Egalité et Réconciliation
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Rapport sur un désastre : Libye, Qatar, Al-Qaïda, USA

L’article du 6 décembre 2012 du New York Times (NYT) sur le soutien et l’armement en Libye des extrémistes djihadistes et autres, qu’il s’agisse d’Al-Qaïda ou de son double, apporte un sceau d’officialité à la catastrophe que fut en réalité l’affaire libyenne pour le Système.

On sait que le New York Times est une sorte d’« officieux » du pouvoir washingtonien, lui-même relais opérationnel central du Système ; une sorte de Pravda locale, si l’on veut, dont certaines interventions ont un caractère essentiel dans le système de la communication, pour informer tous les mandants du Système. Ce sera le cas pour cet article, qui a manifestement reçu le soutien de l’administration au niveau de l’information, et l’imprimatur qui importe. (Lorsqu’on trouve, dans un article de cette importance, une phrase telle que « La Maison Blanche et le département d’État ont refusé tout commentaire [1] », on peut être assuré qu’il s’agit du cas décrit ici, à savoir qu’il est dit officieusement par le NYT ce que Washington ne veut pas dire officiellement mais veut faire savoir aux « mandants du Système » déjà mentionnés.)

Nous disposons donc d’un bon résumé de ce que furent la « politique » officielle US vis-à-vis de la question de l’armement des rebelles libyens, la position du Qatar (et des EAU) comme intermédiaire(s) opérationnel(s) notamment pour les livraisons d’arme, l’absence complète à la fois de contrôle et de compréhension de la situation, y compris du comportement du Qatar, de la part des divers services US. Nous pouvons lire également combien l’administration Obama fut passive dans cette affaire, au contraire des diverses descriptions de manigances à cet égard, combien elle ne fit que « suivre » avec comme seule préoccupation la panique constante de l’implication dans un conflit terrestre.

Il y eut d’abord une requête des Émirats arabes unis pour livrer des armes de fabrication US aux rebelles libyens, avec refus initial de Washington (crainte d’être impliqué), tandis que le Qatar avait déjà commencé, de sa propre autorité, à livrer des armes dont il disposait, de fabrication française et russe. Finalement, Washington entra dans le circuit, livrant des armes US à ses amis du Golfe, pour les rebelles libyens. Quant au « contrôle » exercé par les USA sur ces livraisons : « L’administration n’a jamais déterminé l’endroit en Libye où sont allées toutes les armes, financées par le Qatar et les Émirats arabes unis, ont déclaré les responsables. [...] “Personne ne savait exactement qui ils étaient”, a déclaré l’ancien responsable de la défense. Les Qataris, a ajouté le responsable, sont “censés être de bons alliés, mais les islamistes qu’ils soutiennent ne vont pas dans le sens de nos intérêts”. »

Aucune réelle surprise dans tout cela, parce que tout ce que nous dit le NYT fut exprimé par les auteurs dissidents du Système et diffusé à profusion dans la presse alternative, essentiellement sur l’Internet. Les pires appréciations sur la politique US sont confirmées : incompréhension, inculture, aveuglement, incapacité de contrôle des événements, hésitations avec tendance d’aller toujours au plus extrême et au plus douteux, absence totale de stratégie. Le caractère incontrôlable et maximaliste du comportement du Qatar, ses ambitions grotesques également, apparaissent largement au gré des précisions apportées par l’article.

« L’administration Obama n’a au départ pas soulevé d’objections lorsque le Qatar a commencé l’expédition d’armes à destination de groupes d’opposition en Syrie, même si elle ne l’a pas encouragé, d’après d’anciens et actuels responsables de l’administration. Mais ils ont affirmé que les États-Unis se sont de plus en plus préoccupés du fait que, tout comme en Libye, les Qataris équipent certains des mauvais combattants.

Les États-Unis, qui ne disposaient que de quelques officiers de la CIA en Libye au plus fort de la rébellion, n’ont fourni qu’une faible surveillance des livraisons d’armes. Après des mois d’approbation du plan du Qatar visant à y envoyer des armes au printemps 2011, la Maison Blanche a commencé à recevoir des rapports l’informant qu’elles étaient destinées à des groupes de combattants islamistes. Ils étaient “plus antidémocratiques, plus radicaux, plus proches d’une version extrême de l’Islam” que la principale alliance rebelle en Libye, a déclaré un ancien responsable du ministère de la Défense.

