« Sulfureux personnage » pour les uns, voix de la raison pour les autres, les analyses de Jean-Dominique Michel ne laissent pas indifférents et sont loin de rejoindre le consensus dont nos gouvernements sont coutumiers depuis le début de la crise. Dans cet entretien, l’anthropologue genevois tire un bilan des trois derniers mois, sous le feu des algarades propres à la lumière.
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Que pensez-vous de l’utilité des masques ?
Jean-Dominique Michel : J’ai reçu beaucoup de messages de spécialistes, de virologues en particulier, qui disent ne pas être convaincus du tout de leur utilité. En même temps on ne peut pas exclure que ça puisse en avoir une : les pays qui les ont beaucoup utilisés s’en sont plutôt sortis mieux que les autres. Mais je trouve un peu bizarre qu’on les impose à tout le monde maintenant qu’on en a, mais qu’on en a plus besoin, car l’épidémie est d’après tous les critères usuels en pleine extinction. Peut-être qu’il faut écouler les stocks, peut-être qu’il faut aussi gesticuler pour montrer aux gens qu’on est dans le principe de précaution. Je ne suis pas convaincu ni sûr que ce soit sain de baigner dans sa propre haleine et son propre CO2. Il semble même que l’effet sur le taux d’oxygène sanguin ne soit pas bon. Sans parler de la coercition faite aux personnes, en particulier aux travailleurs à qui l’on impose cela à journée longue.
Ni des conséquences sociales...
Un ensemble de soignants, pédopsychiatres, infirmières, virologues interviewés dans une vidéo belge disent quelque chose de très juste : on a tout réduit à la biologie. Les relations, les affects, les liens avec les autres, le sens que l’on donne à sa vie, tout cela est hyper déterminant de la santé, au moins autant que la biologie. Mais on s’est concentrés uniquement sur la biologie, on a complètement effacé le reste, on n’a pas pensé aux impacts du reste en créant des réalités qui ne peuvent être qu’hyper traumatiques. C’est une de mes critiques du confinement. On n’a pas du tout pensé aux impacts de déshumanisation que cela allait avoir à tellement d’endroits.
Peut-être parce que la peur de la mort supplante absolument tout le reste ?
Oui, mais alors là c’était complètement disproportionné. Avec une privation d’un ensemble de besoins existentiels, relationnels, psychologiques et sociaux dont on sait déjà que cela va avoir des conséquences graves sur la durée. Et c’est une critique des autorités et de leur difficulté chronique à penser les choses de manière complexe, mais pourquoi ? En grande partie parce qu’ils font toujours appel au même type d’experts qui sont formés et formatés de la même manière et qui ne voient pas en dehors de leur champ de vision. Il aurait fallu réunir des compétences beaucoup plus larges. Les autorités étaient tellement dans leur panique sanitaire qu’elles s’en sont totalement remises aux médecins. Or, ce n’est pas juste aux médecins de dire comment il faut organiser une réponse sociétale à une épidémie ! Ou en tout cas pas sans le concours de nombreux autres ordres de compétences et de savoir.
Le masque est aujourd’hui obligatoire dans les transports publics et les magasins. En France, ils sont bientôt imposés dans tous les espaces clos... selon vous, jusqu’où ira-t-on ?
L’histoire nous enseigne que, quand des droits d’exception sont adoptés pour faire face à des menaces quelles qu’elles soient – terroristes, sanitaires – dès lors que les conditions ne sont plus réunies, ces droits perdurent. Les lois qui ont succédé au 11 Septembre sont toujours actives. Et c’est ma crainte. Il y a une forme de dérive totalitaire qui est en train de se mettre en œuvre, y compris dans notre pays ! Que le Conseil fédéral ait cherché à obtenir du Parlement la possibilité de garder des pleins pouvoirs jusqu’en 2022, y compris en pouvant imposer une obligation vaccinale, constitue une transgression majeure de notre système de droit comme de notre système politique. C’est de l’éthique au sens le plus intense du terme, ça concerne même l’Habeas corpus ! C’est revenir à l’époque où le Seigneur avait le droit de disposer des corps des gens. On est dans ce genre de dérive aujourd’hui, avec la pointe redoutable que, puisque c’est pour la santé, refuser revient à risquer de mettre en danger la vie des autres ! Je suis extrêmement inquiet. C’est une des raisons pour lesquelles je me suis tellement bougé : on est en train de dériver vers un totalitarisme qui ne dit pas son nom.
Soyons extrêmement concrets : mis à part les bénéfices financiers indéniables, quel serait l’intérêt de forcer tout le monde à se faire vacciner ?
