Alors que son mandat de maire de Paris arrive à terme, l’heure est au bilan pour Bertrand Delanoë. Ce communicant symbolise à lui seul ce qu’il est devenu commun d’appeler les « bobos », soit cette gauche libérale-libertaire éloignée des préoccupations populaires. Pionnier du « coming out » en politique, ayant fait de son homosexualité un étendard, cet oiseau de nuit féru d’art contemporain se définit comme « manager » et revendique ses compétences de gestion. Ainsi répète-t-il sans cesse : « Si l’argent public est gaspillé, ce sont les plus modestes qui en pâtissent les premiers. » Pourtant Paris plage, les Vélib’ et la Nuit blanche ne sont que des paillettes qui cachent une approche communautaire de la population, et surtout une certaine folie des grandeurs qui a fait de Paris un chantier permanent. Retour sur le parcours du « Petit Chose », devenu « Bébert, roi du monde »…
Delanoë, un enfant de la colonisation française
Bertrand Delanoë est un publicitaire, né le 30 mai 1950 à Tunis (Tunisie sous protectorat français). Il est petit-fils de marins et le fils d’un géomètre, Auguste Delanoë, homme de droite athée, et d’Yvonne Delord, infirmière catholique très pieuse. L’une des sœurs de Delanoë sera d’ailleurs religieuse à Rodez.
Delanoë a passé les quatorze premières années de sa vie en Tunisie, à Bizerte, où il a suivit son collège à l’institution Sainte-Marie. Il y retournera régulièrement à partir de 1986, après son échec aux législatives. Cet « amoureux fou de la Tunisie » expliquait en 2008 à Tunisie Plus, journal diffusé par Le Figaro et vitrine officielle du régime Ben Ali :
« Tunisien de cœur j’aime aussi beaucoup l’Algérie et le Maroc. D’ailleurs quand je me rends dans leur pays, le président Bouteflika ou le roi Mohamed VI, me disent toujours en souriant : “Au lieu de dire que vous êtes Tunisien, dites que vous êtes maghrébin…”. Je le fais volontiers car j’ai vraiment beaucoup d’attachement pour les autres pays du Maghreb. Simplement, la Tunisie a une douceur et une finesse très particulières. […] Il y a une magie culturelle, intellectuelle, spirituelle qui passe par la Tunisie. Ainsi l’identité juive est-elle extrêmement forte dans l’histoire de cette nation, y compris aujourd’hui. C’est un pays musulman dont le président, chaque année dans la presse, présente ses vœux aux juifs au moment des fêtes. »
Il s’est fait construire une villa à Bizerte (achevée à l’été 2007), où défile l’élite tunisienne : ministres de Ben Ali, RCDistes ou encore le président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme. À Pâques 2011, Delanoë y invitera la « bande du XVIIIème » au sein de laquelle figurent ses vieux amis Daniel Vaillant et Lionel Jospin. Pour l’occasion, le Premier ministre tunisien Béji Caïd Essebsi passera dîner.
En réalité, Delanoë entretenait des relations ambigües avec le régime de Ben Ali. En effet ce dernier ne voulait plus le voir depuis 2001, et quand Delanoë lui proposera de prendre la nationalité tunisienne, il se verra opposer une fin de non-recevoir. Il n’en a pas moins gardé de bonnes relations avec Abdelaziz Ben Dhia (qui sera mis en prison après la révolution tunisienne et dont Delanoë ira prendre des nouvelles), un des très proches du Président. Ainsi a-t-il droit par exemple à une voiture avec chauffeur à sa sortie de l’avion, qui l’emmène directement à Bizerte.
Il se fait de temps à autre le porte-parole d’opposants tunisiens, mais suite à un communiqué de soutien au journaliste Taoufik Ben Brik (novembre 2009), Ben Ali exigera que les maires tunisiens quittent l’Association internationale des maires francophone (AIMF) que préside Delanoë. Il devient alors personna non grata en Tunisie : « Je suis resté 9 mois sans aller en Tunisie. Puis des amis m’ont demandé de faire un geste » (Rapporté par Mathieu Magnaudeix, Lénaïg Bredoux dans Tunis Connection : enquête sur les réseaux franco-tunisiens sous Ben Ali, Seuil, 2012).
Pour se racheter une conduite, il transmet à l’agence de presse tunisienne, le 24 mars 2010, une déclaration :
« La Tunisie est un pays qui a vraiment enregistré des résultats remarquables sur le plan économique et social, notamment depuis que le président Ben Ali a pu, à partir de 1987, entamer un certain nombre de réformes. C’est un pays innovant […] qui porte un drapeau qui s’appelle tolérance, fraternité et ouverture aux autres. »
Fin 2010, alors que la Tunisie s’embrase, Delanoë y passe les fêtes et tente de conseiller la présidence. Ben Ali sur le départ, Delanoë cherche alors à se raccrocher à la révolution. C’est comme cela qu’il faut comprendre son intervention sur France 2 (14 janvier) :
Ainsi, depuis le 14 janvier 2011, il a inauguré une place Mohamed Bouazizi, soutenu la candidature du peuple tunisien pour le prix Nobel de la paix et accueilli le Village du Jasmin pour soutenir le tourisme. En novembre 2012, il se rend en voyage officiel, où il rencontrera les dirigeants de la troïka gouvernementale issue de la révolution et participera, en tant que maire de Paris, aux assises de coopération décentralisée tuniso-française. Il assurait sans rire, lors de l’inauguration de la place du 8-Février-1962, dans le XIème arrondissement, en février 2007 :
« Non, la colonisation n’était pas positive. La colonisation ne peut pas être un fait positif. »
Un provincial à Paris
Lorsqu’elle rejoint la métropole pour raisons professionnelles, en 1964, la famille Delanoë se sépare. Le père s’installe à Auch, la mère et les enfants à Rodez. Passé par l’Institution Sainte-Marie de Rodez puis la faculté de droit de Toulouse, Delanoë n’a pour tout bagage qu’un DESS d’économie politique. Il sera cadre dans une entreprise chimique, Bitumes spéciaux, à Paris, mais, très vite, se tournera vers la politique, n’exerçant que médiocrement une activité professionnelle secondaire de conseil en communication.
