Pour la rentrée d’On n’est pas couché, Ruquier flanqué de sa nouvelle équipe de chroniqueurs – une sioniste de gauche et un sioniste de droite, donc la parité sexuelle et la pluralité des opinions sont parfaitement respectées sur le service public – invitait ce samedi 2 septembre 2017 le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer, et quelques autres invités sans intérêt (politique). Nous nous sommes bornés à visionner et analyser la partie de 58 minutes sur l’éducation. Peut-être que nous avons loupé quelque chose sur le reste de l’émission, mais statistiquement, les artistes n’ont pas grand chose à dire à la télé à part « achetez mon CD », « allez voir mon film » ou « baisez-moi les pieds ».
Blanquer, lui, c’est pas le genre people au rabais intellectuel. Il arrive à faire l’union sacrée de la droite et de la gauche sur la question scolaire, ce qui est un exploit en France.
Bien campé sur ses humanités, il donne l’impression d’un rocher qu’on ne peut pas bouger facilement. Pas le genre de mec à élever la voix, s’énerver, ou produire du tic facial à la chaîne comme la troublante Christine Angot. En passant, on va régler son compte en 30 secondes à la polémique « Angot » sur le service public : oui Christine est allumée, oui elle est limitée, oui elle ne comprend pas tout, mais on subodore que Ruquier l’a castée pour que le grand public soit au niveau, ou que l’émission soit au niveau du grand public. Une sorte d’Hanouna au féminin, une hanounette.
D’ailleurs, elle n’a pas dit que des conneries, tant qu’elle lisait son texte d’intro, qui faisait figure de question mais sans point d’interrogation au bout. Après, quand il a fallu faire du live, de l’impro, les choses se sont gâtées. Crisetine a produit une grimace qui n’existait pas lorsque Blanquer lui a parlé de « réductionnisme ».
Angot : « De quoi vous nous parlez ? »
Blanquer : « De réductionnisme. »
Elle est alors retournée dans son trou – c’est une image, arrêtez vos vannes débiles – et on ne l’a plus entendue de tout l’entretien. Yann Moix c’était pas mieux, car après sa préparation très échiquéenne sur les « neurosciences », il a coulé à pic éditorialement. Pas au niveau, les deux zozos. Blanquer a vaincu sans trop de gloire face à ces objets confondants du Spectacle.
Ce qui est dommage, c’est que les deux assesseurs du juge Ruquier n’ont parlé que de neurosciences (sans rien y comprendre) et de... Shoah ! Mais oui, avec Moix, c’est la rentrée de la Shoah !
04’23 – Blanquer de Macron : « J’ai senti une convergence de vues totale, je me suis senti très à l’aise, honnêtement pour moi c’était une divine surprise de voir qu’il avait cette équation intellectuelle, morale, politique, qui m’allait parfaitement. »
07’00 – Blanquer promet du changement... en musique : « Vous allez avoir des choses emblématiques, vous aurez la Garde républicaine devant des écoles du 19e arrondissement, vous aurez à Bondy l’orchestre philharmonique… »
À 08’31, Moix attaque le ministre sur les neurosciences dont ce dernier serait féru.
09’38 – Blanquer : « Je récuse l’accusation de scientisme et je pense que ce qui nous menace aujourd’hui c’est beaucoup moins le scientisme que l’inverse du scientisme. »
11’55 – Moix sort sa première moixerie : « Pour moi le cerveau humain n’existe pas, le cerveau n’existe pas. »
Au tour de Christine de poser sa question. Surprise, elle a travaillé, sans basculer dans l’hystérie. Elle s’en prend au changement à l’école, elle évoque avec nostalgie l’école d’autrefois qui marchait toute seule, mais elle oublie qu’elle est elle-même le fruit de Mai 68 et de ses changements ! Dont l’effondrement du niveau à l’école...
14’55 – Angot sort sa théorie psychologiste sur les enfants d’immigrés en difficulté à l’école : « Parce qu’on peut préférer échouer pour rester solidaire de son père et de sa mère, qui n’ont pas les connaissances, ressembler à son père et ça mère, ça compte. »
Notre question à Blanquer
Dans un environnement économique ultralibéral – celui de Macron et du CAC40 – qui met le profit au-dessus de tout, l’éducation ne peut pas être prioritaire : elle ne rapporte rien. Elle coûte. Et la baisse de niveau ne gêne pas l’oligarchie, visiblement, sinon elle ne laisserait pas le niveau scolaire s’effondrer et Hanouna, l’exemple absolu de l’inculture, de l’inculture victorieuse, engranger 250 millions en 5 ans.
