C’est curieux, chez les bérets verts maliens, ce besoin de pu-putscher à la nuit tombée. Non, les rues de Bamako ne sont plus sûres ! Et pour qui croyait que le Mali existait toujours en tant que tel, il va bien falloir finir par comprendre que du fier hippopotame, il ne reste qu’une pauvre carcasse désossée… et même désolée.
La dernière guignolade en forme de coup de force du capitaine Amadou Haya Sanogo vient rappeler, si cela était nécessaire, que les militaires du camp de Kati font la loi à leur guise. Le président de transition, Dioncounda Traoré, l’ex-Premier ministre Cheick Modibo Diarra démissionné à la baïonnette, le nouveau Premier ministre Diango Sissoko, le gouvernement, le Parlement, sont autant de figurants interchangeables.
Les bérets verts de Sanogo s’assoient allègrement sur la légitimité constitutionnelle parce qu’ils savent habilement jouer des divisions récurrentes de la classe politique malienne. Le peu de regrets exprimés par les uns et les autres après le départ forcé de Cheick Modibo Diarra est éloquent.
Militaires, les bérets verts ont l’avantage indéniable de se trouver du bon côté du fusil. Le pied-de-nez fait aux institutions de la transition vaut aussi pour l’extérieur. La Cédéao (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest), l’Union africaine, les Nations unies, la France, les États-Unis, n’ont eu d’autre choix que celui de prendre acte du départ inopiné en vacances de Cheick Modibo Diarra.
Paris n’a pas formellement condamné sa démission, mais plutôt les circonstances, en priant l’ex-junte de se tenir à distance de la vie politique malienne. Des recommandations que Sanogo ne risque pas d’entendre, lui qui se délecte déjà du déblocage de ce convoi d’armes retenu depuis plusieurs mois par la Cédéao, à Conakry en Guinée.
Ce nouvel épisode des aventures du capitaine « pu-putsch » Sanogo survient alors que l’Union européenne s’apprête à envoyer quelques centaines d’instructeurs pour recadrer l’armée malienne, dans la perspective de la libération du nord du pays, occupé par des groupes islamistes. L’ex-junte a toujours proclamé son refus d’une intervention militaire étrangère. A travers l’éviction de Cheick Modibo Diarra, les bérets verts signifient que la réalité du pouvoir malien est entre leurs mains.
Sanogo and co sont donc d’excellents idiots utiles qui à force de jouer les cow-boys deviendront la première justification d’une intervention armée de type drones yankee en appui des commandos français des forces spéciales pour mener la fête. Quand les Américains racontent qu’il faudrait d’abord organiser des élections pour donner au Mali un gouvernement légitime, ils ne disent pas autre chose.