On sait aujourd’hui que l’une des conséquences politiques majeures des événements du 11 septembre 2001 a été, pour les élites dirigeantes des pays occidentaux, de rendre possible la nécessaire cristallisation autour de la question de l’Islam ― et de sa « compatibilité » avec les principes de la « démocratie » et des « droits de l’Homme » ― des préoccupations et des attentes légitimes des peuples européens en matière sociale et économique.
Cette polarisation des inquiétudes des classes moyennes et populaires sur la problématique complexe et délicate de l’expansion de la pratique de l’Islam en France et en Occident (1) ― expansion autorisée, faut-il le rappeler, par le délabrement, au nom des principes du libéralisme économique (liberté des échanges marchands) et du libéralisme politique et culturel (liberté de circulation des individus) (2), des frontières européennes et par l’importation consécutive ― et réclamée par le grand patronat français (3) ― d’une main-d’œuvre peu qualifiée (et, à ce titre, peu onéreuse) originaire d’Afrique du Nord ― allait ainsi permettre la conjonction de deux facteurs clés du maintien des conditions de la domination politique et idéologique : au niveau local et national, l’occultation des injustices sociales et économiques générées par l’accomplissement des politiques libérales en France et en Europe, par la substitution de la « menace islamiste » à la « crainte du chômage » ; au niveau global et international, la mise en place, au niveau des populations indigènes, des conditions psycho-idéologiques du « choc des civilisations » (Huntington) ― soit de la guerre des « Forces de Progrès » contre l’ « Axe du Mal », censée aboutir au triomphe programmé de la Liberté, de la Raison et des Droits de l’Homme (libéralisme) face au totalitarisme, à l’obscurantisme et à l’intolérance (Islam) ―, par la propagation ― médiatique, artistique, cinématographique (4) ― de la figure stéréotypée du musulman (rebaptisé, pour les besoins de la cause, « islamiste », « intégriste » ou encore « fondamentaliste ») en lieu et place de celle du « communiste », « soviétique » et autre « bolchevique », autre personnification historiquement déterminée du Mal du temps de l’affrontement des États-Unis contre l’URSS.
Ce n’est que dans cette configuration théorique que peut devenir véritablement intelligible la fonction politique et idéologique objective de certains intellectuels et représentants médiatiques de l’Islam en France, au premier rang desquels le très télégénique islamologue suisse Tariq Ramadan, dialecticien chevronné et rhéteur charismatique, médiateur intellectuel et philosophique privilégié entre l’ « Occident » et le « monde musulman » ― suivant les catégories conceptuelles homogénéisantes (donc intrinsèquement dysfonctionnelles) imposées par le système médiatique français ―, personnalité emblématique d’un Islam « modéré » compatible avec la « citoyenneté », la « modernité » et le « pluralisme », mais dont l’industrie journalistique travaille habilement, de par l’orchestration particulière de ses régulières apparitions médiatiques ― confrontation à des contradicteurs « républicains » ou « progressistes » (l’exemple paradigmatique demeurant son célèbre débat, dans l’émission de Frédéric Taddéi, contre la journaliste « laïque et féministe » Caroline Fourest), sélection de sujets volontairement caricaturaux ou polémiques (on se souvient ici de la fameuse controverse, déclenchée par Nicolas Sarkozy, en 2003, sur la question du « moratoire » sur la lapidation dans certains pays musulmans), amputation de la dimension théologique et philosophique des interventions au profit des sèches et clivantes « prises de position » politiques (la réduction du débat sur le port du voile à l’école ou sur l’interdiction des minarets en Suisse à la seule alternative « pour/contre ») ―, à entretenir la suspicion du téléspectateur français moyen quant aux motivations réelles et aux finalités politiques concrètes de son engagement ― c’est le sens politique précis de l’accusation (au demeurant assez fondée intellectuellement) de « double langage » régulièrement émise à son encontre. De là, la fonction politique et idéologique chronologiquement première de Tariq Ramadan, à savoir la personnification d’une entreprise globale et concertée ― largement fantasmée, du reste ― d’implantation et de propagation latente de l’Islam en Occident, au service, d’une part, d’un projet local de supplantation de la question sociale par la question ethno-confessionnelle et, d’autre part, d’une stratégie globale d’importation en Europe de la théorie du conflit de civilisations, aboutissant, ultimement, à l’intégration mentale, par les peuples européens, des conditions d’acceptation morales et psychologiques d’une intervention militaire dans les états majoritairement musulmans, intervention désormais moralement, culturellement et philosophiquement justifiée.
