Madame Le Pen,
Je suis un français sociologique converti à l’islam depuis un peu moins de 10 ans. Je suis aujourd’hui confronté à un véritable choix pour les élections présidentielles à venir : soit jouer la carte de l’abstention, soit voter pour la première fois pour le Front National, dans la mesure où je trouve votre projet économique et social très juste ( entre autres : suppression de la loi Pompidou-Giscard du 3 janvier 1973, défense du service public à la française, sortie de l’euro, protectionnisme économique, ou encore ré-instauration des valeurs et de la morale dans nos différentes institutions, etc.).
Par cette lettre, je souhaiterais vous expliquer mon hésitation et vous faire part de certaines remarques concernant votre discours sur la place des musulmans dans la société française.
Délinquance et islamisation : fantasme et antagonisme
Dans vos propos, j’entends souvent une fermeté à l’égard des musulmans de France, que vous semblez condamner avec la même sévérité que les élites mondialistes. Je comprends aisément que certaines pratiques relevant de personnes d’origines maghrébine ou d’Afrique de l’ouest, se comportant davantage comme des délinquants, que comme des musulmans pratiquants, puissent vous choquer, car elles me choquent moi même.
Cependant, il serait honnête de dissocier les problématiques de délinquance en banlieue, et la montée de l’islam dans ces mêmes banlieues. L’un n’entrainant pas l’autre, ces deux éléments étant contradictoires « un bon délinquant est un très mauvais musulman, et inversement ». En tant que français musulman, je condamne et m’oppose comme vous et avec autant de fermeté : au trafic de drogues, à la violence urbaine, à la petite et à la grande délinquance, au manque de civisme, à la fraude sociale, etc. Comme vous je suis contre le mariage des couples homosexuels et l’adoption d’enfants par ces derniers, contre l’incitation socio-économique à l’avortement, contre le manque de morale et d’honnêteté de nos élites politico-médiatiques et tant d’autres sujets encore. Mes valeurs sont beaucoup plus proches des vôtres, que de celles incarnées par Melenchon, Besancenot, Cohn-Bendit et autres libérales libertaires.
Les problématiques de délinquance ne sont-elles pas la conséquence de l’histoire récente de notre pays : ghettoïsation, idéologie de la repentance et haine de la France conceptualisée par ces philosophes cosmopolites, et mis en œuvre par les éducateurs trotskistes ? La présence musulmane n’est pas responsable de la situation dramatique dans laquelle se trouve notre pays, elle est juste une conséquence, parmi d’autres, des politiques ultra libérales et mondialistes.
De plus, vous parlez d’islamisation de la société comme d’un danger guettant nos quartiers périphériques, nos institutions et nos valeurs. Pourtant, lorsque des jeunes issus de l’immigration se tournent vers la religion de leur père, celle-ci ne les éloigne-t-elle pas de la délinquance ? Ne facilite-t-elle pas dans le même temps leur réussite scolaire et leur insertion socioéconomique ? N’est-ce pas là une chose positive pour eux même, et pour la France ?
L’organisation du culte musulman : de la construction de mosquée à la viande halal
Cela dit, il est vrai que la présence des musulmans en France pose une série de problématiques inédites : construction de mosquée, nourriture halal, prières du vendredi, sacrifice de l’Aid, carrés confessionnels dans les cimetières, etc. Mais toutes ces questions doivent être réglées et régulées dans le cadre de la loi et de la concertation, et non plus dans un climat de tension ou encore de clientélisme politique.
En revanche, je m’interroge sur votre perception de l’islam et les raisons qui vous poussent à commettre autant d’invectives à l’égard des musulmans. Pour quelles raisons par exemple attaquez-vous avec la même intensité la loi Pompidou-Giscard du 3 janvier 1973 et la « halalisation » de certains restaurants. Sachez qu’en tant que français musulman, je suis aussi insatisfait que vous, certainement pas pour les mêmes raisons je vous l’accorde, de la situation du halal qui tourne au grotesque. En tant que consommateur avisé, je ne me satisfait guère lorsque une chaine de restauration rapide pour accroitre ses parts de marchés nous propose de la mal bouffe certifiée halal, sur un air de victoire cultuelle et culturelle pour les musulmans. Je souhaiterais de la transparence sur cette question, et la mise en place d’un véritable label halal par les musulmans et pour les musulmans. Enfin, je ne suis pas pour que l’on oblige les non musulmans à consommer du halal, car cela revient pour eux à financer indirectement l’organisation du culte musulman. Je pense que ceux-ci doivent être informés et avoir le choix de ce qu’ils souhaitent ou non consommer.
Mais de la même manière, j’ai aussi un droit : celui d’avoir le choix. Dans l’armée française par exemple, il existe des rations certifiées halal. Alors pour quelles raisons ne pourrait-il pas y avoir de repas distincts dans les écoles ? Pour quelles raisons ne pourrait-il pas y avoir un repas sans viande, qui arrangerait tant les musulmans que les juifs ou encore les végétariens ? Mais surtout en quoi cela constituerait une entorse à la laïcité ou pire un danger pour la république ?