Il y a deux hypothèses : la première c’est l’emballement d’une logique. Nos dirigeants sont convaincus que ce qu’il faut faire c’est vacciner les gens. Avec évidemment certains intérêts économiques derrière, parce que vacciner huit milliards de personnes ça permet quand même à l’industrie de faire des bénéfices juteux au passage. Et puis, il y a des thèses beaucoup plus inquiétantes – qui ne sont pas mes convictions mais que je ne m’interdis certainement pas d’écouter – qui soulignent que les autorités européennes viennent d’autoriser la présence d’OGM dans le vaccin. Qu’il s’agit d’un projet de vaccin à ARN, un type nouveau que l’on n’a encore jamais expérimenté sur l’être humain. Avec de possibles signatures nanoparticulaires permettant à une autorité extérieure de savoir si on l’a reçu ou pas. Avec un passeport vaccinal déjà prêt qui permettrait d’être autorisé à se déplacer ou non. Donc un contrôle total sur la population qui serait alors captive d’un système de surveillance totalitaire.
Tout ceci pour un coronavirus sans danger exceptionnel (par rapport aux épidémies dont nous avons l’habitude) et qui semble déjà perdre de sa virulence, comme il est normal pour les virus qui envahissent une nouvelle espèce.
Vous avez conscience qu’on bascule là dans les théories complotistes ?
Les faits sont là, ce sont les conclusions face auxquelles il faut rester prudent. Mais l’Union européenne vient bel et bien d’autoriser le recours aux OGM dans ce vaccin, les micropuces existent, ainsi que la technologie des nano-particules permettant de savoir à l’insu d’une personne si elle été vaccinée ou non. J’entends aussi que les autorités, en Suisse comme à travers le monde, ne jurent que par un futur vaccin alors que trouver un vaccin efficace contre cette sorte de coronavirus est un concept hautement spéculatif, pour lequel on semble être déjà prêt à se dispenser des étapes de sécurité habituellement nécessaires.
Je n’en tire pas de conclusion particulière autre que je trouve qu’il y a quelque chose de préoccupant là-dedans. Après, se dire qu’il y a un agenda caché pour asservir toute la population, je n’en suis de loin pas encore là. Mais il y a des distorsions de prérogatives : comment se fait-il qu’un type comme Bill Gates, qui est informaticien, se retrouve au centre de tout l’échiquier comme celui qui finance le plus les institutions de santé dans les pays et à travers le monde ? Il y a quelque chose d’anormal dans cette situation. Je ne lui attribue pas d’intention malveillantes, mais je trouve cela louche qu’il se retrouve dans cette position, à dicter le jeu, à avoir ses entrées à l’Élysée comme au Palais fédéral ou à la Maison-Blanche, à être le principal financeur de l’OMS, à subventionner des médias ou encore une agence d’état comme Swissmedic.
La situation que nous vivons avec le coronavirus est en fait apocalyptique, dans le sens littéral – et non pas mystique – de « dévoilement » : quand les choses sont dévoilées dans leur réalité. Là on est dans une espèce de dévoilement à large échelle de la manière dont la gouvernance des pays a vrillé, dont les intérêts privés tendent à l’emporter sur le bien commun, avec à l’arrière-plan (du fait des groupes qui ont le vrai pouvoir, comme les GAFAM) une forme de délire transhumaniste qui est en train de prendre le pouvoir sur les systèmes sociétaux d’une manière où il semble que rien ne puisse plus résister à cela.
Les conflits d’intérêt, notamment au sein de la Task Force Covid-19, ne sont-ils pas inévitables ?
Oui, ils le sont depuis qu’on a rendu obligatoire aux universitaires d’aller chercher de l’argent auprès d’industriels pour pouvoir conduire leurs recherches. Ça a été un choix fait à un moment donné, qui avait à l’époque indigné des professeurs de l’EPFL, inquiets qu’on adultère la recherche. On vit depuis dans une fiction d’indépendance académique alors qu’il s’agit d’une impossibilité. Dès lors qu’une institution ou un programme dépendent des dizaines voire des centaines de millions donnés par des bailleurs de fonds privés chaque année, c’est une évidence que la recherche s’abstiendra d’aller dans des directions risquant de les contrarier. La confusion régnante entre liens et conflits d’intérêts a été patente en France récemment : nombre de membres des comités d’experts chargés de conseiller le gouvernement ont omis de signaler leurs liens d’intérêts ou de se désister sur des décisions impliquant leurs bailleurs !
Quant à notre gouvernement, il est bon de rappeler la phrase étonnante de Ruth Dreifuss dans Le Matin Dimanche il y a quelques années : « Lorsque j’étais en charge du Département de l’intérieur et donc de la santé, je devais signer d’une main tandis que l’autre était attachée dans mon dos. » Alain Berset est-il dans la même situation ? La question semble quelque peu superflue...