Or, si de nombreux commentateurs de l’actualité politique française et européenne n’ont pas manqué d’attirer l’attention ― conformément à la ligne stratégique de suspicion tacite mise au point par les élites médiatiques ― sur les mobiles individuels réels (et qui apparaîtront évidents à tout esprit honnête) de l’entreprise intellectuelle de Ramadan ― à savoir la propagation de l’Islam en Occident ―, rares sont ceux, en revanche, qui ont aperçu et fait valoir cette autre dimension du discours du théologien musulman, dimension transparaissant essentiellement dans sa méthode argumentative de justification de la présence islamique en France et en Europe par les armes discursives empruntées à l’épistémologie libérale (« droit à la différence », « respect des minorités », promotion du « pluralisme » et de la « démocratie »), et qui, en dernière analyse, autorise à voir dans la production intellectuelle de Tariq Ramadan, moins une entreprise d’islamisation de l’Occident qu’une contribution objective à l’occidentalisation de l’Islam.
En effet, l’une des spécificités du discours de l’islamologue suisse (discours prioritairement destiné aux Français d’origine nord-africaine issus des banlieues et aux Français indigènes fraîchement convertis à la spiritualité islamique) réside dans son recours constant à l’idée ― modélisée sur le logiciel idéologique libéral (c’est-à-dire droit-de-l’hommiste et individualiste) ― selon laquelle l’Islam correspond avant tout à une pratique sociale relevant du strict exercice de la liberté individuelle et, à ce titre, devant faire l’objet d’une « reconnaissance » de la part de la société française et de ses institutions ― de là, cette conséquence paradoxale et absurde qu’est la possibilité de justifier, au nom du même principe de liberté individuelle, le port du voile intégral (dans la mesure où celui-ci relève du « libre choix » et non de la contrainte communautaire) et le port du string, l’échangisme sexuel ou encore la prostitution (5).
En définitive, tout se passe comme si, en travaillant à la pénétration de l’Islam en Occident par les outils conceptuels et philosophiques initialement forgés par les intellectuels des Lumières, Tariq Ramadan contribuait davantage à implanter, chez les Français musulmans, le logiciel épistémologique (libéral, droit-de-l’hommiste, individualiste) au nom duquel précisément le combat idéologique mené par l’Occident contre le monde musulman se voit ordinairement justifié. Comme si l’Islam, en la personne de Ramadan, rongeait d’un acide désacralisant le métal spirituel dont il est composé, sciait des dents de l’intérêt individualiste la branche métaphysique sur laquelle il est assis, sorte de pathologie intellectuelle auto-immune qui convertirait automatiquement toute tentative de justification de la présence musulmane en France en principe même de son invalidation.