Rallié très jeune au Parti socialiste, il devient secrétaire de la fédération de l’Aveyron dès 1973, alors qu’il n’a que 23 ans, raflant le département aux molletistes. Flamboyant à l’époque, il décide de tenter sa chance à Paris, montant dans la capitale après avoir été repéré par Maurice Benassayag, pour y devenir le collaborateur de Louis Mermaz aux entreprises. Partisan d’une stricte ligne mitterrandienne, il s’emploiera à éliminer petit à petit les factions qui lui étaient opposées, du Cerès aux mauroyistes, en passant par les rocardiens. Fantasque, brillant, il pousse alors des colères homériques, mais réussira à prendre le contrôle de la capitale aux chevénementistes.
Conseiller de Paris depuis 1977 et premier secrétaire adjoint de la fédération socialiste de la capitale (ainsi que secrétaire national adjoint en charge de la presse au sein du PS), il s’est incrusté dans la capitale, fonctionnant dès lors dans l’ombre de Lionel Jospin dans le XVIIIe arrondissement, où il avait été parachuté par François Mitterrand. Avec Daniel Vaillant et quelques autres, il formera ce que l’on a coutume d’appeler la « bande du XVIIIe », qui fonctionnera longtemps comme la garde rapprochée de Lionel Jospin.
À seulement 31 ans, il sera élu, à la faveur de la « vague rose », député de la 26e circonscription de Paris (Paris XIIIe), face au gaulliste Joël Le Tac… qui avait pourtant opté en faveur de François Mitterrand entre les deux tours des élections présidentielles. Certains se souviennent encore comment François Mitterrand, souhaitant – déjà machiavélique – la réélection de Le Tac pour disposer d’une ouverture à droite, avait fait désigner Delanoë, considéré comme l’un des socialistes les plus falots, afin de donner les meilleures chances possibles au gaulliste rallié. Las, les électeurs de droite, excédés par la volte-face de Le Tac, ne se déplacèrent pas (34 % d’abstention) et le « Petit Chose » fut élu à la surprise générale.
Flambeur, flambard, ce symbole de la « politique-paillettes » se veut prince de la nuit. Ancien Petit Chanteur à la croix de bois, il est l’ami de Dalida, de Cyril Collard ou de Pascal Sevran. Pour ses 40 ans, il organisera une « méga-soirée » près de l’Olympia. Il est aussi l’un des plus fidèles soutiens de NRJ pour l’obtention de ses fréquences – une radio pour laquelle il travaillera.
Au palais Bourbon, il prend la présidence du groupe d’amitié France-Égypte, mais aussi une vice-présidence du groupe d’amitié France-Israël, ayant toujours su jouer du soutien de la communauté juive, très influente à Paris. Il devait également présider l’intergroupe parlementaire des députés membres de la Ligue des droits de l’homme et a rejoint, en 1985, le Grand Orient de France.
Il entre à la loge L’Effort, avec pour parrain le responsable socialiste Roger Fajardie, qui décède au moment même de son initiation (il aura donc deux parrains, le chanteur Jean Guidoni et le socialiste mitterrandien Jean-Marie Le Guen). Il n’en serait demeuré membre que deux ans sans toutefois jamais rompre les liens (sur sa « parenthèse franc-maçonne », cf. la biographie de Philippe Martinat). En septembre 2003, il interviendra encore au 16, rue cadet pour le 275ème anniversaire de la maçonnerie française avant de plancher, le 7 octobre 2003, sur « Paris ma bonne ville » pour la loge « Maximilien l’incorruptible ». Dans le cadre de la campagne de sa réélection, il sera reçu par Dialogue et démocratie française (D&DF), sorte de carrefour des obédiences de la franc-maçonnerie, le 12 février 2008 au Cercle républicain. Le 19 novembre 2011, il sera l’invité au Grand Orient de France par la loge L’Europe maçonnique dans le cadre d’une tenue blanche fermée sur le sujet « La Ville au XXIème siècle sera-t-elle durable ou ne sera-t-elle pas ? »
Le mal-aimé du Parti socialiste
Élu, ses camarades profitent déjà de ses mœurs (ce n’était pas encore très à la mode), pour l’éliminer soigneusement tant de la direction des municipales de 1983 que des places éligibles (notamment en 1986, avec les élections législatives au scrutin proportionnel) : il lui faudra attendre 1993 pour prendre la présidence du groupe socialiste au Conseil de Paris, et ce, uniquement grâce au départ de Georges Sarre au Mouvement des citoyens, et au soutien du patron de la fédération de Paris, Jean-Marie Le Guen. Comme tant d’autres, il tentera alors de s’implanter en province, cherchant vainement un prompt retour, sinon dans son pays natal, du moins dans la région de Rodez, puis en Avignon. Coup sur coup, il essuiera les refus cinglants des sections socialistes locales. Alors même qu’il était considéré comme le n° 3 du PS à 33 ans, en charge de la campagne législative de mars 1986, il ne devra donc pas obtenir de place sur une quelconque liste. Il démissionnera donc de ses fonctions en novembre 1985. Au congrès de Toulouse, il est hué par les militants.
On notera que son élimination fut d’autant plus difficile que son frère, Jean-Yves Delanoë, devait défrayer la chronique judiciaire comme co-dirigeant de l’Internationale cotonnière de Fougères, qui fit une faillite aussi retentissante que frauduleuse en 1985 (cf. La Gazette du Palais, 22 mars 1987).
Il se contentera donc de continuer à servir d’apparatchik au sein du PS : membre du comité directeur sans interruption depuis 1979, secrétaire national et porte-parole du PS de 1981 à 1983, secrétaire national aux fédérations de 1983 à 1985, puis membre du bureau exécutif de 1983 à 1987. Mis dans un placard au Parti socialiste, il passe des soirées avec ses amis du monde du spectacle. Gaston Defferre, « le seul qui m’ait compris », lui organisera des rencontres avec Jean-Luc Lagardère et Marcel Bleustein-Blanchet, qui lui proposeront de se recycler comme le raconte Le Figaro du 8 août 2009.
