Le débat sur le projet de loi Fioraso arrive à l’Assemblée. Alors qu’une partie de la majorité s’y oppose, Libération a pris partie de manière bruyante sur le sujet en publiant une une en anglais, illustrant tout ce que les opposants au projet craignent avec ce projet.
Un Munich linguistique
Projetons-nous dans quelques décennies. Et si 2013 n’était que la première étape vers une disparation du français ? Car non seulement le gouvernement veut libéraliser l’utilisation de l’anglais à l’Université, mais il promeut l’utilisation des langues régionales par la voix de Vincent Peillon, organisant donc une double attaque contre le français. Il n’est pas très compliqué d’imaginer ce que seront les prochaines étapes de cet abandon de notre langue pour promouvoir l’anglais.
Dans quelques années, on nous expliquera que, comme en Allemagne, pour que notre recherche soit compétitive, il faut publier seulement en anglais. Du coup, mieux vaudrait alors abandonner purement et simplement notre langue dans l’enseignement supérieur pour que nos chercheurs prennent l’habitude de l’anglais. Puis, pour que nos étudiants soient compétitifs en anglais, on commencera à enseigner cette langue au lycée. Sur plusieurs décennies, on peut imaginer un mouvement qui verrait l’anglais remplacer lentement mais sûrement le français à l’école, compétitivité oblige.
Puis, nos cinéastes pourraient également tourner de plus en plus souvent nos films en anglais, meilleur moyen pour les exporter. Devant la progression du niveau, nos médias nationaux pourraient alors passer progressivement à l’anglais, de manière à s’adresser à une plus large audience à l’international, seuls les médias régionaux conservant alors le français, à moins que les langues régionales l’y remplacent alors... Et les multinationales, qui ne demandent rien de mieux que de limiter leurs coûts et simplifier leur logistique, seront alors ravies de pouvoir communiquer en anglais…
L’internationalisme des imbéciles
Bien sûr, une telle évolution ne se fera pas en quelques années, mais c’est la logique qu’il y a derrière ce projet. Heureusement qu’une partie de la majorité s’y oppose et le fait savoir. Sans cela, il y a fort à parier que l’assouplissement de la loi Toubon aurait été une formalité pour le gouvernement. Et heureusement également que certains partisans du projet montrent également la logique du projet. Car la une de Libération en anglais, « Teaching in English : let’s do it ! » a de quoi faire réfléchir en projetant ce que pourrait être notre pays dans quelques décennies en suivant cette logique.
Ce projet Fioraso est dans la droite lignée de celui de l’équipe actuellement au pouvoir : notre pays doit s’adapter à la mondialisation. Passons sur le fait que cela est totalement suicidaire d’un point de vue économique en sachant que dans certains pays, le salaire minimum mensuel est inférieur à 50 euros. Mais si l’on pousse cette logique au niveau linguistique, il est difficile de ne pas comprendre que cela permettra à l’anglais de grignoter de l’influence au détriment du français.
Bien sûr, les grandes écoles enseignent déjà en anglais, mais ce n’est pas une raison pour étendre cela. Pourquoi, au contraire, ne pas rendre plus sévère la loi Toubon en faisant reculer l’anglais dans la publicité (utilisé de manière souvent totalement contre-productive) ou mieux en encadrer l’usage dans les grandes écoles. Dans l’enseignement (seulement), je pense néanmoins qu’il doit être possible d’enseigner dans d’autres langues, mais que la proportion doit être raisonnable.
Il est difficile de ne pas voir ici à l’œuvre, cet internationalisme hors sol et fasciné par les États-Unis qui n’est que le masque d’un rejet, voir d’une haine de la nation. Pourtant, la nation, c’est notre identité, c’est notre famille, c’est la solidarité. Des notions sans doute ringardes pour cette gauche hors sol et mondialisée, comme le souligne Pouria Amirarshari, le député socialiste qui mène la fronde.