Un étudiant est attaqué en justice pour diffamation par l’université d’Aix-Marseille après avoir tracté sur son campus et des manifestants ont été placés en garde-à-vue pendant près de 48 heures pour une infraction d’entrave à la circulation routière. À Marseille, les soutiens à la Palestine s’inquiètent de l’utilisation de poursuites judiciaires comme instrument de répression politique.
Un détournement de logo de son université sur un tract et François, étudiant en master, recevait une convocation de la police ; ce 6 juin 2024, c’est au commissariat du 7e arrondissement de Marseille qu’il apprenait que la direction d’Aix-Marseille Université avait porté plainte contre lui pour diffamation. Une plainte qui a « surpris » François mais que présageait pourtant une première poursuite disciplinaire lancée début mai : « Pour moi, ce qui se passe, c’est clairement de la répression politique ».
À Marseille, plus largement, manifestants comme juristes s’inquiètent d’une instrumentalisation de poursuites judiciaires à l’encontre des mobilisations en soutien à la Palestine. Après neuf mois d’offensive israélienne sur la bande de Gaza, Amnesty International exhortait début juin la France à « abandonner les réponses répressives aux rassemblements spontanés de solidarité avec la Palestine ».
Des poursuites judiciaires à l’université
« Les appels à l’unité et à la neutralité du président Berton résonnent un peu comme un appel à ne surtout parler de rien (...) Si la gouvernance d’AMU choisit le silence, la censure et la répression, ce n’est pas notre choix ». Ce 7 juin 2024, une délégation intersyndicale locale de l’enseignement supérieur allant de la CGT à SUD critiquait la position de l’université Aix-Marseille (AMU) représentée par son président Éric Berton.
[...]
Gardes à vue aux motifs flous
Mais il n’y a pas qu’à l’université que les soutiens locaux de la Palestine contestent des procédures, selon eux, abusives. Le 30 mai, Marseille connaît son troisième soir de manifestations spontanées après la diffusion sur les réseaux sociaux des images de l’attaque israélienne sur un camp de réfugiés à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. À 18h, un rassemblement a lieu sur le Vieux-Port puis le cortège s’élance dans les rues du centre-ville, réunissant une centaine de manifestants.
Plus tôt dans la journée, M., un régulier des manifestations en soutien à Gaza, reçoit une convocation des renseignements territoriaux l’invitant à se rendre au commissariat. Il en informe son avocate, Mathilde Lanté : « Alors moi, je les appelle (les renseignements territoriaux, NDLR) et demande le cadre légal de cette audition puisque je ne comprends pas cette convocation. On me répond que ce n’est pas une audition et que M. n’a pas l’obligation de s’y rendre », assure-t-elle. La journée passe, M. se rend au rassemblement en fin d’après-midi. Encadré par plusieurs dizaines de CRS, le cortège commence à se disperser en fin de soirée.
Bastien assiste à la scène :
« On a vu arriver deux voitures d’unités de la BAC alors que les manifestants commençaient à partir. Ils étaient 7 ou 8. Ils ont attendu un peu, on avait l’impression que les policiers ciblaient ceux qu’ils voulaient arrêter, comme s’ils attendaient que M. se détache de la foule. »
Avant d’interpeller M. et W., un autre manifestant, des agents en civil sortent des menottes puis procèdent à l’interpellation. Une procédure abusive selon Mathilde Lanté :
« Ils sont interpellés alors qu’ils quittent la manifestation, puis sont menottés alors que les circonstances ne le permettent pas, le code pénal prévoyant certaines conditions pour qu’on puisse faire usage de cette contrainte-là. On cherche donc à les intimider une première fois. »
D’abord placés en garde à vue au commissariat de Noailles sur la Canebière, M. et W. sont ensuite transférés à celui de l’Évêché, en charge des affaires criminelles. « La police nous informe que c’est en raison du caractère sensible de l’affaire », raconte Mathilde Lanté qui évoque une garde à vue « lunaire » de près de 48 heures et dont le seul motif retenu, in fine, sera une simple entrave à la circulation routière à l’encontre de son client. Le premier soir, la police informe son confrère Adrien Mawas que son client W. demande à être représenté par un avocat commis d’office, ce que l’intéressé démentira par la suite.
« On les interpelle pour trois infractions pour qu’au final il n’en reste qu’une, et tout le long de cette garde à vue, les décisions changent comme si les ordres étaient discutés en haut lieu », avance Mathilde Lanté qui dénonce en outre une procédure « politique » :
« Ce qui est reproché à M., c’est le simple fait d’avoir participé à cette manifestation. Le parquet va utiliser l’infraction d’entrave à la circulation routière, pour punir la participation à une manifestation non déclarée, qui je le rappelle n’est pas un délit, en ce que ça serait une atteinte à une liberté fondamentale qui est la liberté de manifester et à la liberté d’expression. L’objectif est clair : réprimer coûte que coûte pour museler le débat public et les voix qui contestent le discours officiel du gouvernement. »
M. assure par ailleurs avoir été victime d’insultes homophobes de la part de plusieurs policiers et entend porter plainte.
Une dynamique qui s’étend malgré tout
Mais les mobilisations en solidarité avec la Palestine, neuf mois après les premières manifestations interdites dans le centre-ville, continuent de s’étendre. Le 4 juin, c’était au tour des étudiants du campus marseillais de l’EHESS de mener une action contestant la politique de la direction de l’école. Dans la cour de la Vieille-Charité, dont le site est aussi un musée ouvert au public, une dizaine d’étudiants déploient leur banderole : « Position intenable, Institution coupable » en référence à la fermeture administrative du campus Condorcet à Paris après l’intervention de la police pour déloger les étudiants qui l’occupaient.
[...]
« La présidence se cache derrière une pseudo-neutralité académique qui n’existe pas (...) cela s’illustre aussi par le deux poids deux mesures par rapport à la guerre en Ukraine, pour laquelle l’EHESS avait pourtant clairement pris position. »
Lire l’article entier sur orientxxi.info