Après la diffusion de l’enquête de Zone interdite, la direction de l’Aide sociale à l’enfance de Dijon a été décapitée. François Sauvadet, le président du conseil départemental a annoncé le dépôt d’une plainte. Quand on voit le documentaire, on comprend aisément pourquoi.
« "J’ai décidé le jour même de l’interview, le 1er octobre [2019], de mandater une mission d’inspection du Département. Elle est intervenue le lendemain, le 2 octobre, à la Maison d’enfants à caractère social de Dijon", explique François Sauvadet dans un communiqué. Cette inspection a notamment pointé "des problèmes d’hygiène et d’entretien dans les espaces communs et les chambres, une problématique d’insuffisante sécurisation du bâtiment ainsi qu’un protocole de signalement des fugues connu mais pas respecté."
Il ajoute : "Compte tenu des images et des propos diffusés dans le reportage […] j’ai déposé plainte auprès du procureur de la République de Dijon pour faits de prostitution et présence de stupéfiants". Le président du conseil départemental, dont les services sont chargés de l’accueil des mineurs, précise avoir saisi le parquet une première fois le 10 janvier, après avoir "eu connaissance partielle du contenu du reportage", afin qu’il enquête "sur la réalité des faits qui pourraient constituer une infraction pénale". »
On comprend, en lisant le sujet de francetvinfo, en regardant Zone interdite et Pièces à conviction, qu’il est alors très facile pour des réseaux pédocriminels constitués de draguer dans ces réservoirs à enfants fragiles...
Un an après une enquête de Pièces à conviction, un nouveau documentaire a suscité l’émoi en révélant les défaillances de la prise en charge de mineurs dans des foyers dépendant de l’Aide sociale à l’enfance.
« Des adolescents pris en charge dans des conditions indignes, victimes de violences de la part d’adultes qui devraient prendre soin d’eux et les protéger ». C’est en ces termes qu’Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de la Protection de l’enfance, décrit les révélations de Zone interdite. Diffusé dimanche 19 janvier sur M6, le magazine a enquêté sur les violences et humiliations subies par certains mineurs pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE).
Ce n’est pas la première fois qu’un documentaire met en lumière les défaillances de cette politique sociale, gérée par les conseils départementaux depuis la suppression de la Ddass dans les années 1980. Le 16 janvier 2019, les révélations du magazine de France 3 Pièces à conviction avaient suscité un tollé. Le gouvernement avait réagi en nommant Adrien Taquet au gouvernement, auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé.
Pourtant, un an après cette nomination, la situation ne semble pas avoir évolué. Après la diffusion de Zone interdite, le secrétaire d’État a exprimé, dans un communiqué, son « émotion » et sa « détermination à agir face à ces dysfonctionnements majeurs ». Dans un entretien au quotidien La Croix, il a demandé aux préfets de lui « transmettre, dans les trois mois, un état des lieux de la manière dont ces établissements sont contrôlés ». Franceinfo fait le point sur les carences dénoncées par le magazine de M6.
Des enfants maltraités dans des foyers
Plus de 350 000 mineurs font l’objet d’une mesure de protection de l’enfance en France. Parmi eux, la moitié sont placés dans des foyers ou des familles d’accueil. Pour enquêter sur les conditions de vie des enfants placés en foyer, les journalistes de Zone interdite ont adressé des demandes aux conseils départementaux, qui gèrent ces structures. Face au refus d’un grand nombre d’entre eux, les journalistes se sont infiltrés dans les établissements et ont filmé en caméra cachée.
L’enquête révèle des conditions sanitaires désastreuses, notamment dans un foyer de Seine-Saint-Denis.
« Il y a de la merde dans l’eau. Ça sentait très fort. Donc on s’est dit qu’il y avait peut-être un rat mort qui a infecté l’eau. Ils avaient vu un rat, les gamins. Ils en avaient filmé un en train de courir », raconte une travailleuse sociale.
Le documentaire revient aussi sur des violences commises par des éducateurs dans un foyer situé à Jarsy (Savoie). Une éducatrice y raconte comment elle a été témoin d’humiliations et d’actes de maltraitance subis par les enfants : « Le jeune était attaché avec une corde à la barrière, assis par terre en position de chien, et il lui demandait d’aboyer », raconte-t-elle. Deux responsables de ce foyer ont été condamnés en 2018 à un an de prison ferme. Le président de l’association qui gérait le centre, devenu coach sportif depuis, s’est défendu auprès de Zone interdite.
"Le jeune était attaché avec une corde à la barrière, assis par terre, en position de chien et il lui demandait d'aboyer."
Le président de l'ancien foyer de Jarsy est accusé, entre autres, de maltraitance. Nous l'avons rencontré.
@M6 Dimanche ⏰21h05 #TonyComitiProd pic.twitter.com/b7KPVJLMkC
— Zone Interdite (@ZoneInterdite) January 18, 2020
Des troubles psychiatriques mal pris en charge
Dans un foyer de Dijon (Côte-d’Or), l’enquête de M6 révèle que des éducateurs non formés administrent des neuroleptiques à une adolescente de 13 ans, « ingérable » en raison de ses problèmes psychiatriques, mais non suivie par un psychiatre. Aucune infirmière, censée contrôler la prescription, n’est présente lors de l’administration des médicaments.
En caméra caché, la journaliste suit la jeune fille dans la chambre qu’elle occupe au sein du foyer, où elle est allongée au milieu des détritus et des cafards. La nuit tombée et en pleine crise, elle erre devant le foyer, la musique à fond. Un employé finit par intervenir et la maîtrise violemment. L’adolescente hurle, l’insulte et l’accuse à plusieurs reprises d’être « pédophile ». Celui-ci répond alors : « Si je suis pédophile, ce n’est sûrement pas avec elle. C’est une gogole. »
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Des filles en proie à des réseaux de prostitution
Toujours dans le foyer de Dijon, l’enquête de Zone interdite révèle que des jeunes filles fuguent et sont laissées dans la nature pendant plusieurs jours sans être recherchées par la police. D’après le personnel, certaines d’entre elles vendraient du cannabis et se prostitueraient.
Prostitution, violences, malversations...
« Mineurs en danger » est un documentaire sur les défaillances de l'Aide sociale à l'enfance.
Son réalisateur @doria_jc nous explique les coulisses de l'enquête choc.
A voir sur @M6 à 21h10 dans @ZoneInterdite présentée par @ophmeunier pic.twitter.com/KKO41KTUxS— Loopsider (@Loopsidernews) January 19, 2020
« Elles, c’est drogue, prostitution. Le chef de service était allé les chercher, il les avait trouvées dans une chambre d’hôtel », explique une employée, sans savoir qu’elle est filmée en caméra cachée, à propos de deux adolescentes de 13 ans. Une autre pensionnaire du foyer confirme les faits : « Elle baise pour de l’argent, une prostituée. J’ai fugué avec elle et je l’ai vu faire tout ça. » L’enquête s’intéresse aussi à un foyer situé dans le Vaucluse où « des jeunes filles placées (…) sont des proies pour les proxénètes », affirme M6.
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Du personnel parfois non formé
Pour enquêter, les journalistes de Zone interdite se sont fait embaucher en tant qu’éducateurs, tout en précisant qu’ils n’avaient pas de diplôme et, parfois, sans même être reçus pour un entretien. Ils ont ainsi constaté la présence de « personnel non qualifié, recruté sans diplôme, sans contrat, et pire parfois, sans contrôle du casier judiciaire », précise M6 dans un communiqué.
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