Un apparatchik reconverti dans la com’
Il bifurque finalement vers la communication et travaille avec Daniel Robert, de l’agence Robert & Partner, décrochant nombre de contrats grâce à son carnet d’adresses. Vaches grasses financières, vaches maigres politiques : on le verra beaucoup à Saint-Barthélemy. Il achète le Phèdra, sur lequel il mène une vie de nabab et donne des fêtes somptueuses, une période de sa vie qu’il n’aime pas évoquer (cf. Bertrand Delanoë, la face cachée, Patrick Rigoulet, Ed. Alphée).
Il lui faudra ensuite attendre encore dix ans pour retourner, en 1997, à la direction du PS. C’est dire si la traversée du désert aura été dure. Ce retour, il ne va l’effectuer que grâce à Paris, attendant son heure et se livrant à un important travail de terrain. Ce n’est qu’en janvier 1986 qu’il siègera enfin au Conseil de Paris, à la suite de la démission de son ami Lionel Jospin, qui s’était décidé à lui céder quelques rogatons en démissionnant pour s’implanter à Toulouse. Delanoë se trouvait en effet jusqu’alors en position non-éligible à la suite du naufrage électoral de la gauche à Paris en mars 1983.
En parallèle, après des petits travaux dans la publicité, il se faisait engager par Alain Gomez au sein du groupe Thomson, au service communication. Il s’occupera du journal de liaison des « jospiniens », Idées-Forces. En 1988, il sera candidat dans le XVIIIe arrondissement de Paris (18e circonscription) face à Alain Juppé, ce qui ne lui laissait guère de chances, même s’il avait pris pour suppléant Roger Cochinal, ancien patron des policiers en tenue du XVIIIe.
Président du groupe PS à partir de 1993, un poste qui n’intéresse absolument personne (ce qui explique son élection), il pratique la politique de la chaise vide ou presque : absences répétées, jamais d’intervention. Ce n’est qu’en septembre 1995 qu’elle prendra fin grâce à une place de sénateur, acquise difficilement, après une bonne campagne municipale quelques mois auparavant, où la gauche avait quand même gagné pour la première fois six arrondissements.
La résistible ascension de Bertrand Delanoë
« Delanoë et Paris, c’est comme Michel Blanc et les femmes dans le film Les Bronzés : sur un malentendu, ça peut marcher ! »
(Un responsable du parti socialiste parisien, rapporté par Le Point du 27 octobre 2000)« Célibataire, homosexuel, noctambule, à la fois droit-de-l’hommiste et individualiste, puisque très attaché à la liberté personnelle, Bertrand Delanoë cumule tous les critères du bourgeois-bohème parisien. »
(Le Figaro du 5 mai 2005)
A la faveur de l’évolution des mœurs, ce familier du Centre gay et lesbien et des Gay Pride dévoilera son homosexualité au cours de l’émission Zone interdite en 1998. Sujet pour lequel il avait fait condamner Minute dans les années 1980 à 50 000 francs d’amende pour « un article diffamatoire et portant atteinte à la vie privée ». Cette première dans le « outing » sera modérément appréciée de ses collègues, Roger Madec, Christophe Caresche ou Jean-Marie Le Guen affichant leur « scepticisme », même s’il s’acquiert dès lors quelques dizaines de milliers de suffrages.
En mars 2001, il remporte la mairie de Paris, ayant obtenu 42,66 % au premier tour, puis 51,14 % au second face à une droite désunie. Marianne écrivait en mars 2001 à propos de David Missika, avec qui il est lié de longue date au Parti socialiste et qui a participé à la stratégie de la campagne pour la mairie de Paris en 2001 :
« Il piste la montée en puissance des bobos, ces bourgeois-bohèmes, sa tribu rebutée par le conservatisme de la droite traditionnelle. Dans les magasins design des arrondissements du centre, il anticipe la fin du bouticard, pilier électoral de la droite. »
C’est ainsi que Delanoë prendra la tête de la mairie de Paris, dont le budget annuel est de 7,4 milliards d’euros.
L’« effet Delanoë » jouera à plein aux élections législatives de 2002, la gauche obtenant douze députés dans la capitale. Depuis lors, face à une droite tétanisée et divisée, il a conduit une politique socialiste, d’abord discrète puis beaucoup plus marquée, truffant son administration de personnalités venues du Parti socialiste. Sans être lui-même candidat, il a très largement fait campagne pour Jean-Paul Huchon lors des élections régionales de mars 2004, sa photo figurant sur la plupart des affiches. En mai 2004, il est élu à la présidence de la nouvelle organisation mondiale des Cités et gouvernements locaux unis (qui regroupe l’Union internationale des autorités locales, la Fédération mondiale des cités unies et Métropolis) et organise en octobre 2004 le premier congrès du CGLU (Communautés et gouvernements locaux unis), une institution reconnue par l’ONU et qu’il copréside. Cette année-là, il signe La Vie passionnément (Laffont), où il raconte ses souvenirs intimes, ses débuts en politique et expose son programme de modernisation de la démocratie…
Le Vélib’ (2007) sera le vrai succès de son premier mandat. Dans Bertrand le magnifique. Enquête au cœur du système Delanoë (Flammarion, 2008), Yvan Stefanovitch raconte les dessous de l’affaire :
« En vérité, l’actuel maire s’est fait rouler dans la farine par son ami Jean-Claude. Tout à fait légalement. Financièrement notamment. En effet le groupe JCDecaux ne tire pas un mince profit de ce mariage vélo-pub. Pour les dix ans (2007-2017) de cette union, l’entreprise annonce une recette publicitaire minimum de 569 millions d’euros. Ce qui représente un manque à gagner pour la ville de 56,9 millions d’euros annuels. De son chiffre d’affaire publicitaire, JCDecaux retire une redevance totale de 35 millions d’euros (versée par la ville) pour l’utilisation des panneaux de pub, le coût d’investissement et de fonctionnement des Vélib’, soit 504 millions d’euros. Ces deux soustractions faites, il reste à Jean-Claude Decaux un bénéfice net minimum de 30 millions d’euros sur dix ans soit 3 millions d’euros par an. Bertrand Delanoë s’est bien gardé de publier un comparatif sur ce qu’aurait rapporté à la ville les deux activités Vélib’ et publicité si elles avaient été confiées à deux groupes privés différents […]. Chevalier blanc de la transparence, notamment en matière de marché publics, le futur maire socialiste de Paris a bâti son image d’honnête homme en dénonçant les pratiques chiraquiennes qu’il contribue pourtant aujourd’hui d’une certaine manière à faire perdurer. »
La mairie de Paris, un tremplin vers la présidentielle ?
