Il y a cinquante ans exactement, le 4 avril 1968, Martin Luther King fut abattu à Memphis dans des circonstances mal élucidées. Le nom, le portrait et le profil du tueur présumé furent diffusés presque instantanément. James Earl Ray, un délinquant intellectuellement déficient, avait été en réalité manipulé par un certain « Raul » jamais identifié ; ce dernier s’était arrangé pour que Ray loge ce jour-là dans une chambre donnant sur le balcon de King au Lorraine Motel, et pour qu’un fusil soit retrouvé sous sa fenêtre avec ses empreintes. L’avocat commis d’office à la défense de Ray n’eut aucun mal à le convaincre de plaider coupable pour obtenir la clémence du jury. Personne ne prêta attention quand Ray se rétracta trois jours plus tard. Il mourut en 1998, sans cesser de clamer son innocence.
Le Révérend King embarrassait le gouvernement de Lyndon Johnson par ses récentes prises de position contre la Guerre du Viêt Nam, et il inquiétait plus encore par son projet de rassembler dans sa Poor People’s Campaign une « armée multiraciale de pauvres » qui marcherait sur Washington et camperait devant le Capitole jusqu’à ce que le Congrès signe une « Déclaration des droits du pauvre ».
Johnson, qui avait raflé tout le crédit historique des efforts des Kennedy en faveur des droits civiques des Noirs, en signant, le 2 juillet 1964, la loi qui mettait fin officiellement à la ségrégation, ne pardonnait pas à King de se servir maintenant de l’immense capital de sympathie qu’il avait lui-même engrangé pour se retourner contre Johnson, au point d’être pressenti comme un possible rival pour les élections présidentielle de 1968. Selon une phrase célèbre, Johnson estimait qu’en signant la loi en faveur des Noirs « il allait les faire voter Démocrate pour les deux cents ans à venir ». Pour Johnson, dont le profond racisme anti-noir est étayé par d’innombrables témoignages, King aurait dû rester à sa place de nègre reconnaissant, et canaliser vers Johnson le soutien de sa communauté, au lieu de contribuer à ruiner sa réputation (rappelons que Johnson est le seul président de toute l’histoire des États-Unis qui renonça à se présenter pour un second mandat).
Parce que le sujet est rarement mentionné, il est opportun de souligner que King avait aussi fortement déçu les sionistes. Il avait reçu un important soutien financier, légal, logistique et médiatique de la part des juifs américains, qui contribuèrent ainsi à sa renommée mondiale et à sa consécration par le prix Nobel de la Paix en 1964.
Les juifs américains ont joué un rôle éminent dans l’organisation du mouvement des droits civiques des Noirs depuis la fondation en 1909 de la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP), dont tous les présidents furent juifs jusqu’en 1975. Après la Seconde Guerre mondiale, les organisations juives étaient très engagées dans le mouvement d’émancipation des Noirs. Les juifs ont fourni la force financière, légale, stratégique et même idéologique de ces mouvements (mais aucun Noir n’a jamais été admis dans les organisations de défense des juifs). Certains leaders noirs américains comme Louis Farrakhan estiment aujourd’hui que les juifs ont adopté la cause noire dans leur propre intérêt, et qu’ils l’ont en quelque sorte piratée.
L’une des meilleures illustrations de ce phénomène est la fameuse marche sur Washington de Martin Luther King, conclue par son discours historique « I have a dream », le 28 août 1963 devant le Lincoln Memorial. De nombreux juifs s’étaient impliqués dans l’organisation de cette manifestation. Le discours de King était précédé par la prière du rabbin Uri Miller et par un discours d’introduction du rabbin Joachim Prinz, président de l’American Jewish Congress, qui constitue un chef-d’œuvre de l’opportunisme juif : « Je vous parle en tant que juif », commence Prinz, avant de s’étendre sur tout ce que les juifs ont apporté à la cause du Docteur King :
« En tant que juifs, nous apportons à cette grande manifestation à laquelle des milliers d’entre nous participent fièrement, une double expérience : par l’esprit, et par l’histoire. Dans le domaine de l’esprit, nos pères nous ont appris il y a des milliers d’années que lorsque Dieu créa l’homme, il le créa en tant que voisin de tout le monde. […]. De par notre expérience juive de trois mille cinq cents ans, nous pouvons dire : notre histoire ancienne a commencé dans l’esclavage et l’aspiration à la liberté. »
Suit un aide-mémoire des souffrances du peuple juif depuis les ghettos du Moyen Âge jusqu’à l’Holocauste. Lorsqu’il fait enfin référence à la condition des Noirs américains, c’est pour noyer le sujet dans les sphères de l’abstraction pure : les Américains « doivent parler et agir », dit-il, « non pas pour les Noirs [the negro], non pas pour la communauté noire, mais pour l’image, le rêve, l’idée, et l’aspiration de l’Amérique elle-même ».
