Tout le monde l’aura compris : Artus se moque des émissions culinaires à la télévision, pas des aveugles. Depuis le succès phénoménal du Britannique Jamie Olivier, qui a désembourgeoisé la cuisine en y injectant créativité, simplicité et humour, tout le monde s’est mis à faire de la cuisine sur petit écran, avec plus ou moins de talent.
On a eu Top Chef, avec ses perdants qui pleurnichent, Qui sera le prochain grand pâtissier dont la recette gagnante finissait à la carte du wagon de restauration du TGV, Cauchemar en cuisine, où un pro relativement brutal « assassinait » de pauvres restaurateurs, Les carnets de Julie et Julie autour du monde, une mannequin maigre qui fait le tour des popottes sur terre, sans oublier le merveilleux Oui chef !, qui a malheureusement révélé Cyril Lignac... aussi doué en cuisine pure que Ribéry l’est en communication verbale.
Mais ne crachons pas dans la soupe, littéralement, et derrière l’écran de fumée médiatique, essayons de comprendre pourquoi les Français ont soudain accroché à ces programmes. C’est simple : ils ne font majoritairement plus la cuisine, américanisés qu’ils sont. Du coup, ils découvrent que faire la cuisine soi-même, c’est plus sain, moins cher, meilleur et plus convivial, tout simplement. Mais il a fallu en passer par ce matraquage télévisuel, qui s’avère, au final, pas si négatif.
Ceci dit, les Français pas riches n’ont pas attendu ces émissions pour aller au marché le mercredi ou le samedi et faire la cuisine à l’ancienne. Ce sont les générations montantes qui vont au MacDo (25 000 établissements de restauration rapide en France) qui sont fascinées par les recettes oubliées. Sachant qu’une bonne partie du patrimoine culinaire, s’il est entretenu par les 77 000 restaurants de l’Hexagone (50 milliards d’euros de CA et 500 000 salariés), a été oubliée ou n’a jamais été connue de la majorité des Français. Les curieux liront Le Grand dictionnaire de cuisine d’Alexandre Dumas, et ils découvriront leur... béante ignorance.
Mais fi de la cuisine bourgeoise, aujourd’hui, Artus nous prépare du colin à la sauce béchamel. Le colin est ce poisson que Jean-Edern Hallier – borgne de naissance – avait remis au goût du jour en sortant à l’automne 1979 ce brûlot anti-Giscard, Lettre ouverte au colin froid.
« Le Pen représente beaucoup de Français de la France profonde. Il faut réconcilier Doriot et Thorez » (Hallier au journal Le Monde en 1991)
Pour la petite histoire, alors admirateur de François Mitterrand, Hallier avait participé à la démolition de l’image de Giscard, espérant ainsi être récompensé par le poste de ministre de la Culture. Qui échoira dans les mains de Jack Lang, beaucoup plus contrôlable. Mitterrand deviendra alors sa cible et son ennemi. Jean-Edern sera écouté par les services de l’Élysée, et se défendra en sortant et ressortant dans l’adversité L’Idiot international en 1984 et 1989. On connaît la suite : l’affaire Mazarine, la ruine de l’aristocrate finistérien, et l’accident de vélo.