Ce supporter du Stade français, le club de son ami Max Guazzini, voit en la mairie de Paris un formidable tremplin pour la présidentielle. Par son assiduité au stade Jean Bouin, il fréquente Serge Kampf, Pascal Nègre ou encore Claude Bébéar, le parrain du patronat français, qui deviendront des « quasi-intimes » (L’Express du 24 janvier 2008). L’apparente réussite du Vélib’ ne fera pas oublier le revers cinglant que fut l’échec de la candidature de Paris pour l’organisation des JO 2012, qui marquera l’été 2005 (son ami Arnaud Lagardère avait créé un club d’entrepreneurs privés capable de mettre 30 millions d’euros sur la table pour soutenir la candidature de Paris, ce qui, plus tard, mettra Delanoë en porte-à-faux avec le président du Racing Club de France Xavier de La Courtie lors de l’attribution du renouvèlement de la convention d’occupation domaniale du site de la Croix-Catelan, cf. Le Point du 30 mars 2006). Il avait tout misé sur cet événement, qui l’aurait propulsé en vue de la présidentielle de 2007. Pire, c’est la personnalisation à outrance par Delanoë qui sera la cause de l’échec de la candidature de Paris. Il avait défendu la candidature de la ville le 6 juillet 2005 à Singapour, avant de rentrer à Paris dans l’avion privé d’Arnaud Lagardère, laissant à Singapour Jean-Paul Huchon, Jean-François Lamour et les sportifs. Mauvais perdant, il accusera Londres (alors en proie à des attentats) de ne pas avoir respecté les règles du CIO. Ayant également soutenu sans succès la candidature des Gay Games 2010 (attribués à Cologne), sa persévérance paiera puisque Paris organisera finalement les Gay Games 2018.
Éliminé de la course à la présidentielle, il votera donc blanc aux primaires socialiste, tout en lorgnant sur la présidentielle de 2012. Il est un des premiers à se prononcer en faveur du mini-traité européen, soigne sa « stature internationale » avec la réception de Bill Clinton à la mairie de Paris, tout en affichant une distance de façade avec la politique de Nicolas Sarközy en signant l’appel pour une « vigilance républicaine » paru dans Marianne en février 2008.
Le 9 mars 2008, au soir du premier tour des élections municipales, les listes soutenues par Bertrand Delanoë arrivent en tête avec 41,6 % des voix et le 16 mars suivant, les listes de gauche sortent victorieuses du second tour (57,7 %). Ainsi annonce-t-il, en mai 2008, sa candidature au poste de premier secrétaire du Parti socialiste en vue du congrès de Reims, prévu en novembre de la même année. À cette occasion, il publie un livre d’entretiens avec Laurent Joffrin, intitulé De l’audace, dans lequel il s’affirme « libéral et socialiste », avec l’espoir de contrer Ségolène Royal. Fort de son succès aux municipales, il est donné favori par les sondages en vue du congrès de Reims. Mais la motion qu’il signe ne recueille que 25,24 % des voix le 16 novembre 2008, le « tout sauf Royal », s’étant transformé entretemps en « tout sauf Delanoë » au sein du PS. Même les militants parisiens ne lui auront accordé que 36 % des suffrages. Il renonce donc à déposer sa candidature pour le poste de premier secrétaire du PS et apporte son soutien à Martine Aubry.
Une gestion communautariste
Les deux mandats de Delanoë s’effectueront sous le signe du communautarisme, un communautarisme à géométrie variable. Gays, juifs, musulmans, Antillais, tout le monde sera servi… mais dans des proportions tout à fait différentes. Yvan Stefanovitch résume :
« Au hit parade des subventions, aussi bien en volume qu’en nombre d’association bénéficiaires, les organisations se revendiquant officiellement comme juives ou proches de l’État d’Israël sont maillot jaune (1 671 015 euros), loin devant leurs sœurs catholiques (771 500 euros), et les associations protestantes ou musulmanes réduites à la portion congrue. »
(Bertrand le magnifique, Flammarion 2008)
Membre du comité d’honneur de la LICRA, il s’était rendu à la soirée d’inauguration de ses nouveaux locaux, 42 rue du Louvre, le 6 juin 2000, où étaient également présents Patrick Gaubert, Pierre Moscovici, Jean Tiberi, Jean Kahn (alors président du Consistoire central), Jean-Pierre Pierre-Bloch… Dès juin 2005, il ouvre le premier festival des cultures juives par l’inauguration d’une place Bernard Lazare (IIème arrondissement). Tous les ans, il se rend au centre communautaire pour adresser ses vœux à la communauté juive. Obséquieux à l’excès, il déclare :
« Vous savez que je ne suis pas juif mais je me sens tellement proche de votre famille… »
(Rapporté par Actualité juive du 28 septembre 2006).
