Accusé de dizaines de viols sur mineurs en Asie, Jean-Christophe Q. a passé près de deux mois en cavale avant d’être arrêté à Besançon. Pour ceux qui luttent contre l’exploitation sexuelle des enfants, il représente l’exemple type du prédateur « itinérant », qui s’attaque à des proies fragiles dans des pays instables.
Le 4 février dans la soirée, une équipe de policiers thaïlandais fait irruption dans la chambre 806 de l’hôtel Rachada, un bloc anonyme de standing moyen, doté de discrets escaliers de service à l’arrière, dans un quartier populaire de Bangkok. Ils y trouvent Jean-Christophe Q., un professeur de français de 51 ans, avec deux enfants de 13 et 14 ans, dont l’un est à demi nu. Deux caméras, une grande sur pied en face du lit, une petite sur la tête de lit, des préservatifs, des plaquettes de Viagra générique. Sur l’ordinateur de l’homme, des centaines d’images pédopornographiques, viols et agressions réalisés par lui et par d’autres. « Le contenu des clips ne laisse aucun doute », estime le capitaine de police en charge de son interrogatoire au commissariat de Sutthisan.
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Jean-Christophe Q. incarne l’exemple type du « pédocriminel itinérant », un homme qui, afin de minimiser les risques pris en abusant d’enfants dans un environnement familier, voyage pour assouvir ses fantasmes. « Certains se déplacent ponctuellement pendant leurs vacances, d’autres cherchent à s’établir plus longuement, le plus souvent dans le milieu des ONG et des systèmes éducatifs », explique Marie-Laure Lemineur, directrice des programmes de l’association internationale Ecpat, qui lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants. Au cours des trois décennies qu’il a passées en Asie du Sud-Est, l’homme a enseigné le français à Penang en Malaisie, en Thaïlande, à Singapour… Il parlait assez bien plusieurs langues locales, se déplaçait dans la région lors de chacun de ses congés et quasiment tous les week-ends. Ses cibles : des garçons de 11 à 15 ans, abordés dans des lieux publics et avec lesquels il restait en contact entre deux séjours via les réseaux sociaux.
À Bangkok, ses victimes viennent du quartier de Huai Khwang, l’un des plus pauvres du centre-ville, où on voit encore des enfants sniffer de la colle dans les rues. Rencontré chez lui, au fond d’une ruelle insalubre, le petit Nong Pet, malingre, les bras et les jambes constellés de cicatrices, s’inquiète de savoir ce qui va arriver à son « ami J-C » qui est « généreux et s’occupe de nous ». Il recevait 25 euros pour une fellation subie, 50 si c’était lui qui s’exécutait. La première fois que Jean-Christophe Q. l’a fait monter dans sa chambre, il avait 11 ans. Puis, à la demande du Français, il a entraîné trois copains dans la combine. Déscolarisé, il raconte : « Mon père m’a tabassé et m’a interdit de sortir de la maison. »
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Les évolutions technologiques permettent aussi de nouvelles cruautés. L’amélioration de la qualité de connexion en Asie et l’effervescence des tchats vidéo (Skype, Facetime, WeChat…) ont abouti à l’émergence du phénomène d’abus par live-streaming : un échange vidéo entre un pédocriminel resté dans son pays d’origine et un intermédiaire sur place qui réalise ses fantasmes sur un enfant, parfois jusqu’au viol. Avec une infinité de scénarios possibles, il s’agit donc de « commanditer le viol d’un enfant depuis le confort de son canapé, à l’abri derrière son écran d’ordinateur », résume le commissaire français Yann Le Goff, basé à Singapour. L’intermédiaire est souvent une femme, parfois une mère. Les échanges sont en direct, cryptés, et il est difficile d’en avoir une preuve une fois la connexion coupée. Le live-streaming qui met en scène des mineurs explose, notamment aux Philippines, où participent des familles entières, parfois plusieurs par quartier.
« Il existe des petites communautés atomisées de pédocriminels qui échangent beaucoup d’informations sur les forums, explique Marie-Laure Lemineur. Comment approcher les enfants, s’assurer de leur silence, que faire en cas d’arrestation… Ce sont de véritables manuels. »
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Pour l’instant, le visionnage en direct d’un abus sexuel est considéré comme complicité de viol. Pour les policiers spécialisés, « il doit être jugé comme un viol ». La distance physique, culturelle, émotionnelle avec ces enfants de contrées lointaines permet de déshumaniser et de grimper dans l’horreur, comme l’a récemment démontré l’affaire Peter Scully aux Philippines. L’homme d’affaires australien de 56 ans réalisait des films « hurtcore », un marché de niche qui se spécialise dans la souffrance physique d’enfants très jeunes. Le film La Destruction de Daisy, qui montrait des tortures sexuelles extrêmes sur un bébé de 18 mois, était vendu sur les réseaux jusqu’à 10 000 dollars (9 000 euros).
Il faisait réaliser ces tortures par ses « petites amies », deux ados qui vivaient avec lui et qu’il violait régulièrement. Scully se procurait des enfants auprès de mères célibataires sur la promesse d’une bonne éducation pour leur progéniture. Au cours de ces tournages, une petite fille de 11 ans est morte sous les tortures. Son corps a été retrouvé près de la maison de l’Australien, les membres coupés : l’une des ados affirme qu’il a filmé l’assassinat mais la vidéo n’a jamais été retrouvée.
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Un enseignant français Yves-Marie Lepetit était arrêté en Thaïlande en 2015 :
Le magazine hebdomadaire de TF1 Sept à huit donne le nom de l’enseignant français arrêté en 2019 :