C’est durant la Seconde Guerre mondiale qu’une idée, aussi brune que les autres, monte à la tête des nazis : instrumentaliser les communautés des États « musulmans » de l’URSS afin que ces derniers, Tchétchènes, Kazakhs, Ouzbeks, tirent dans le dos des Soviétiques. Ian Johnson, un journaliste américain récompensé par un Prix Pulitzer, a pioché dans des milliers de documents pour découvrir cette vérité scellée d’une croix gammée. Lumière d’histoire sombre qu’il a révélée dans un livre, Une mosquée à Munich. Les nazis, la CIA et la montée des Frères musulmans en Occident, ouvrage publié chez JC Lattès. Dix années plus tard, une aussi bonne idée ne peut que séduire les Américains qui cajolent les Frères Musulmans comme des amis rares, et utiles. En juillet 1953, la photo est sur Internet, on peut voir une délégation des « Frères » au côté de Dwight Eisenhower, l’US président. Le document comporte même un bonus, la présence de Saïd, le fils de Hassan al-Banna le fondateur de la secte musulmane. Un personnage, agent de la CIA, qui est aussi le père de Tarik Ramadan.
La reprise, par Washington, de cette idée née sous le IIIe Reich, a deux objectifs, utiliser les musulmans pour abattre l’URSS et fournir des gouvernants convenables pour mettre à la tête des pays Arabes, puisque les États-Unis dont le sceau est « In god we trust », sont convaincus que ces « Frères » seront d’indéfectibles amis. En effet, tous les leaders laïques du Moyen et Proche-Orient sont combattus, diffamés, encerclés, assassinés. En pays musulmans Washington combat les Lumières. Mossadegh, Premier ministre iranien qui tente d’instaurer la démocratie et l’indépendance face aux empires coloniaux, en matière de pétrole par exemple, est renversé en août 1953 par un coup d’état américain qui réinstalle le Shah pour le remplacer en 1979 par le si religieux – et supposé bon partenaire – l’imam Khomeiny. Nasser, le président égyptien restera un cauchemar constant pour les anglo-américains, lui qui combattait les Frères Musulmans et refusait de voiler les femmes de son pays [1]. Un à un, tous ceux qui refusent la gouvernance sous le parapluie d’Allah disparaissent. Kadhafi sera le dernier à être détrôné, faute pour l’Occident d’avoir avoir eu la peau de Bachar al-Assad.
Si les assassinats politiques sont une première arme, la seconde est strictement militaire puisqu’elle mobilise, dans toute la Oumma, des hommes prêts au djihad contre les infidèles et les mécréants. L’offensive commence en Afghanistan, c’est-à-dire aux marches de l’URSS. Le plan américain utilise toutes les forces, tribus et milices, capables de mettre à bas le régime, qualifié de « communiste », qui gouverne à Kaboul. Washington va choisir et former les pires moudjahidines, fous du Prophète (affirment-ils) pour atteindre leur but. L’horreur est programmée dans ce qu’elle connait de pire : assassinat, torture, viol, famine organisée, déplacement de population. Oussama Ben Laden est déjà le chef des « croyants », un patron de guerre riche (il est très fortuné et a le soutien de son pays l’Arabie saoudite). Pour Washington et la presse US, Oussama est un héros, un vaillant qui mérite la collection complète de la Distinghished Service Cross. Son groupe de « résistants » porte déjà un nom qui deviendra célèbre : « al Qaïda », « La Base ». Le rêve étatsunien va mettre dix ans à se réaliser, usée par cette guerre afghane l’URSS disparait en 1989 [2].
Les tanks-penseurs de Washington savent très bien que, même si l’œil de Moscou s’est fermé, de tels alliés islamistes sont trop utiles pour être « démobilisés ». L’Amérique feint de croire qu’elle a fait naître et entretenu des combattants de la démocratie, des « freedom fighters », selon Donald Reagan. L’URSS disparue, la première cible désignée aux djihadistes par l’impérialisme US, à l’islam radical au wahhabisme ou salafisme, c’est l’Algérie. Pour les enfants perdus de la Révolution algérienne, ceux qui se sont engagés dans la guerre afghane, sans qu’Alger ne les en empêche, c’est le moment du retour au pays. Ils y reviennent avec une consigne dans leurs valises : transformer l’Algérie Démocratique et Populaire en une République islamique. Vont naitre alors le GIA, le Groupe Islamique Armé qui, avec ses 20 000 hommes, est une métastase de « al Qaïda », et d’autres groupes moins connus, tous barbares et défenseurs du rêve exporté de l’Amérique.
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