Bertrand Delanoë au Centre communautaire de Paris le 2 septembre 2013 :
En 2005, il a, par exemple, financé à hauteur de 424 842 euros les crèches du mouvement ultra-orthodoxe juif des loubavitchs, et la mairie de Paris subventionne l’association des parents d’élèves de l’école juive Lucien-de-Hirsch. En octobre 2006, une subvention de 300 000 euros, avec, en plus, 200 000 euros annuels pour les frais de fonctionnement, est attribuée dans le cadre d’un partenariat entre la mairie de Paris et le Service de protection de la communauté juive (SPCJ), présidé par Éric de Rothschild.
Au Conseil de Paris des 8-9 février 2010, il propose le vote d’une somme de 310 000 euros pour la restauration d’une des 22 baraques en bois du camp d’Auschwitz-Birkenau :
« Il est [...] essentiel de servir la vérité en préservant la trace de l’indicible comme témoignage à destination des jeunes générations. »
(AFP, 1er février 2010).
L’aide sera adoptée à l’unanimité par le conseil municipal, qui avait déjà voté à l’unanimité en janvier 2006 le projet de donner le nom de Simon Wiesenthal à un bâtiment éducatif de la capitale. Une réunion du Conseil de Paris fut même décalée d’un jour en septembre 2009 en raison de la fête de Yom Kippour.
Dans l’affaire Dieudonné, il écrira personnellement à Actualité juive :
« J’ai veillé à adresser un courrier au préfet de police l’alertant sur une nouvelle représentation de Dieudonné, au Théâtre de la Main d’Or, et sur les risques de trouble à l’ordre public qu’elle pourrait générer. Je confirme par ailleurs ma détermination à user de tous les moyens de droit dont je dispose pour faire sanctionner toute nouvelle provocation de Dieudonné. »
(22 janvier 2009)
Toujours au motif d’un « trouble à l’ordre public, il avait fait supprimer l’inscription « À l’auteur immortel de La France juive » de la tombe d’Édouard Drumont en 2006. Il inaugurera un jardin Ilan Halimi dans le 12ème arrondissement en mai 2011 et fera de Gilad Shalit un citoyen d’honneur de la ville de Paris. Il sera d’un voyage organisé par la mairie de Paris, l’UNESCO et le projet Aladin (initié par la Fondation pour la mémoire de la Shoah et présidé par Anne-Marie Revcolevschi) à Auschwitz avec deux cents personnalités (le chef d’État sénégalais Abdoulaye Wade, par exemple) en janvier 2011.
En novembre 2011, il est le parrain de la visite en Israël de trois associations : le Beit Haverim (juifs gays et lesbiens, dont il avait parrainé l’anniversaire des trente ans, célébré dans un salon de la mairie de Paris en juillet 2007), David et Jonathan (mouvement homosexuel chrétien) et HM2F (Homosexuels musulmans de France). Lors de cette visite en Israël, il proclamera son attachement « à la part juive de l’âme de Paris » (Actualité juive du 1er décembre 2011).
Il s’était rendu en Israël en 2006 et il avait été question d’offrir une tour Eiffel miniature (25 mètres) à la ville de Jérusalem, pour le quarantième anniversaire de l’unification de la ville (rapporté par Yediot Aharanot du 20 novembre 2006).
Le projet n’aboutira pas mais les Parisiens, en revanche, peuvent admirer chaque année la menorah géante installée sur le Champ-de-Mars, avec un allumage à l’occasion d’Hanoucca.
Dans Le Monde du 2 novembre 2010, il signait avec Bernard-Henri Lévy, Patrick Bruel, François Hollande, Patrick Klugman, Alain Finkielkraut, Manuel Valls, Serge Moati, Yvan Attal, Pierre Arditi… une tribune libre pour s’opposer au boycott des produits israéliens… En juin 2013, il se rendra encore en Israël accompagné de Pierre Schapira, son adjoint en charge des relations internationales et fidèle de toujours. Ce dernier, également natif du Maghreb, ancien du service d’ordre de la LCR, chirurgien dentiste de profession, « juif de gauche » (Libération du 8 février 2012) proche de Daniel Vaillant et de Lionel Jospin, est également président de la commission de contrôle financier du PS depuis 1998. En terre promise, les deux hommes rencontreront Shimon Peres, Benjamin Netanyahu, Tzipi Livni, Yaïr Lapid, Shelly Yachimovitz et le maire de Tel Aviv, Ron Huldai.
Claude Goasguen est le président du groupe parlementaire d’amitié France-Israël. Il est ici invectivé pour antisémitisme par Delanoë :
31 000 euros de subventions de la mairie de Paris à l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) :
2 000 euros pour l’association Yiddish sans frontière :
On notera au passage que Delanoë fera tout pour interdire la distribution de soupe au cochon par l’association « Solidarité des Français », allant même jusqu’à demander au préfet de police qu’il fasse appel de la décision d’autorisation de cette distribution par le tribunal administratif de Paris en janvier 2007. En 2013 il obtiendra les condamnations d’Alain Soral et Hervé Ryssen, deux auteurs critiques du communautarisme juif.
Delanoë fait aussi la part belle à la communauté gay et Pierre Bergé ne s’était pas trompé dans un édito de félicitation lors de son élection à la mairie de Paris dans Têtu (journal que Bergé possédait alors). Têtu, où Delanoë déclarait en mars 2008 :
« Je pense que les gays, surtout au XXIème siècle, peuvent porter une forme d’art de vivre qui bénéficie à toute la société. »
Comme le résume Dominique Foing :
« Après les Corréziens sous Chirac et les Corses sous Tiberi, ce sont les gays qui bénéficient désormais de subventions. »
Ardent militant de la cause gay, Delanoë a préfacé un Dictionnaire de l’homophobie (2003), publié sous la direction de Louis-George Tin, futur président du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN). En novembre 2007, la direction des ressources humaines de la Ville de Paris organise quatre journées « de sensibilisation à l’homophobie » et recommande aux cadres d’y participer. En 2011, la mairie de Paris a notamment financé le Centre lesbien gay bi et trans (112 000 euros), le Paris foot gay (30 000 euros), l’association lesbienne et féministe Cineffable et son Festival « réservé aux femmes » (8 000 euros), ou la revue ProChoix, de Caroline Fourest (12 000 euros) ; les associations de lutte contre le sida (Act Up, Sida info service, Sidaction) ont également été bien pourvues.