Je pense qu’il y a des domaines où il faut évoluer, et prendre en compte la diversité, quand celle-ci ne représente pas un danger réel pour les institutions. Je ne remets pas en cause le fait qu’il y ait du poisson le vendredi, conscient que la France est un pays de tradition catholique. En tant que français musulman, je souhaite simplement pouvoir vivre ma religion et en respecter ses principes. J’aimerais que nos enfants mangent ensemble plutôt que de les voir grandir séparément sans apprendre à se connaître. Refuser d’intégrer un plat sans viande au banquet d’Astérix, c’est condamner les musulmans à l’exclusion et au communautarisme.
En tant que français musulman, je souhaite que l’organisation de mon culte soit détachée de l’influence des pays étrangers. Je désire également que les pouvoirs publics n’interviennent pas dans le financement de nos mosquées et dans la gestion de notre culte, tout cela à des fins évidentes de contrôle et d’intérêts électoralistes. Aussi, je ne partage pas ces projets de mosquées cathédrales, qui coûtent des millions d’euros, alors que les priorités et l’éthique qui sont les nôtres nous pousseraient à agir dans bien d’autres domaines. De plus ces mosquées construites dans un style architectural importée, avec des minarets qui n’ont aucune fonction, si ce n’est décorative, contribuent à reproduire une image fausse de la réalité musulman = immigré, au lieu de musulman = aussi français. Je souhaiterais voir émerger des projets architecturaux dans le style et la culture de mon pays, à l’instar des mosquées en Chine qui ont été réalisées sur le modèle des temples chinois.
Du fantasme de la cinquième colonne, au rassemblement des personnes de bonne volonté
Pourquoi cultivez-vous l’idée au combien grotesque d’une hypothétique stratégie de cinquième colonne des musulmans de France ? Par exemple, vous semblez vous offusquer que des soldats musulmans refusent de combattre en Afghanistan, mais ne condamnez-vous pas vous même cette guerre injuste, dont le seul objectif est de servir les intérêts américains ? Vous refusez que la France continue de s’engager dans un conflit ou elle n’a aucun intérêt. Et bien sachez que les soldats de confession musulmane refusent de participer à une guerre illégitime et d’avoir du sang d’innocents sur les mains, qu’ils soient musulmans ou non.
Sortir la France du marasme économique et social dans lequel elle se trouve est une tâche au combien difficile, et un combat qui doit s’appuyer sur toutes les personnes de bonne intention, quelles que soient leurs croyances. J’ai le sentiment aujourd’hui, que pour vous, les français musulmans ne feront en aucun cas partie de la solution, car ils font simplement partie du problème.
Les élites autoproclamées de ce pays ont réussi à faire croire que le nationalisme et le protectionnisme économique étaient synonymes de racisme et de xénophobie. Une propagande qui perdure encore aujourd’hui en banlieue, étant fortement relayée par les associations dites représentatives et largement subventionnées par l’UMPS, pour faire ce travail de diabolisation, et transmettre aux jeunes l’idéologie de la haine de la France. Mais de plus en plus de français musulmans ont compris cette supercherie et ne sont plus dupes. Nous sommes prêts à discuter avec l’ensemble des acteurs politiques n’ayant pas pour objectif de nous manipuler, comme ce fut trop souvent le cas par le passé. Dans cette démarche, nous sommes prêts à discuter avec des membres du Front National, mais encore faut-il que ce désir de dialogue et d’échange mutuel soit réciproque.
Aussi des centaines de français se convertissent chaque année à l’islam. Pour nous, l’islam est universel, ce n’est pas une culture d’immigré à faire valoir, nous n’avons pas à nous intégrer, la France est notre pays, autant que le vôtre. Je n’ai pas à m’intégrer à la culture française, elle est mienne, mais j’ai entièrement la possibilité de la faire évoluer. Au lieu d’insister sur les points qui nous divisent, ne devrions-nous pas porter notre attention sur les valeurs et les projets qui nous rassemblent ? Cela dans le but de lutter ensemble contre tous ceux et celles qui veulent réellement détruire les fondements économiques et sociaux de notre pays.
Ces derniers temps, vous avez grandement contribué à dédiaboliser le Front National, notamment en tendant la main à la communauté juive, histoire de démontrer que votre parti n’était pas, et n’avait jamais été, un parti antisémite. Aussi, en tant que français de confession musulmane, je n’attends pas de vous que vous me tendiez la main, encore moins que vous fassiez la preuve de votre non islamophobie. Je n’exige rien, je souhaiterais simplement que vous preniez une position claire sur la place et l’avenir des musulmans en France.
Cet éclaircissement serait une très bonne chose, car beaucoup de musulmans aimeraient voter pour vous, pour les raisons expliquées plus haut, mais en l’état actuel, et sans position claire de votre part, je ne pourrai pas vous donner ma voix aux prochaines élections.
Veuillez m’excuser par avance pour la tournure peut-être trop directe de certaines de mes phrases, mon intention n’est nullement de vous offenser, mais de susciter la réflexion et le débat d’idées.
En espérant que vous comprendrez ma démarche.
Cordialement,
Loïc A.