Le gouvernement britannique va demander au parlement d’adopter une loi qui obligerait les FAI à fournir en temps-réel un accès à toutes les communications électroniques du pays, pour l’ensemble de la population, afin que les services secrets puissent réaliser une base de données qui leur permettra de savoir qui a l’habitude de parler avec qui.
Comme le dit ce qui devient un adage trop connu, 1984 était un roman qui n’était pas destiné à devenir un manuel. Pas plus que la bande dessinée V pour vendetta d’Alan Moore, qui a prêté son masque aux Anonymous. Ce week-end, la presse britannique a fait savoir que le gouvernement allait présenter une loi qui autoriserait la police et les services de sécurité à surveiller toutes les communications électroniques de l’ensemble des personnes résidant en Grande-Bretagne. Jusqu’à présent, seules les personnes faisant l’objet d’une enquête pouvaient faire l’objet d’une surveillance de leurs communications, sur autorisation.
"Le nouveau système devrait autoriser les agents de sécurité à vérifier qui parle à qui, et à quel moment les conversations sont tenues exactement, mais pas le contenu des message", précise le Guardian. Il rappelle qu’en 2009, les travaillistes avaient dû abandonner un projet similaire qui visait à rassembler dans une même base de données tous les appels téléphoniques, SMS, e-mails et autres connexions à internet. Les Tories et les Libéraux démocrates, qui sont actuellement au pouvoir dans une coalition, s’y étaient opposés...
Même si la nouvelle a été publiée un 1er avril, elle a bien été confirmée par le ministère de l’intérieur. La mesure pourrait être officiellement annoncée le 9 mai prochain, lors d’un discours prononcé par la reine Elizabeth, toujours sous le prétexte du terrorisme qui justifie toutes les atteintes à la vie privée.
"Il est vital que la police et les services de sécuirité soient capables d’obtenir des données de communication dans certaines circonstances, pour mener des enquêtes contre les crimes graves et le terrorisme", a expliqué un porte-parole du Home Office. "Les données de communications incluent l’heure, la durée et les numéros de téléphones d’un appel téléphonique, ou une adresse e-mail. Elles n’incluent pas le contenu d’une conversation téléphonique ou d’un e-mail".
Des méta-données très parlantes
Comme l’avait expliqué le journaliste Jean-Marc Manach dans un article consacré au Frenchelon, les méta-données sont devenues une information extrêmement importante pour les services de renseignement ; qui les jugent au moins aussi instructives que le contenu lui-même des communications. "Et toutes ces méta-données, on les stocke, sur des années et des années, et quand on s’intéresse à une adresse IP ou à un n° de tel, on va chercher dans nos bases de données, et on retrouve la liste de ses correspondants, pendant des années, et on arrive à reconstituer tout son réseau", expliquait Bernard Barbier, le directeur technique de la DGSE.
Interrogé par la BBC, le député conservateur David Davis, spécialiste des questions relatives au ministère de l’intérieur, s’insurge. "Ce dont on parle n’est pas de se concentrer sur les terroristes ou les criminels, mais sur les e-mails, les appels téléphoniques, les accès web d’absolument tout le monde", insiste-t-il. Pour lui, se passer du regard d’un juge pour observer les communications des citoyens va au delà de ce qui devrait être permis "dans une société civilisée décente". Même attaque pour Nick Pickles, le directeur des Big Brother Awards.
"C’est une attaque absolue contre la vie privée sur Internet et il n’est absolument pas dit que ça va améliorer la sécurité du public", juge-t-il en estimant que la Grande-Bretagne rejoindrait "la Chine et l’Iran" dans son contrôle des communications.
Lors des émeutes à l’été 2011, le gouvernement britannique avait déjà franchi une étape inédite, en évoquant la possibilité de couper les réseaux sociaux et les communications mobiles pour désorganiser les manifestants. Il avait aussi demandé aux services secrets de déchiffrer les communications utilisant le système BlackBerry Messenger de RIM.