Dès mai 2005, il a pris position dans Têtu pour l’adoption d’enfants par des homosexuels, et l’association des parents et futurs parents gays et lesbiens a reçu 6 500 euros cette année-là. Le Perroquet libéré (leperroquetlibere.com), animé par François Devoucoux du Buysson, diffusait des informations sur la gestion de la mairie de Paris par Delanoë, et connaissait un véritable succès (tous les hommes politiques guettaient sa parution, et Bertrand Delanoë lui-même demandait à être prévenu à chaque mise en ligne). On y apprenait par exemple sur que pour répondre aux attentes de son électorat, Bertrand Delanoë s’était engagé à créer le CADHP (Centre d’archives et de documentation homosexuelles de Paris), avec une première subvention de 100 000 euros votée en septembre 2002 par le Conseil de Paris. Le projet, confié à Jean Le Bitoux, devait voir le jour en 2003. Rapidement, des militantes lesbiennes s’étaient mobilisées car le projet était trop porté sur l’homosexualité masculine. Afin de contenter tout les chapelles, Delanoë distribuera 25 000 euros de subventions aux associations lesbiennes. De plus pendant la mise en place du centre, les subventions seront consommées en salaires. Delanoë reprend alors les choses en main. Ainsi 300 000 euros seront distribués pour acquérir des objets comme un tee-shirt de l’association Gay Pride, un godemiché, ou encore une parure de Drag-queen. Finalement le projet sera abandonné.
Dans la même veine, Delanoë avait pour projet un monument pour les victimes du SIDA, qui devait être inauguré le 1er décembre 2005. Le projet sera finalement abandonné par le créateur de la stèle Fabrice Hyber (dont le chef-d’œuvre est une balançoire en godemiché) en janvier 2006. Entretemps, 1,6 million d’euros avaient été consacrés au projet (dont 550 000 par le ministère de la Culture et 100 000 par la municipalité). Ce blog était inattaquable sur le plan de l’information proposée ; Delanoë réussira néanmoins à faire taire cette opposition en faisant condamner son animateur pour avoir acheté le nom de domaine delanoë2008.com en 2005. François Devoucoux du Buysson jettera l’éponge. Il a notamment signé Pariscide. Les gâchis de l’ère Delanoë (La Table ronde, 2005).
91 500 euros de subventions à l’Association de recherche, de communication et d’action pour l’accès aux traitements (ARCAT), qui comprend SOS Drogue International, SOS Habitat et soins et SOS Insertion et alternatives :
25 000 euros pour « lutter contre la récidive » :
D’une manière générale les subventions aux associations sont un véritable marqueur du passage de Delanoë à l’Hôtel de Ville, comme mode de gouvernance. Entre 2000 et 2011, le montant des subventions versées par la ville aux associations est passé de 133 à 203 millions d’euros (+ 52 %). Il a même atteint 290,5 millions d’euros en 2007, avec 70,7 millions d’euros d’avance au titre de 2008 (l’année des municipales). Valeurs actuelles (16 février 2012) faisait remarquer fort justement qu’une délibération sur deux votée par le Conseil de Paris sert à attribuer des subventions. En 2011, ce sont les subventions accordées au Théâtre de la Ville (10,5 millions d’euros en 2010) qui ont provoqué la colère de nombreux chrétiens en raison d’une programmation ouvertement antichrétienne (Sur le concept du visage du fils de Dieu notamment).
En 2011 toujours, « au titre de la lutte contre les discriminations », des subventions seront allégrement distribuées : au Mrap (20 000 euros), à la Licra (40 500 euros) ou encore au Conseil représentatif des associations noires (4 000 euros). Annuellement, SOS-Racisme reçoit 40 000 euros, avec une rallonge de 190 000 euros pour l’organisation d’un « concert pour l’égalité » le 14 juillet 2011, sur le Champ-de-Mars. Toute la galaxie des associations de gauche bénéficie des subventions municipales : les associations féministes (Ni putes ni soumises), écologistes (Agir pour l’environnement), pour la diversité. Mais aussi Attac (6 000 euros), le Planning familial (110 000 euros). Les associations d’aide aux migrants (France terre d’asile, la Cimade) ont également vu leurs subventions se multiplier : en 2011, la Ville a débloqué près de 1,5 million d’euros pour héberger les réfugiés tunisiens du « printemps arabe ». Les subventions versées aux associations atteignaient 204 millions d’euros en 2012 (+ 0,5 %).
10 000 euros de subventions à l’association ProChoix de Caroline Fourest :
17 000 euros de subventions à Ni putes ni soumise :
Les Antillais, qui représentent une importante clientèle électorale, sont aussi gâtés par la Mairie. Ainsi George Pau-Langevin occupe-t-elle au coté du maire de Paris la fonction d’adjointe officieuse à la communauté antillaise (cf. Pariscide. Les gâchis de l’ère Delanoë). Outre l’organisation de manifestations culturelles spécifiques (carnaval, concert…), George Pau-Langevin assure la relation avec les élus d’outre-mer. En tant que délégué général à l’Outre-mer, elle supervise le Centre municipal d’action et d’information pour les originaires des DOM-TOM, un organisme chargé de « faciliter les démarches administratives des natifs ou originaires de l’outre-mer et de favoriser leur insertion professionnelle et sociale dans la capitale », soit un bureau de placement communautaire. Alors que Delanoë revient tout juste d’un voyage aux Antilles, la séance du conseil municipal de septembre 2004 décidera la distribution de subventions (60 000 euros) à des associations tel que Karaïb+, Zebe Citronelle, ou encore la Fédération des associations et organisations d’Intérêts pour les originaires des Antilles et de Guyanes.