Blanquer semble être un bon médecin mais il renvoie les futurs éduqués au respect dans un monde qui cultive l’individualisme, la concurrence et la guerre. C’est-à-dire l’explosion du collectif, des collectifs, de ceux qui ont fait avancer la France pour en faire en 1 000 ans le pays le plus vivable du monde, ou presque. Il y a là une contradiction majeure. Blanquer, c’est un peu le médecin d’Auschwitz qui répare les détenus (réparables) et qui les renvoie au boulot. Parfaite transition pour ce qui va suivre...
La question juive (par Y. Moix)
C’est à la 34e que Moix introduit dans le débat l’histoire de ce collège marseillais avec « le retour à la religion manifeste, inquiétant ». On parle évidemment de l’islam, sans le nommer, on est chez Moix, quand même. Après les questions techniques, voici venir l’islamisme et le sionisme. Le premier est nommé, dénoncé ; pas le second, car il est la victime.
Moix (34’41 jusqu’à 35’22) : « Certains élèves refusent de manger de la viande non halal, que il [le proviseur interrogé par Le Figaro] a demandé, je le cite, “j’ai conseillé à cette mère, qui venait d’israël, et dont le fils parlait français avec un accent à couper au couteau de le mettre dans un collège juif, obligé de dire d’où il vient il se serait fait laminer”, enfin je citerai un de ces employés qui est un pion en fait, un surveillant, et qui en fait était fiché S, et on sait aussi cette fameuse histoire où des enseignants se sont vu interdire d’enseigner la Shoah par leurs propres élèves et ils ont eu peur de le révéler parce que là encore ils seraient passés pour des islamophobes, cette situation devient intenable en France, je voulais savoir comment vous allez y réagir. »
Blanquer pense s’en sortir avec une tirade classique sur le vivre ensemble, les valeurs, le respect... mais il en faut plus pour SuperShoah.
Ruquier à Moix : « Vous avez votre réponse ? »
Moix : « Euh, sur le plan philosophique oui, mais sur le plan pratique, sur le plan technique, ça reste malgré tout très flou. Vous pouvez nous donner une mesure qui ferait en sorte qu’un jeune juif peut aller dans l’école de la République, une mesure techniquement précise ? »
- Il y avait la "poker face", il y a désormais la "Shoah face"
Poussé dans ses retranchements par le valet de BHL, Blanquer est obligé de se positionner sur la question essentielle de la Shoah à l’école. Tout le reste n’est que littérature...
35’45 – Blanquer : « Vous savez je l’ai vu je l’ai vécu comme recteur, j’étais recteur de l’académie de Créteil mais il m’est arrivé, par exemple c’était un professeur, juif, qui était en quelque sorte harcelé voire insulté par, par des élèves, j’ai, j’ai fait ce qu’il fallait pour défendre cette personne et justement et j’ai noté une certaine lâcheté de certains acteurs, je me suis insurgé contre ça. »
38’47 (à 39’06) – Moix, insatiable quand il s’agit de Shoah, relance : « Un professeur vit dans la terreur de passer pour un raciste, un xénophobe ou un islamophobe si il dit dans ma classe “je me fais intimider, dans ma classe on m’empêche d’enseigner la Shoah”, il a peur alors là de ce que vous vous appelez “l’hystérie antiraciste” et là il n’a personne à qui partager ça ! Au plus haut échelon de l’État il y a des gens qui disent “surtout c’est pas le moment”. »
Voilà, c’était la rentrée de ONPC, avec Yann Shoah Moix et Christine Réductionnisme Angot qui, au lieu de poser des questions intéressantes à un ministre qui a l’air plutôt costaud dans son domaine, sont revenus sur leurs obsessions personnelles. C’est le risque d’une privatisation politique et people d’une émission de service public.
Voici maintenant une idée intéressante pour Ruquier, qui pleurniche que France 2 ne le respecte pas assez, et qui menace de passer sur TF1, où l’on gagne beaucoup plus d’argent : changer de chroniqueurs chaque semaine, et donner leur chance à des inconnus qui viennent de tous les horizons, au lieu d’embaucher des larbins du lobby, parce qu’il s’agit de ça, sinon on n’aurait pas parlé de Shoah.
« Nous sommes la gauche-bobo. Nous ne représentons que 1% du pays mais nous dominons vos ondes. Prenez, mangez, avalez braves gens. » #ONPC pic.twitter.com/BHOAMqjAbp
— Julien Rochedy (@JRochedy) 2 septembre 2017
Il y a un problème avec les religions à l’école, c’est vrai, mais le problème de fond, et Blanquer ne l’ignore pas, c’est la baisse de niveau voulue par l’oligarchie, que ce soit dans les médias ou à l’école. C’est ça que les parents doivent comprendre, et ce contre quoi ils doivent se battre, car leurs enfants ne peuvent pas voir le danger et qu’ils préfèrent moins en faire que d’en chier un peu. La racaillisation de certaines écoles publiques abandonnées va dans le sens des intérêts de l’oligarchie, comme la racaillisation de la télévision.
Racailles d’en haut, racailles d’en bas, même combat !