D’un côté, on a ceux qui ont encore peur de prendre les transports, et de l’autre ceux qui font des « Covid Party ». Où est le juste milieu ?
Un conflit, soit un hiatus entre la réalité et l’intention, se vit toujours soit en rébellion (« je m’en fiche et je vais à la Covid-Party ») soit en soumission (« je reste terré chez moi autant que possible et porte le masque même en conduisant seul ma voiture »). Pour moi, cela s’accompagne d’un autre motif d’inquiétude aujourd’hui : nous avons perdu l’insouciance d’une manière terrible au cours des trois dernières décennies et plus encore avec le virus. Il y a quelque chose qui a été endommagé dans la confiance à être de plein droit et avec l’entier de soi-même dans l’espace social. J’ai l’impression d’un traumatisme généralisé, profond, beaucoup plus costaud qu’on l’imagine.
N’y a-t-il pas néanmoins quelque chose de positif à retirer de cette crise ?
Une amie psychiatre m’a dit qu’elle avait le sentiment que le confinement avait été beaucoup plus facile pour les gens que le déconfinement. Parce que le premier est cohérent : il y a un danger dehors, il s’agit dès lors de se planquer chez soi, on a retrouvé du temps, on a pu réfléchir, reprendre des hobbies, on n’avait plus besoin d’aller bosser comme avant, il y avait quelque chose d’assez cocooning. Le déconfinement est plus compliqué car beaucoup moins clair : est-ce qu’il y a encore du danger ? Où ? Comment ? Qu’est-ce que je peux faire ou pas ? Suis-je dangereux pour l’autre et l’autre est-il dangereux pour moi ? Il peut aussi y avoir l’envie de ne pas forcément retourner à sa vie d’avant, à cette espèce de course pleine de stress qui est devenue un peu la norme. Tout cela pose effectivement beaucoup de questions. Espérons que la réflexion sera judicieuse. Mais j’ai l’impression qu’on a rendu les gens déboussolés et même un peu fous.
J’ai un ami qui est professeur de neuro-marketing, cette branche qui étudie comment les messages publicitaires impactent le cerveau à notre su ou à notre insu. Il n’en revenait pas de l’impact de trois mois de matraquage sur l’amygdale, ce centre neurobiologique de la vigilance au cœur du cerveau émotionnel. De jour en jour, le traitement médiatique a créé une sur-stimulation de l’amygdale, ce qui a pour conséquence de faire disjoncter les connexions avec le cortex, obérant la capacité de penser. Je le vois dans l’hystérisation de beaucoup de positions, avec une forme de polarisation extrême et la perte de capacité à réfléchir et à avoir envie de discuter constructivement et calmement des choses… Donc une perte de compétence dialogique et réflexive.
Avez-vous des regrets aujourd’hui ?
Les paroles d’une chanson que j’aime bien disent : « Quand on ne reste pas dans son trou de la vie à la mort / On prend des rides et puis des coups, aussi des remords ». « La vie est cafouilleuse » proposait quant à lui le psychanalyste Jacques Lacan. Si c’était à refaire, je sais que je prendrais à nouveau position et sans doute à peu près de la même manière puisqu’au fond nous sommes profondément déterminés par qui nous sommes, la vie que nous avons eue, les rencontres que nous avons faites, et surtout par les valeurs qui nous animent. Ce qui ne m’empêche pas d’être conscient d’avoir été parfois maladroit, sans doute aussi excessif, ou imprudent.
Mais je suis heureux de tous ces messages reçus de personnes, de tous milieux et de tous métiers (y compris d’intellectuels et d’universitaires) qui m’ont remercié d’avoir osé dire une parole qui s’opposait à la psychose que nous étions en train de créer dangereusement, là où il s’agissait simplement d’être prudents, responsables et vigilants. Je crois qu’il y eu un emballement nocif – qui n’est d’ailleurs pas terminé – qui exige que nous osions penser et, parfois, nous opposer. Et si je me retourne sur les propos que j’ai tenus depuis début mars, je peux me donner quittance d’avoir plutôt bien vu les choses dans leur ensemble. Il n’y a pas de secret : si aujourd’hui je suis parvenu à être solide dans mes analyses, c’est aussi le fruit paradoxal de m’être souvent trompé ! Ça reste la seule manière d’appendre. Et avoir la confirmation à un moment donné d’avoir un peu appris en cours de route et de pouvoir le partager avec les autres en faisant œuvre utile est au fond une agréable consolation au fait de vieillir.