Pour ce qui est de l’islam, Delanoë dispose d’un conseiller technique en charge des relations avec le culte musulman, en la personne d’Hamou Bouakkaz. C’est sur ses conseils que Bertrand Delanoë s’engage à la construction d’un Institut des cultures musulmanes en 2006, originellement prévu pour 2011. En attendant, un « centre de préfiguration » au futur institut sera installé. Marianne (30 octobre 2006) décrit le lieu choisit :
« Des préfabriqués d’un gris sinistre, plantés au 23 rue Léon (à la Goutte d’or au cœur du XVIIIème arrondissement parisien) au bord d’un trottoir jonché de détritus, territoire d’une poignée de dealers, de toxicos et d’autant de prostitués : c’est l’endroit qu’a choisi la ville de Paris. »
Pensé comme « un lieu de recherche et d’échange sur le monde musulman, de diffusion des cultures, mais aussi de pratiques cultuelles », il s’agit en fait d’un lieu de culte financé par la municipalité pour répondre au problème des prières de rue, notamment rue Myrha. Finalement, l’Institut des cultures de l’islam (13,5 millions d’euros), sera inauguré en grande pompe en novembre 2013 avec comme directeur général Elsa Jacquemin, qui, après être passé par SOS Racisme, fut assistante parlementaire de Harlem Désir.
Dans le même esprit, la mairie organise des soirées du ramadan comme, en 2006, une soirée musicale au Stade Charléty avec pour thème « Paris, confluence des cultures », en partenariat avec L’Oréal, présentée par Yamina Benguigui (belle-sœur de Patrick Bruel), avec des intervenants tels que Clémentine Célarié, Tomer Sisley ou encore Willy Denzey… En août 2011, l’organisation d’une soirée du ramadan dans les locaux de la mairie de Paris suscitera le questionnement du préfet de Paris relativement à l’article 2 de la loi de 1905, ce à quoi Delanoë répondra que la mairie participe « à des manifestations traditionnelles de différentes confessions ou communautés représentées à Paris tel qu’Hanoucca, Vesak, la Saint-Maron, le nouvel an chinois, le nouvel an berbère, l’arbre de Noël ».
Union européenne, préférence étrangère... 645 834 euros pour permettre à « 128 Parisiens à la recherche d’un emploi de se perfectionner en français » :
La mairie de Paris sous Delanoë : la fin des affaires ?
Celui qu’à l’Hôtel de ville on surnomme « Bébert roi du monde », se voit en « manager », et les mandatures de Delanoë seront marquées par une habile et omniprésente communication. Communication dont l’exemple le plus flagrant est l’embauche, en mars 2012, d’une quarantaine d’intermittents du spectacle utilisés comme « agents de silence » déguisés en Pierrot pour résoudre les problèmes de tapage nocturne. Chaque équipe sera composée de deux artistes et d’un « médiateur de rue ». Coût de l’opération : 270 000 euros.
On lui doit Paris Plages, les Nuits blanches (il sera poignardé lors de la première, le 6 octobre 2002, par un déséquilibré, Azedine Berkane, qui détestait les hommes politiques et les homosexuels), la diminution du nombre de places de parking, l’élargissement des couloirs de bus, sous l’influence, de plus en plus visible et omniprésente, des Verts. Yves Contassot, adjoint Vert à l’Environnement à la mairie de Paris avait prévenu, à propos des automobilistes :
« Ce n’est qu’en leur faisant vivre l’enfer que nous obtiendrons un jour qu’ils renoncent à leur bagnole. »
Vincent Moscato sur le Paris de Delanoë :
Mais quand la couche de communication s’effrite, même Libération (27 juillet 2005) reconnaît :
« De Jacques Chirac à Bertrand Delanoë, c’est le changement dans la continuité à la mairie de Paris. Du moins en matière de chantiers publics. »
D’ailleurs, en août 2010, Le Canard enchaîné révélera les négociations de Delanoë avec l’UMP pour solder l’affaire des emplois fictifs sous Chirac. Un rapport de l’Inspection générale de la capitale a chiffré à 1,2 million d’euros par ans le salaire d’une trentaine de permanent de la CGT « planqués » dans une des mutuelles de la ville, la MCVAP, information divulguée par Capital.fr en décembre 2010. La mairie démentira sans pour autant poursuivre Philippe Elkaïm, l’auteur de l’article, qui écrivait :
« On peut donc estimer que plus de dix millions d’euros ont été consacrés depuis 2001 à cette œuvre charitable. Cinq fois plus que les frasques de Jacques Chirac. »
Le 19 décembre 2005, Delanoë annonce le départ à court terme de Luc Matray, qui dirigeait le Crédit municipal de Paris, suite à une procédure disciplinaire engagée par la Banque de France. Ce dernier avait été nommé en juin 2001, vingt-quatre heures seulement après l’élection de Delanoë. Le lendemain même Le Canard enchainé révélera l’affaire : de septembre à décembre 2005, la Commission bancaire avait lancé une inspection sur les agissements de la nouvelle direction du Crédit municipal. Une « lettre de suite » confidentielle sera adressée au maire de Paris. Ses conclusions sont accablantes. « Il ressortirait de l’enquête, écrit Hervé Hannoun, président de la Commission, que l’établissement présenterait de nombreuses insuffisances de contrôle interne » et « des infractions aux dispositions légales sur la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme » (rapporté par Valeurs actuelles du 13 octobre 2006). En 2006, les enquêteurs bancaires pointent des « irrégularités » comme 4 millions d’euros accordés pour la collection d’antiquités, à l’origine plus que contestée, d’un certain « docteur K ». Des prêts ont aussi été accordés au mépris de toutes règles à d’anciens ministres ou conseillers du gouvernement de Lionel Jospin : Matray lui-même, ex-membre du cabinet de Marylise Lebranchu, ministre des PME (pour 135 000 euros), Bettina Laville, ex-chargé de mission à Matignon (355 000 euros) et Guy Hascoët, ancien secrétaire d’État à l’Écologie solidaire (75 000 euros). Bertrand Delanoë, pourtant jospiniste de la première heure, dira ne pas avoir été mis au courant.