Cette fonction objective (chronologiquement secondaire) d’occidentalisation épistémologique de l’Islam ― c’est-à-dire de son « intégration » au système de valeurs et de représentations libéral (donc, in fine, de sa neutralisation politique) ― de Tariq Ramadan se vérifie également à la propension régulière de ce dernier à attester de la compatibilité des normes et principes islamiques avec les lois française et européenne (autrement dit : avec le système juridique et législatif qui soutient institutionnellement la domination libérale), tandis que jamais ne sera évoquée, à l’inverse, l’extrême proximité morale et symbolique des valeurs communément véhiculées dans la religion islamique (reconnaissance d’un ordre hiérarchique et transcendant, valorisation de l’effort et du sens de l’honneur, statut central de la cellule familiale comme structure sociale et anthropologique première, etc.) avec celles qui prédominaient dans la France traditionnelle (majoritairement catholique) pré-soixante-huitarde, ce qui, en effet, reviendrait, en un certain sens, à célébrer une France « profonde », « conservatrice » et « réactionnaire » ― cette « France moisie » à laquelle Philippe Sollers doit sans doute la part essentielle de sa nouvelle renommée médiatique ―, chose que Tariq Ramadan n’est visiblement pas prêt à assumer, préférant de loin, à l’image de nos dirigeants, prêcher et convertir le peuple à la « nécessaire adaptation au monde moderne » (« La France a changé » constituant un leitmotiv de son discours), ne s’apercevant étonnement pas qu’en vantant les bénéfices d’une France « nouvelle », « plurielle », voire « métissée », il ne crée pas tant les conditions de la reconnaissance sociale et politique des musulmans en France qu’il ne participe à la mise en équivalence axiologique et à l’égale promotion culturelle de toutes les « minorités » ― pour employer ce concept fourre-tout (et sociologiquement absurde) dont les intellectuels « progressistes » feignent encore de croire en la validité scientifique (6) ―, c’est-à-dire des musulmans comme des « jeunes », des « gays », des consommateurs de cannabis ou des végétariens, soit, là encore, des composantes sociologiques nécessairement constitutives d’une société libérale moderne, dont l’Islam, pour être théoriquement admis, est effectivement exclu. En résumé, Tariq Ramadan ne se prosterne devant le système ― législatif, juridique, institutionnel ― français et européen (libéral) que pour mieux désavouer la société ― culturelle, morale, symbolique ― française (traditionnelle) que ce système travaille précisément à détruire en profondeur (cf, sur ce point, la distinction cruciale établie par Michéa entre « système » et « société » in L’Enseignement de l’ignorance, Paris, Climats, 2006, pp. 79-85).
Enfin, et de manière plus anecdotique (mais l’essentiel se loge parfois dans le superficiel), il est manifeste qu’une part importante de la fascination exercée par Tariq Ramadan sur la population française musulmane et récemment convertie (principalement féminine, d’ailleurs) est davantage à relier à l’allure ― finalement très moderne et, pour tout dire, très américanisée du théologien (costumes gris à l’italienne, gestuelle décontractée et sourire charmeur, maîtrise parfaite de l’anglais avec accent, etc.) ―, ce qui tend moins à mettre en évidence le désir réel et consciemment construit d’une partie de la jeunesse à renouer avec la spiritualité que le maintien de celle-ci dans l’adulation adolescente et œdipienne ― c’est-à-dire, en dernière instance, dans la sujétion ― pour les codes et symboles de l’Occident.
En ce sens, Tariq Ramadan se révèle parfaitement emblématique de ce qu’on pourrait qualifier, en modifiant sensiblement la formule de Guy Debord, de « langage libéral », et dont la caractéristique essentielle réside dans la neutralisation politique instantanée de toute tentative d’élaboration théorique critique à l’encontre du système idéologique (libéral) à l’intérieur duquel ce discours s’énonce. « L’individu que cette pensée libérale appauvrie a marqué en profondeur ― écrivait ainsi Debord dans ses Commentaires sur la société du spectacle ― se place ainsi d’entrée de jeu au service de l’ordre établi, alors que son intention subjective a pu être complètement contraire à ce résultat. Il suivra pour l’essentiel le langage libéral, car c’est le seul qui lui est familier : celui dans lequel on lui a appris à parler. Il voudra sans doute se montrer ennemi de sa rhétorique ; mais il emploiera sa syntaxe. C’est un des points les plus importants de la réussite obtenue par la domination libérale. » (7) De ce point de vue, il est absolument indéniable que le Système connaît son Bescherelle de la domination sur le bout des doigts.