Ce qui rend ce discours encore plus révélateur de l’opportunisme juif, c’est que le rabbin Joachim Prinz avait publié à Berlin en 1934 un livre intitulé Wir Juden (« Nous les juifs »), dans lequel il soutenait ouvertement la politique raciste nazie et se faisait l’apôtre de l’anti-assimilationnisme :
« Nous voulons que l’assimilation soit remplacée par une nouvelle loi : la déclaration d’appartenance à la nation juive et à la race juive. Un État fondé sur le principe de la pureté de la nation et de la race ne peut qu’être honoré et respecté par le juif qui déclare son appartenance à son propre peuple. […] Car seul celui qui honore ses origines et son propre sang peut respecter et honorer la volonté nationale des autres nations. »
Le soutien juif à Martin Luther King n’était pas gratuit. En 1967, les sionistes attendaient de King qu’il paie sa dette en exprimant son soutien pour Israël. Il reçut de nombreuses sollicitations et invitations officielles pour se rendre en Israël ; il rejeta poliment chacune d’elles. Selon un article du journal israélien Haaretz, « des documents révélés 45 ans après l’assassinat de Martin Luther King Jr. montrent les efforts d’Israël pour courtiser le leader des droits civiques – une campagne qui n’a jamais porté ses fruits ».
Après la guerre des Six Jours, la communauté noire était de plus en plus divisée sur Israël, et le sentiment grandissant que le mouvement civique des Noirs était manipulé par les juifs alimentait la judéophobie des mouvements concurrents que représentaient les Black Panthers et the Nation of Islam, dont était issu Malcom X : une visite de King en Israël aurait eu un poids considérable.
Il n’est pas absurde d’imaginer que l’assassinat de King ait pu être la sanction du refus de King de payer sa dette. Ça l’est d’autant moins qu’après sa mort, les sionistes se livrèrent à une habile manipulation de sa mémoire pour répandre l’idée fausse de son soutien pour Israël, par le moyen d’une fausse citation, prétendument tirée d’une lettre qu’il aurait écrite peu avant sa mort à un ami antisioniste :
« Tu déclares, mon ami, que tu ne hais pas les juifs, mais que tu n’es qu’un antisioniste […]. Et je te dis, que la vérité résonne depuis les sommets des montagnes, et que l’écho s’en répande dans les vallées de la terre verte de Dieu : lorsque les gens critiquent le sionisme, ils veulent parler en fait des juifs […]. L’antisémitisme, la haine du peuple juif, a été et reste une tache sur l’âme de l’humanité. En cela nous sommes pleinement d’accord. Mais sache aussi ceci : l’antisionisme est inhéremment antisémite, et le sera toujours. »
Cette lettre est un faux. Apparue pour la première fois dans Shared Dreams : Martin Luther King, Jr. & the Jewish Community (1999), un livre écrit par le rabbin Marc Schneier en réponse à la judéophobie grandissante de la communauté afro-américaine et naïvement préfacé par le fils de King, Martin Luther King III, elle a été citée des milliers de fois dans la presse imprimée ou électronique, et même par un dirigeant de l’Anti-Defamation League, Michael Salberg, devant le Congrès américain en juillet 2001. C’est ainsi que King apporta malgré lui, une fois mort, le soutien au sionisme qu’il lui avait toujours refusé de son vivant.
Il est intéressant de rapprocher cette récupération frauduleuse de l’exploitation que firent les sionistes de la mort de Robert Kennedy, assassiné deux mois après Martin Luther King, par un jeune Palestinien anti-sioniste, Sirhan Sirhan, décrit dans la presse dès le jour-même comme « un anti-Israélien virulent » et « un jeune homme animé d’une haine suprême pour l’État d’Israël ». Sur les incohérences de l’enquête et l’innocence probable de Sirhan Sirhan, je renvoie à mon article sur le sujet : Robert F. Kennedy, première victime américaine du terrorisme "arabe" ?
Pour le quarantième anniversaire de l’assassinat de Robert Kennedy, le Jewish Daily Forward écrivait :
« En nous souvenant de Bobby Kennedy, souvenons-nous non seulement de ce pour quoi il a vécu, mais aussi de ce pour quoi il est mort : la valeur précieuse de la relation entre l’Amérique et Israël. »
C’est une grossière imposture, quand on connaît la tradition très judéocritique de la famille Kennedy (catholique irlandaise), la politique pro-arabe de John Kennedy et son intransigeance sur le projet d’armement nucléaire d’Israël, et les actions de Robert Kennedy, en tant que ministre de la Justice de son frère, pour restreindre l’influence du lobby juif.
Dans les deux assassinats de Martin Luther King et de Robert Kennedy, Lyndon Johson et son ami Edgar Hoover récoltent le plus de soupçons. Mais étant donné les preuves aujourd’hui peu contestables d’une alliance secrète entre Lyndon Johnson et le réseau criminel international israélien, il fait peu de doute, à mes yeux, que Martin Luther King et Robert Kennedy furent, en dernière analyse, les victimes d’Israël.