Les mandats de Delanoë auront fait de Paris un chantier permanent. Jusqu’en 2008, la municipalité a puisé dans les 600 millions d’euros de réserves avant de s’endetter massivement (l’ardoise est passée de 1 million d’euros en 2001, à 1,5 million en 2005, 2,6 millions en 2009, 3,26 millions en 2012). Pourtant la hausse des droits de mutation (passés de 350 millions en 2001 à 939 millions en 2008, du fait de l’envol de l’immobilier) et des taxes (depuis l’arrivée de Delanoë, la facture des ménages de la capitale a augmenté de 56,7 %) avait déjà engendré des recettes.
En septembre 2010, la Chambre régionale des comptes d’Île-de France estimait que le nombre de primes aux fonctionnaires de la mairie de Paris avait trop augmenté, passant d’un montant global de 5 millions d’euros en 2002 à 13 millions en 2009 (jusqu’à 40 000 pour le secrétaire général de la ville). Mais ce sont les chantiers pharaoniques et le remodelage de l’espace urbain engagé par la mairie qui coûte le plus cher. Il est vrai qu’il est tentant de laisser sa petite trace sur la Ville Lumière.
Concernant le « 104 », une note interne et confidentielle sera envoyée par Pierre-Éric Spitz, directeur des affaires juridiques de la ville de Paris. Le 17 mars 2006, il s’interroge sur les conditions de passation de l’important marché de préfiguration du « 104 rue d’Aubervilliers » (aménagement d’anciens locaux de pompe funèbres en centre international d’art contemporain). Pierre-Éric Spitz écrit : « Dans l’hypothèse d’un recours contentieux, le dossier pourrait être difficile à défendre. »
Au total, le « 104 » coûtera 108 millions d’euros. Et ce n’est pas tout : le chantier du nouveau Forum des Halles est estimé à 802 millions d’euros, le réaménagement du boulevard Magenta (cauchemar absolu des automobilistes parisiens) a coûté 23 millions d’euros. Rien qu’en voirie, la capitale aurait dépensé 1,8 milliards d’euros (Le Point du 9 décembre 2010). Le réaménagement de la place de la République, 24 millions prévus ; la transformation des voies sur berges, 40 millions ; le tramway des Maréchaux, 61 millions d’euros le kilomètre, jusqu’à 74 millions pour le dernier tronçon ; 29 millions d’euros pour le Louxor ; sans parler des 157 millions d’euros du nouveau stade Jean-Bouin, où joue le club de son ami Max Guazzini. Une information judiciaire a été ouverte début 2008 à la suite d’une plainte d’un candidat s’estimant écarté irrégulièrement du marché de la gestion de Jean-Bouin, et Delanoë sera convoqué (ainsi qu’Arnaud Lagardère) le 2 décembre 2009 par deux juges d’instruction pour « favoristisme » [1]. Sur ce sujet, on pourra lire Comptes et légendes de la ville de Paris de Dominique Foing (Denoël, 2011), où sont aussi évoqués Roland-Garros et la Cité de la mode et du design… Un ancien conseiller de Delanoë Serge Federbush, a également publié sur le sujet Delanopolis : le jeu de massacre des rue de Paris (Éditions de Passy, 2008) et anime depuis le blog Delanopolis.
Delanoë a été convoqué par un juge d’instruction le 9 décembre 2008 dans ce qu’on pourrait appeler « l’affaire Derichebourg ». Il s’agit d’une passation de marché effectuée en décembre 2005 pour le traitement des encombrants à Paris, dans laquelle EPES (Entreprise parisienne d’enlèvement et de services) accusera l’Hôtel de Ville d’avoir favorisé la société Derichebourg. L’entreprise avait saisi simultanément le tribunal administratif et le parquet. Avec succès : la cour administrative d’appel de Paris condamnera la mairie, le 29 juillet 2011, à verser 1,5 million d’euros à EPES. Au pénal, le juge d’instruction chargé du dossier ordonnera, le 30 mars 2012, le renvoi devant le tribunal correctionnel des trois personnes poursuivies, dont l’adjointe au maire du 11e, Mireille Flam, à l’époque présidente de la commission d’appel d’offres. L’affaire sera traitée au tribunal de Lyon, le mari de Mireille Flam étant magistrat à Paris.
Mme Flam a donc comparu, pour « favoritisme », aux côtés de la présidente Pascale Jeannin-Perez, PDG de Derichebourg-PolyUrbaine, et d’un avocat, Me Olivier Carmet, soupçonné d’avoir joué les intermédiaires entre Derichebourg et la mairie de Paris. Ce dernier est suspecté par les policiers de la Brigade de répression de la délinquance économique d’avoir profité de ses liens avec le maire de Paris pour favoriser, moyennant rémunération, le dossier présenté par Derichebourg. De plus, Olivier Carmet avait été embauché par Derichebourg au printemps 2005 au moment où avait été lancé l’appel d’offres. L’avocat d’Olivier Carmet fera une demande d’expertise neurologique de son client. Il produira ainsi un dossier médical concluant à « des troubles important de l’attention et de la concentration, une atteinte de la mémoire de travail, une baisse significative des capacités de mémoire récente (…) avec atteinte de l’encodage ». L’enquête avait établi que Derichebourg, par l’intermédiaire de Me Carmet, s’était proposé, en échange du marché des encombrants, de sponsoriser le Paris Basket Racing [2]. Une peine de six mois de prison avec sursis et 5 000 euros d’amende a été requise le 21 novembre 2013 à Lyon contre Mireille Flam. Le jugement devrait être rendu début 2014. En janvier 2012, le parquet de Paris a ouvert une information judiciaire contre X... pour « favoritisme », visant les conditions dans lesquelles la société Derichebourg avait de nouveau obtenu en 2009, la part du lion dans le juteux marchés du traitement des encombrant [3].
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Cet article a été écrit en exclusivité pour Égalité & Réconciliation par la revue Faits & Documents d’Emmanuel Ratier.
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