Sur l’île grecque de Lesbos, des migrants affluent jour après jour, sous l’œil ébahi des locaux. Ces derniers craignent que, sans aide de l’Union européenne, les migrants dépassent en nombre la population et fassent fuir les touristes. Reportage.
En arrivant sur la plage idyllique du village de Molyvos, en Grèce, les migrants éclatent en sanglots, s’agenouillent pour embrasser le sol ou immortalisent cet instant à l’aide de selfies. Emportés par la joie d’avoir franchi la barrière de la mer et d’entrer enfin en Europe, certains d’entre eux ne savent pas qu’ils viennent de mettre les pieds sur l’île de Lesbos.
Les habitants des lieux, en revanche, n’ignorent rien des migrants. Depuis plusieurs mois, ils assistent au ballet des bateaux, des secouristes et, parfois, des morts. Depuis le début de l’année, ils sont plus de 200 000 à avoir foulé le sable de cette île qui jouxte les côtes turques. Rien que pour la journée de mercredi 23 septembre, plus de 2 500 d’entre eux, majoritairement des Syriens et des Afghans, sont arrivés, épuisés, sur les plages de Lesbos.
Ramenés à l’échelle de la population locale, ces chiffres sont impressionnants : le village touristique de Molyvos abrite 1 500 âmes en été, et 1 000 le reste de l’année. "Lorsque les touristes partiront, les migrants finiront par être plus nombreux que les locaux", alarme une habitante, Thanassis Andriotis.
"Nous sommes tous des réfugiés"
Face à cet afflux, la population de l’île est divisée. Certains, à l’image d’Aphrodite Mariolas et son mari Panayiotis, n’hésitent pas à prêter main forte. Sur la plage à l’extérieur de l’hôtel dont ils sont propriétaires, ce couple a aidé un nombre incalculable de personnes. "Nous leur donnons de l’eau, du pain, du fromage et des bananes, explique Aphrodite Mariolas. La plupart du temps, ils ne mangent pas ce qu’on leur donne car ils sont sous le choc. Certains sont dans un sale état, alors nous tentons de les mettre en relation avec des équipes médicales."
Pour la grande majorité des migrants, la région de Molyvos et ses plages prisées par les touristes, ne sont qu’une étape en attendant de pouvoir rejoindre Mytilène, la principale ville de Lesbos, où ils pourront s’enregistrer et prendre un bateau pour Athènes. Mais voilà, les bus pour rejoindre cette localité située à 67 kilomètres de Molyvos sont rares. En attendant de pouvoir repartir, de nombreux demandeurs d’asile se rassemblent jour et nuit sur le terrain de l’école locale.
"Nous ne pensions pas que tant de personnes arriveraient ici", s’étonne Niki, une maman de trois enfants venue d’Eftalou, un village proche. "Les militants [qui viennent en aide aux migrants, NDLR] pensent que les locaux ne veulent pas des réfugiés, mais ce n’est pas vrai", affirme-t-elle. "Nous avons accueilli des réfugiés ici pendant plus de 30 ans. Nous sommes tous des réfugiés d’Izmir ou d’Istanbul. La plupart d’entre nous savons ce que c’est que d’être un migrant et sommes compatissants."
Une île paradisiaque transformée en décharge
Niki, comme beaucoup de parents d’élèves, souhaite que les migrants quittent les environs de l’école. La fermeture temporaire de l’établissement a même été envisagée en raison d’éventuels risques sanitaires pour les enfants. Sur le terrain scolaire, les migrants dorment à même le sol, allongés sur la route, et font sécher leurs vêtements sur des clôtures. Ils ne disposent pas de toilettes et les installations sanitaires sont précaires.