L’Arabie saoudite, qui s’est engagée à compenser les pertes de production libyenne de pétrole, a offert aux marchés un répit qui pourrait n’être que très temporaire alors que les opérateurs s’inquiètent d’une propagation des troubles à travers le Moyen-Orient.
Face à la flambée des prix du pétrole, grimpés à leur plus haut niveau depuis l’automne 2008, le conseil des ministres saoudien s’est engagé lundi à "assurer la stabilité du marché pétrolier" et à "maintenir l’approvisionnement" malgré la disparition des exportations libyennes.
Dans la foulée, le prix du Brent a perdu lundi 34 cents à Londres, tandis que son équivalent new-yorkais WTI se repliait de 91 cents. Un recul précaire, puisque les cours sont repartis à la hausse dès mardi, signe que l’optimisme des opérateurs sur les approvisionnements de brut restait fragile.
"L’augmentation de son offre par l’Arabie saoudite a assurément apporté un peu de baume au coeur au marché, lui donnant l’occasion de reprendre son souffle, au moins momentanément", a expliqué à l’AFP Myrto Sokou, analyste du courtier londonien Sucden Financial.
Selon la société viennoise JBC Energy, le premier exportateur mondial a augmenté sa production de 200.000 barils par jour par rapport à janvier, et produirait donc actuellement plus de 9 millions de barils par jour (mbj).
Un rapide retour à la normale des infrastructures libyennes, aujourd’hui largement aux mains des insurgés, paraît improbable, selon le cabinet londonien IHS, pour qui la baisse de l’offre du pays représente entre 800.000 et 1,2 million de barils par jour (environ 1% de la consommation mondiale).
Et malgré les engagements de Ryad, les tensions persistantes au Moyen-Orient continuent d’alimenter l’inquiétude générale, avec de forts mouvements de contestation en Iran, au Yémen, à Oman, à Bahreïn... aux portes du royaume saoudien lui-même.
"Tout le monde redoute désormais une escalade des violences dans la région, y compris et surtout en Arabie saoudite. Des tensions qui pourraient aisément propulser les prix vers les 150 dollars le baril", explique Myrto Sokou.
Confrontée à la pression des pays consommateurs, "l’Arabie saoudite se comporte comme une banque centrale du pétrole. A la différence près que, contrairement à la Réserve fédérale américaine, sa capacité de faire tourner la planche à billets n’est pas illimitée...", avertit pour sa part David Hufton, du courtier PVM.
Pour le pétrole, les alternatives sont peu nombreuses : les grands producteurs hors-Opep, telle la Russie - premier producteur mondial de brut, avec 12% de l’offre planétaire -, fonctionnent déjà à pleine capacité.
Parmi les membres de l’Opep gardant des capacités de production non utilisées, l’Arabie Saoudite domine largement, avec une capacité excédentaire de plus de 3,5 mbj, loin devant les Emirats arabes unis (330.000 barils/jour), selon l’Agence internationale de l’Energie.
Or, avec la hause de sa production, "les capacités non utilisées de l’Arabie saoudite s’en trouvent d’autant entamées", rendant donc le marché plus vulnérables à de nouvelles crises et renforçant d’autant la nervosité des investisseurs, relève M. Hufton.
Par ailleurs, le brut libyen le plus exporté est un "light sweed", très léger, c’est-à-dire peu chargé en soufre et donc plus facile et rentable à raffiner. Or, soulignent les experts, il n’est pas certain que l’Arabie saoudite puisse fournir autant de brut d’une telle qualité.
Saudi Aramco, la compagnie nationale saoudienne "a indiqué lundi que +tous les besoins supplémentaires de ses clients avaient été satisfaits+", rapporte Harry Tchilinguirian, de BNP Paribas.
Mais selon lui, "il faut que cette hausse de la production soit confirmée" et chiffrée, pour savoir quelle part "compense effectivement les arrêts de production en Libye", tant en quantité qu’en qualité.