L’appui du Qatar aux combattants considérés comme hostiles par les États-Unis démontre les difficultés permanentes que connaît l’administration Obama dans sa gestion des soulèvements du printemps arabe, en tant qu’elle essaie de soutenir les mouvements populaires de protestation tout en souhaitant éviter l’implication de l’armée américaine. S’appuyer sur des représentants permet aux États-Unis de ne laisser aucune empreinte sur les opérations, mais cela signifie également qu’ils jouent à un jeu qui risque de nuire aux intérêts américains.

“Pour faire ça bien, vous devez avoir un service de renseignements sur le terrain et de l’expérience”, a déclaré Vali Nasr, un ancien conseiller du département d’État actuellement doyen de l’École des études internationales avancées à Paul H. Nitze, affiliée à l’université Johns Hopkins. “Si vous comptez sur un pays qui ne possède pas ces choses-là, vous avancez dans le noir. Lorsque vous aurez un intermédiaire, vous commencez à perdre le contrôle”. Il a déclaré que le Qatar n’aurait pas poursuivi les expéditions d’armes si les États-Unis lui avaient résisté, mais d’autres anciens et actuels responsables de l’administration ont déclaré que Washington exerçait par moments un peu d’influence sur les responsables qataris. “Ils vont à leur propre rythme”, a déclaré un ancien responsable du département d’État. La Maison Blanche et le département d’État ont refusé tout commentaire. »

Le 12 novembre 2012, nous donnions des extraits d’une chronique concernant une intervention de l’expert US Flynt Leverett, notamment sur l’affaire de Benghazi du 11 septembre 2012 (assassinat de l’ambassadeur Stevens) : « Au cœur de la controverse à Washington au sujet de la chronologie et l’ampleur de la CIA ainsi que la réponse militaire des États-Unis à l’attaque faite contre le consulat américain à Benghazi le 11 septembre 2012, il est un point critique que les experts, pour la plupart d’entre eux, n’ont pas soulevé, mais dont l’administration Obama est très consciente, à savoir “que l’ambassadeur américain en Libye pourrait avoir été tué par un groupe qui était armé, soutenu par les États-Unis, ou par leurs alliés ... [Les responsables de l’administration] savent que les groupes djihadistes jouent un rôle grandissant sur le terrain dans l’opposition syrienne” et que Washington veut affronter ce problème. »

Effectivement, on retrouve à plusieurs reprises, dans l’article du NYT, le poids de la préoccupation que fait peser « l’effet-Benghazi » (l’assassinat de Stevens) sur l’administration Obama. (« Aucune preuve n’est apparue faisant la connexion entre les armes fournies par les Qataris pendant le soulèvement contre le colonel Mouammar el-Kadhafi et l’attaque qui a tué quatre Américains dans l’enceinte diplomatique des États-Unis à Benghazi, en Libye, en septembre. »)

Un récit plus précis sur l’implication d’un marchand d’armes US dans l’affaire libyenne nous permet de tirer nos propres conclusions sur le climat régnant dans cette affaire, sur l’implication de l’ambassadeur Stevens précisément, sur les connexions serrées entre les actions clandestines qu’affectionnent les USA, les groupes extrémistes, le trafic d’armes, le crime plus ou moins organisé et de mieux en mieux organisé, etc. C’est ainsi, que se définit, aujourd’hui, la politique extérieure générale, et il faut bien les très nombreux discours d’Hillary sur les droits de l’homme et de la femme, sur la démocratie et tout le reste, pour tenter de blanchir au moins la façade… Voici donc le cas de Marc Turi :

« Le cas de Marc Turi, le trafiquant d’armes américain qui avait cherché à fournir des armes à la Libye, démontre les autres défis auxquels sont confrontés les États-Unis face à la Libye. Trafiquant vivant à la fois en Arizona et à Abu Dhabi dans les Émirats arabes unis, M. Turi vend de petites armes aux acheteurs du Moyen-Orient et d’Afrique, en s’appuyant principalement sur des fournisseurs d’armes russes d’Europe orientale.

En mars 2011, alors que la guerre civile libyenne s’intensifiait, M. Turi réalisa que la Libye pourrait devenir un nouveau marché lucratif, et a demandé au département d’État un permis lui permettant de fournir en armes les rebelles là-bas, selon des courriels et autres documents qu’il a fourni (les citoyens américains sont tenus d’obtenir l’approbation des États-Unis pour toute vente d’armes à l’international).

Il a également envoyé un courriel à J. Christopher Stevens, alors le représentant spécial de l’alliance rebelle libyenne. Le diplomate a déclaré qu’il allait “partager” la proposition de M. Turi avec des collègues à Washington, selon des courriels fournis par M. Turi. M. Stevens, qui est devenu l’ambassadeur des États-Unis en Libye, a été l’un des quatre Américains tués dans l’attaque de Benghazi le 11 septembre.

