L’une des raisons pour lesquelles il est primordial que l’Afghanistan soit stable est d’éviter que des groupes jihadistes puissent se servir de ce pays comme base arrière pour lancer des opérations au Pakistan, doté de l’arme nucléaire.
La fiction est pleine d’histoires où une créature maléfique se retourne contre son maître. Aussi est-ce la risque que prend le Pakistan en soutenant les réseaux islamistes afghans, avec l’intention de placer ses pions après le départ de l’Otan afin de disposer d’une profondeur stratégique dans l’optique d’un conflit avec l’Inde.
Seulement, l’idéologie des jihadistes afghans est la même que celle défendue par al-Qaïda et les taliban pakistanais du TTP, lesquels sont responsables de la vague terroriste qui ensanglante le Pakistan depuis 2007. Autrement dit, tout ce beau monde s’entend bien et Islamabad joue ainsi un jeu très dangereux.
La crainte est donc de voir tomber aux mains des jihadistes des armes nucléaires pakistanaises. En avril 2010, le président Obama avait évoqué cette éventualité lors d’un sommet portant sur ces questions. « Des réseaux terroristes comme al-Qaïda essaient d’obtenir des matérieux nécessaires à l’élaboration d’une arme nucléaire » avait-il alors affirmé.
« Les islamistes ne cherchent pas seulement le pouvoir au Pakistan mais ils essaient aussi de mettre la main sur du matériel nucléaire » indiquait, par ailleurs un câble diplomatique américain diffusé par WikiLeaks. Et cette préoccupation est d’autant plus fondée que l’arsenal pakistanais aurait doublé, passant de 60 à plus de 100 têtes nucléaires, ce qui accroît encore le risque que l’une d’entre elles soient volée par une organisation terroriste.
Et même si en faire exploser une à New York ou à Bombay est plus facile à dire qu’à faire, car il faut la transporter, déjouer les contrôles et la mettre à feu, le pire n’est jamais impossible.
Jusqu’à présent, Islamabad a toujours fait valoir que son arsenal était en sécurité et que le risque était très limité. Mais dans un pays qui est l’épicentre du jihadisme et où l’antiaméricanisme sert de ciment, il est cependant permis d’en douter. Et d’en douter davantage encore si les informations publiées par The Atlantic et le National Journal, deux magazines américains, sont exactes.
Ainsi, après le raid des forces spéciales américaines contre Oussama Ben Laden, alors caché à Abbottabad, l’équivalent pakistanais du Saint-Cyr français, Islamabad a décidé de déplacer ses armes et ses composants nucléaires, jusque-là dispersés sur une quinzine de sites, afin d’éviter qu’elles ne soient la cible d’une opération des Etats-Unis visant à les subtiliser pour éviter, justement, qu’ils puissent tenter les islamistes.
Toujours d’après ces deux magazines, les hommes du Joint Special Operation Command (JSOC, le commandement des opérations spéciales américain) s’entraînent depuis des années à intervenir sur les sites pakistanais pour s’emparer des têtes nucléaires qu’ils abritent dans le cas où leur contrôle serait menacé.
Quoi qu’il en soit, la longue enquête réalisée en commun par The Atlantic et le National Journal révèle que les armes nucléaires pakistanaises ont été transportées vers des lieux inconnus par « des camionnettes de livraison sur les routes embouteillées et dangereuses du pays », afin de les dissimuler aux agences de renseignement américaines.
Cela étant, cette opération, supervisée par le général Khalid Kidwai, le directeur de la Division des plans stratégiques (DPS) en charge des armes nucléaires, aurait eu également pour but de soustraire ces dernières aux organisations terroristes, qui savaient parfaitement où elles étaient stockées étant donné que certaines d’entre elles ont mené, par le passé, des attaques visant des bases de la force de frappe pakistanaise.