(1) La thèse classique selon laquelle on assisterait, de nos jours, à un phénomène d’expansion et d’implantation de la pratique de l’Islam en France, semble pouvoir être considérablement nuancée (voire contrebalancée), pour peu que l’on procède à quelques mises au point d’ordre technique et épistémologique ― mises au point dont, il est vrai, la plupart des sociologues officiels ont généralement le bon goût de se dispenser. En effet, il importe, dans un premier temps, de bien faire la différence entre la croissance de la visibilité de la pratique de l’Islam (à laquelle les médias, par essence, contribuent souvent très gracieusement ― on se souvient, entre mille exemples, de la diffusion, le 13 avril 2010 sur TF1, du reportage de Harry Roselmack « En immersion chez les fondamentalistes musulmans », reportage dont la finalité première était de démontrer que, pour « les » musulmans, les lois d’Allah passaient bien avant les lois de la République) et l’accroissement effectif de cette pratique (taux de fréquentation des mosquées, respect des cinq piliers islamiques, connaissance textuelle du Coran, etc.). D’autre part, il est impératif de distinguer entre ce qui relève d’une expansion strictement quantitative du culte musulman ― soit l’augmentation, à proprement parler, du nombre d’adeptes de la religion islamique sur le territoire français (critère démographique) ―, et ce qui relève de son expansion qualitative ― soit, d’abord, la conformité de l’exercice rituel avec les prescriptions coraniques, de la praxis avec la theoria (critère sociologique), mais aussi la sincérité de la foi et de l’engagement spirituel (critère psychologique). Il y a donc fort à parier que si les analystes spécialisés dans l’étude et la description du phénomène d’ « islamisation » de la France intégraient ces nouveaux critères d’évaluation dans leur grille de lecture (et notamment le dernier), ils se verraient certainement contraints de modifier au plus vite l’intitulé de leur profession.
(2) Rappelons que le Nouveau Parti Anticapitaliste s’est toujours prononcé ― conformément à l’imagerie libérale ― en faveur d’une « liberté de circulation et d’installation » sur tous les sites de la planètes (cf Principes fondateurs du Nouveau Parti Anticapitaliste, p. 6, www.npa2009.org).
(3) Pour ceux qui croiraient encore en l’idée communément véhiculée selon laquelle la classe dirigeante et les élites économiques et financières seraient par nature hostiles à l’immigration de masse et à l’implantation en Occident de populations étrangères, voici ce que déclarait Francis Bouygues dès 1969 : « Les étrangers sont des gens qui ont beaucoup de qualités. Et ils ont une qualité fondamentale, pour moi employeur, et qui a toute ma sympathie, c’est que s’ils viennent chez nous, c’est pour travailler » (« Francis Bouygues sur les immigrés [1969] », vidéo consultable sur le site Internet de l’Institut national de l’audiovisuel, www.ina.fr). Pour ceux qui n’auraient alors pas bien saisi le sens de son message, M. Bouygues aura eu la délicate attention de compléter son propos quelques mois plus tard. Invité sur le plateau de l’émission télévisée Les dossiers de l’écran, il confiera ainsi ― dans des termes qui évoquent les plus fameuses répliques de Coke en stock : « C’est une excellente main-d’œuvre [la main d’œuvre étrangère], parce qu’elle est jeune, elle est très solide physiquement, elle est extrêmement courageuse ». C’est évidemment dans ce contexte que le célèbre slogan antiraciste « L’immigration est une richesse » prend un sens tout à fait lumineux.
(4) Pour une approche distrayante de ce traitement médiatique, artistique et cinématographique réservé aux musulmans, on n’hésitera pas à consulter le documentaire (disponible en libre accès sur Internet) réalisé par Jack Shaheen : Hollywood et les Arabes.
