« (…) la guerre en notre temps est toujours aveugle, c’est une guerre contre des innocents, une guerre contre des enfants. » (Howard Zinn, 1922-2010.)
« Toute guerre est un échec de la diplomatie. » (Tony Benn, député, 1925-2014.)
« Aucun pays n’est trop pauvre, trop petit, trop loin pour constituer une menace à la manière de vivre américaine. » (William Blum, « L’État voyou »)
La mention même d’un pays minuscule a de quoi soulever des interrogations sur la lucidité et le bon sens de ceux qui devraient être beaucoup plus avisés. Le dimanche 6 août, par exemple, The Guardian a publié un éditorial ayant pour titre : Les sanctions vues par The Guardian : un outil essentiel. De toute évidence, les cinq mille âmes par mois, des enfants pour la plupart, qui meurent en moyenne « des suites de l’embargo » en Irak, année après année, véritable génocide commis au nom de l’ONU depuis plus d’une décennie, ont depuis longtemps sombré dans l’oubli pour le journal de gauche.
La cible du jour est évidemment la Corée du Nord, contre qui le Conseil de sécurité des Nations Unies a unanimement décidé de geler, d’étrangler et de nier l’essentiel, la normalité, l’humanité. La diplomatie, comme toujours, n’a même pas été envisagée. Ce qui n’a pas empêché The Guardian, chose incroyable, de qualifier les sanctions destructrice de « rare triomphe de la diplomatie » (The Guardian, 6 août 2017)
Le secrétaire d’État des USA, Rex Tillerson, « diplomate en chef » de ce pays, et son homologue nord-coréen, Ri Yong-ho, devaient se rendre à la réunion ministérielle annuelle de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) à Manille le 5 août. Selon un porte-parole du département d’État :
« Le secrétaire n’a pas prévu rencontrer le ministère des Affaires étrangères de la Corée du Nord à Manille et je ne m’attends pas à ce qu’il y ait une telle rencontre. »
Pathétique. En avril, à l’approche de sa centième journée à la présidence, Trump a dit à propos de la Corée du Nord :
« Je serais ravi de régler les choses par voie diplomatique, mais c’est très difficile. »
Ce ne l’est pas. Parlez, mettez-vous à la place de l’autre. Ils se sont donc retrouvés au même endroit, mais l’administration Trump ne se contente pas de multiplier les occasions manquées, elle les enfouit délibérément dans une décharge à des kilomètres de profondeur, et ce, malgré ces paroles dites dans la même déclaration :
« Les choses pourraient finir par un conflit majeur, majeur oui, avec la Corée du Nord. Tout à fait. »
Mettons les choses en perspective. Le 27 juillet 2017 marquait le 64e anniversaire de l’accord d’armistice ayant mis fin à trois ans de guerre dévastatrice en Corée. Cependant, il n’y a jamais eu de traité de paix, ce qui fait que techniquement, la guerre de Corée ne s’est jamais terminée. Comme les USA aiment bien décimer des pays dont la population est faible et qui ne présentent aucun danger pour eux (l’Afghanistan, l’Irak et la Libye sont des exemples récents), il ne faut donc pas s’étonner que la Corée du Nord cherche à donner l’impression qu’elle dispose d’un dispositif de protection à toute épreuve derrière son entrée principale, pour ainsi dire.
Le minuscule pays qu’est la Corée du Nord compte à peine 25,37 millions d’habitants sur un territoire de 120 540 de km². Les USA comptent 323,1 millions d’habitants sur un territoire de 9,834 MILLIONS de km². De plus, depuis 1945, on présume que les USA ont fabriqué quelque 70 000 armes nucléaires, un nombre maintenant réduit à « à peine » 7 000. Mais c’est la Corée du Nord qui représente une menace ?
Les USA possèdent 15 bases militaires en Corée du Sud (elle en a déjà compté pas moins de 54) bourrées de toutes sortes d’armes de destruction massive. Deux bases sont situées juste à la frontière avec la Corée du Nord, une troisième se trouvant à proximité. [1]
L’horreur causée par les USA pendant le conflit de trois ans sur un pays qui comptait alors à peine 9,6 millions d’âmes est encore bien présente dans la mémoire collective de la Corée du Nord. Le général étasunien Curtis Lemay avait par la suite déclaré ceci :
« Après avoir détruit 78 villes de la Corée du Nord et des milliers de villages, et tué un nombre incalculable de civils (…) Sur une période d’environ trois ans, nous avons tué, je dirais, 20 % de la population. »
« Nous croyons maintenant qu’au nord du 38e parallèle, la population de 8 à 9 millions d’habitants qui y vivait a été décimée de près du tiers durant les 37 mois de guerre "chaude" entre 1950 et 1953, ce qui constitue sans doute un pourcentage de mortalité sans précédent subi par un pays dû à la belligérance d’un autre. » [2]
Mise en contexte :
« Durant la Deuxième Guerre mondiale, le Royaume-Uni a perdu 0,94 % de sa population, la France 1,35 %, la Chine 1,89 % et les USA 0,32 %. Durant la guerre de Corée, la Corée du Nord a perdu 30 % de sa population. »
« Nous sommes allés là-bas faire la guerre, et fini par incendier chaque ville de la Corée du Nord, d’une façon ou d’une autre », s’est vanté Lemay.
Le général Douglas MacArthur a dit lors d’une audience au Congrès en 1951 qu’il n’avait jamais vu pareille dévastation.
« Je tressaille d’une horreur sans nom (…) devant ce massacre continuel d’hommes en Corée. J’y ai vu là, je crois, plus de sang et d’effroi que quiconque, ce qui m’a noué l’estomac la dernière fois que j’y étais. » (CNN, 28 juillet 2017)
Tout horrifié qu’il était, il a cependant omis de mentionner les femmes, les enfants et les bébés qui ont été incinérés du même coup.
En outre, comme Robert M. Neer l’écrivait dans Napalm, an American Biography :
« En janvier 1951, l’officier Townsend, qui était chargé des produits chimiques, a écrit que « pratiquement chaque avion de combat US survolant la Corée transportait au moins deux bombes au napalm ». Environ 21 000 gallons de napalm étaient déversés chaque jour sur la Corée en 1950. Quand les combats se sont intensifiés après l’intervention chinoise, cette quantité a plus que triplé (…), en tout, 32 357 tonnes de napalm sont tombées sur la Corée, soit environ le double de ce que le Japon a subi en 1945. Les alliés ont non seulement largué plus de bombes en Corée que dans le Pacifique pendant la Deuxième Guerre mondiale (635 000 tonnes contre 503 000 tonnes), mais la majorité d’entre elles contenait du napalm (…). »
Dans la capitale nord-coréenne, Pyongyang, on a rapporté que seulement deux immeubles restaient encore debout.