La demande de permis de M. Turi a été rejetée à la fin de mars 2011. N’étant pas découragé, il a renouvelé sa demande, en stipulant seulement cette fois-ci qu’il avait l’intention d’expédier des armes d’une valeur de plus de 200 millions de dollars au Qatar. En mai 2011, sa demande a été approuvée. M. Turi, dans une interview, a déclaré que son intention était d’envoyer des armes au Qatar et que ce que “le gouvernement américain et le Qatar avaient permis à ce propos les regarde”.

Néanmoins, deux mois plus tard, son domicile près de Phoenix a été perquisitionné par des agents du département de la Sécurité intérieure. Des responsables de l’administration disent qu’il fait toujours l’objet d’une enquête pour trafic d’armes. Le département de la Justice n’a pas voulu commenter. M. Turi a dit qu’il pensait que les responsables américains avaient arrêté son projet d’expéditions d’armes car cela allait porter atteinte aux relations qu’avait l’administration Obama avec le Qatar. Les Qataris, accuse-t-il, n’ont imposé aucun contrôle sur la provenance des armes. “Ils les ont juste distribuées comme des bonbons”, a-t-il affirmé. »

Monsieur Turi nous donne parfaitement la morale de cette histoire, ou de ce piètre morceau d’une histoire toujours en cours, à propos des Qataris et des armes livrées pour la démocratie et les droits de l’homme : « Ils les ont juste distribuées comme des bonbons »… Effectivement, « histoire toujours en cours », puisque la même chose se poursuit aujourd’hui en Syrie.

Il y a donc une saisissante leçon de choses sur le fonctionnement du Système et le niveau de réflexion du sapiens-collabo (du Système) courant – le journaliste moyen et supérieur du NYT – dans le fait que cet article fleurit, on dirait peut-être « comme une rose au milieu des ordures », au milieu de commentaires et d’éditoriaux courants du même NYT, exhortant l’administration à armer et à encore armer les héroïques rebelles syriens, à soutenir le Qatar dans ses entreprises, éventuellement à faire affaire avec les Marc Turi du moment – pour parvenir enfin à l’établissement de la démocratie – en Syrie, comme en Libye.

Au moins à ce niveau et dans cette entreprise-là, la Syrie est l’exacte réplique de la Libye, avec une fidélité presque émouvante après tout, et une sorte de répulsion extraordinairement puissante pour tout ce qui peut avoir affaire avec l’expérience et la mémoire des choses et des actes : « Incompréhension, inculture, aveuglement, incapacité de contrôle des événements, hésitations avec tendance d’aller toujours au plus extrême et au plus douteux, absence totale de stratégie. » La feuille de route est écrite, type « copié-collé » – destination : le bordel – tragique et dérisoire comme sont tous ces pauvres sapiens, emportés par leurs faiblesses et l’arrogance de s’en croire dispensés.

Un peu d’histoire du New York Times et de la presse occidentale avec Kontre Kulture :

Notes

[1] Tous les passages en anglais de l’article de dedefensa.org, tirés du New York Times, ont été traduit par E&R Traduction, ndlr.

 






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2 Commentaires

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  • #279524
    Le 9 décembre 2012 à 16:40 par Cuimo
    Rapport sur un désastre : Libye, Qatar, Al-Qaïda, USA

    Les EU n’auraient pas un grand rôle dans le jeu libyen d’après cet article, pourtant ils ont mené la coalition, ils ont planifié tout à l’avance et l’organisation des rebelles a du nécessiter l’infiltration de conseillers militaires.

     

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  • #280556
    Le 10 décembre 2012 à 22:00 par picadello
    Rapport sur un désastre : Libye, Qatar, Al-Qaïda, USA

    "mémoire des choses et des actes : « Incompréhension, inculture, aveuglement, incapacité de contrôle des événements, hésitations avec tendance d’aller toujours au plus extrême et au plus douteux, absence totale de stratégie. » La feuille de route est écrite, type « copié-collé » – destination : le bordel – tragique et dérisoire comme sont tous ces pauvres sapiens, emportés par leurs faiblesses et l’arrogance de s’en croire dispensés."

    Cette vision des choses cadre mal avec l’agenda mondialiste, qui implique au contraire un calcul à long terme.Certes cet agenda est remis en cause par la résistance de Bachar, mais L’irak Afghanistan Lybie c’est pas de l’impro.

     

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