(5) L’une des caractéristiques de la philosophie libérale, telle qu’elle a été conçue par ses Pères fondateurs, est, en effet, de ne reconnaître aucune prévalence axiologique d’une pratique sociale sur une autre ― c’est le fameux principe, formulé par le sociologue allemand Max Weber (et subtilement déconstruit, plus récemment, par le philosophe Jean-Claude Michéa), de « neutralité axiologique », au nom duquel aucune conception particulière du bonheur et de la vie bonne ne doit, aux yeux des institutions, être considérée comme moralement ou philosophiquement supérieure à une autre. En effet, dans une optique libérale, l’unique condition de l’acceptation institutionnelle d’un usage social privé, quel qu’il soit, réside dans le consentement de l’individu détenteur et exerceur de sa liberté (sous réserve, toutefois, que l’exercice privé de cette liberté n’entre pas en conflit avec l’exercice de la liberté des autres individus). L’une des conséquences logiques de ce raisonnement est qu’il n’existe théoriquement aucune raison légitime de ne pas autoriser simultanément le libre exercice de pratiques sociales antithétiques. Ainsi, le port de la burqa, de même que le port du string ou de la minijupe (ou, pour dérouler le raisonnement jusqu’à son extrémité logique, l’inceste ou la prostitution) dès lors qu’ils relèvent du libre consentement (ce qui suppose déjà l’abrogation du concept philosophique d’ « aliénation ») et qu’ils ne portent pas atteinte à la liberté d’autrui (idée si vague qu’elle nous entraînerait dans des débats sans fin), apparaîtront, aux yeux d’un libéral conséquent, comme deux modalités symétriques, mais également légitimes, d’appréhension de la liberté de l’individu. Remarquons au passage que le libéralisme apparaît ici comme le seul courant philosophique qui, en proclamant l’égale licité ― il est vrai, en théorie seulement ― de pratiques « libertaires » et « émancipatrices » (selon l’usage contemporain ― c’est-à-dire galvaudé et falsifié ― de ces mots) et d’usages « traditionnels » et « réactionnaires », entérine, de par sa nature même, les conditions sociologiques et anthropologiques de sa propre négation. Une fissure doctrinale dans laquelle Tariq Ramadan aurait, il faut bien l’admettre, eu tort de ne pas s’engouffrer.
(6) La dysfonctionnalité intrinsèque du concept de « minorité » provient du fait qu’il se trouve dans l’impossibilité pour ainsi dire ontologique de prendre intellectuellement en charge la « multidimensionnalité » humaine, à savoir le fait qu’un individu peut parfaitement appartenir simultanément à plusieurs « communautés » distinctes (voire, dans certains cas, « antagoniques ») et, ce faisant, être rangé à la fois sous la catégorie de « majorité » et sous celle de « minorité ». Supposons, par exemple, un individu A de sexe masculin, de confession musulmane, hétérosexuel, carnivore et doué de toutes ses facultés mentales et physiques : du point de vue confessionnel, cet homme représentera, en France, une minorité. En revanche, du point de vue de l’orientation sexuelle, du régime alimentaire et de la constitution physique et psychique, il sera considéra comme faisant partie de la majorité. En termes statistiques, on pourra alors affirmer que, sur ces quatre critères d’appréciation, l’individu A présente un taux de minorité de 25 %. Si l’on suppose maintenant une personne B, de sexe féminin, agnostique (ou athée), homosexuelle, végétarienne et aveugle, on pourra légitimement prétendre, suivant le même raisonnement, qu’elle présente un taux de minorité de 75 %. En conséquence, l’individu B sera logiquement enclin à subir un taux de discrimination trois fois supérieur à l’individu A. Il est curieux qu’aucun sociologue d’État ― dont l’obsession pour la question ethno-confessionnelle constitue la meilleure garantie de sa servitude idéologique (et, par suite, de son « objectivité » et de son « professionnalisme ») ― n’ait encore mis au point et exposé dans les colonnes d’un journal « progressiste » une théorie de la relativité communautaire ― ce qui lui permettrait, à n’en pas douter, de prétendre, avec de sérieuses chances de réussite, à un éventuel « prix Nobel de sciences sociales » ― modélisée sur ce type de calcul « scientifique ».
(7) Le texte original est : « L’individu que cette pensée spectaculaire appauvrie a marqué en profondeur se place ainsi d’entrée de jeu au service de l’ordre établi, alors que son intention subjective a pu être complètement contraire à ce résultat. Il suivra pour l’essentiel le langage du spectacle, car c’est le seul qui lui est familier : celui dans lequel on lui a appris à parler. Il voudra sans doute se montrer ennemi de sa rhétorique ; mais il emploiera sa syntaxe. C’est un des points les plus importants de la réussite obtenue par la domination spectaculaire ». DEBORD G., Commentaires sur la société du spectacle, Paris, Gallimard, 1992, pp. 48-49.