Boris Johnson, et le Foreign Office étaient au courant de ses réunions en Israël. »
C’est l’un de ces verbes irréguliers qui ont suscité beaucoup de rire lors des merveilleuses séries de la BBC « Yes Minister » et « Yes, Prime Minister » :
« J’ai fait une déclaration inexacte ; elle donne une fausse impression ; il est en prison pour avoir raconté des mensonges. »
Et il était décidément étrange que l’insigne Lord Polak, celui de la déclaration selon laquelle Boris Johnson est « aux côtés de l’Israël », ait accompagné Patel à treize de ses quatorze réunions avec des responsables israéliens en août et septembre. Grands dieux, qu’est-ce qui aurait bien pu se passer ?
Bien sûr, elle n’avait aucune raison de craindre de devoir démissionner pour avoir raconté des mensonges, car à l’époque de sa disgrâce, Boris Johnson avait déclaré à la BBC : « Priti Patel est depuis longtemps une très bonne collègue et amie, une secrétaire d’État de première classe pour le développement international. Travailler avec elle a été un réel plaisir et je suis sûr qu’elle a un bel avenir devant elle. » L’homme a le don de prophétie.
Ensuite, Johnson a nommé Michael Gove à son cabinet, au poste de chancelier du duché de Lancaster, ce qui est une nomination étrange qui donne beaucoup de pouvoir et très peu de responsabilités. Gove avait été manifestement déloyal envers Johnson lors de la première lutte pour le leadership, dans ce que le Daily Telegraph avait appelé un « acte de traîtrise spectaculaire », mais tout a été pardonné parce que, comme le rapportent avec approbation « Les amis conservateurs d’Israël », il croit que l’antisionisme et l’antisémitisme sont « deux faces de la même pièce », ce qui signifie que quiconque critique la persécution des Palestiniens par les nationalistes d’Israël est un antisémite. Il estime que « le critère pour toute société civilisée est de savoir si elle se tient aux côtés du peuple juif et si elle se tient aux côtés d’Israël. C’est un plaisir d’être avec le peuple juif. C’est un devoir de se tenir aux côtés d’Israël. »
Les Palestiniens ne vont pas recevoir le moindre appui des États-Unis ou de la Grande-Bretagne lorsque leurs maisons seront rasées au bulldozer. Ils ne peuvent s’attendre à aucune critique de Washington ou de Londres lorsque leurs enfants sont tués à Gaza par des soldats israéliens.
La Cisjordanie, entre Israël et la Jordanie, a été saisie par Israël lors de la guerre de 1967 au Moyen-Orient. Ensuite, Jérusalem-Est a été annexé. En droit international, les deux zones sont définies comme territoires occupés. Bien que cela soit ignoré par les États-Unis et la Grande-Bretagne, il était intriguant de constater que le 30 juillet, au Canada, dans un arrêté juridique mineur, mais révélateur, un juge a statué que les vins fabriqués dans des colonies juives situées en Cisjordanie ne devraient pas porter des étiquettes avec la mention « produit en Israël » car, bien sûr, les colonies sont construites sur des terres palestiniennes.
Mais il ne sert à rien de dire cela à Donald Trump, connaisseur en vin soutenu par Israël, ou au Congrès américain ou à n’importe quel membre du parti conservateur britannique au pouvoir, car le droit international ne veut rien dire quand il y a d’autres priorités.