Il y a le chanteur, et il y a ses méthodes. Ceux qui s’arrêtent à l’homme estiment que Serge Gainsbourg est une espèce de génie de la chanson pop française. Ceux qui s’intéressent à la méthode y trouveront de quoi pousser des cris, car l’auteur-compositeur-interprète a pompé un nombre incalculable de titres, mélodies ou arrangements. Par pomper on entend copier, acheter (sans reverser les droits) ou reproduire avec quelques cache-sexe.
Mais les sorbonnards ne vont pas aussi loin et capitalisent sur la légende Gainsbourg, celle d’un homme déchiré, déchiré par son passé, ses origines, ses addictions, sa souffrance artistique (parce qu’il n’était pas un artiste ?), on ne sait pas trop. Il faut croire que les artistes souffrent, puisque c’est de notoriété publique. Un couvreur ou un pâtissier ne souffrent pas, ils effectuent une tâche mais n’ont pas droit à la souffrance de l’artiste.
Le 2 avril, d’après le communiqué de presse, Serge aurait eu 90 ans. L’université qui a été l’épicentre de Mai 68 (avec Nanterre, soyons justes) consacrera trois jours du 9 au 11 avril à une série de conférences données par 30 professionnels internationaux. On est curieux de voir le programme (qui figure sur le site de l’Institut de recherche en musicologie, si on peut y accéder).
Pour l’instant, en effet d’annonce, on dispose de
sa relation avec Jane Birkin
le tournant pop de sa carrière
son succès en Italie
sa contribution au mouvement yé-yé
ses influences littéraires.
Incroyable. Jane Birkin est devenue un mythe et Serge a influencé la Littérature ! La Sorbonne est tombée assez bas, sûrement l’effet du cinquantenaire de Mai 68. Serge était avant tout un excellent homme d’affaires qui possédait assez de nez pour deviner les tendances du moment et coller au cul des jeunes. Ses créations propres n’existent pas et ce, au sens propre et au sens figuré. Tout ce qu’il a pondu est lourdement inspiré d’influences extérieures sur une échelle qui va de 50 à 100%. C’est un peu comme Einstein qui a fait la synthèse de recherches en mathématiques et physique pour déposer la cerise finale sur le gâteau. Mais à lui la gloire !
Gainsbourg connaîtra lui aussi la gloire de son vivant. Une gloire matérielle avant tout car ce coquin achetait mélodies et arrangements (Colombier, Goraguer, Vannier) qui feront son succès à de VRAIS créateurs, ce qu’il n’était pas, au vrai sens du terme. Aujourd’hui le meilleur exemple de ce procédé est David Guetta, qui achète tout (à des inconnus qui doivent le rester) et dépose tout (à son nom qui est devenu connu).
Après une longue période où il n’était pas possible dans les médias de décrire la « méthode » Gainsbourg (les poches), l’hebdo culturel Télérama a listé en 2008 les hommes de l’ombre de Gainsbourg :
« Et si le grand talent de Gainsbourg était d’avoir su s’entourer ? Musicien autodidacte, pas très à l’aise avec les croches et les partoches, le grand Serge avait en revanche un goût très sûr, tant dans la direction musicale que dans le choix de ses collaborateurs. Évidente dans ses chansons, la contribution des orchestrateurs et des arrangeurs s’est révélée essentielle dans ses musiques de films. Architecte, Gainsbourg jetait les plans, imaginait la trame mélodique, les thèmes principaux et laissait ses fidèles lieutenants s’occuper du reste. Pas son truc, la sueur et le point de croix…
Pendant plus de quarante ans, une véritable armée des ombres s’est ainsi relayée au chevet des compositions du maître. Tous, en leur temps et à leur manière, ont forgé le son Gainsbourg. Certains comme Elek Bacsik, en apportant leur couleur musicale le temps d’un album, d’autres au long cours, en injectant leur talent à haute dose, comme Alain Goraguer ou Jean-Claude Vannier. Hommage à ces soldats (presque) inconnus. »
La plupart le quitteront en claquant la porte, lassés de ne pas toucher de droits sur leurs œuvres. Une fois, lâché par l’un d’entre eux, Gainsbourg se verra refuser la bande originale d’un film qui lui avait été commandée. Il s’agissait d’Emmanuelle. Le rendu de Gainsbourg était tellement mauvais que la production se tournera vers un jeune inconnu, Pierre Bachelet. Un exemple parmi d’autres des turpitudes du « génie ».
On remarque que pour tout le monde, il demeure un mythe de la musique populaire contemporaine. Savoir ce qui précède n’empêche pas d’apprécier les titres de Serge Gainsbourg. Mais beaucoup de litiges se régleront à la SACEM, à l’image de l’album entier de percussions fauché à un authentique musicien nigérian, Babatunde Olatunji. Des années après seulement, le musicien africain réussira à récupérer quelques droits via la société de répartition. Même chose avec les musiciens jamaïcains Sly Dunbar et Robbie Shakespeare qui se rendront compte par hasard de l’énorme succès commercial du drôle de « Français » qui avait enregistré Aux armes et caetera avec eux...
Bref, la Sorbonne capitalise sur le mythe, tant mieux pour les fans. Tant pis pour les musiciens ou les emmerdeurs attachés à la paternité des œuvres. Le résultat de cet aveuglement et de ce prenage-du-public-pour-des-cons c’est qu’un quart de siècle après la mort du père, la fille, dénuée du moindre talent artistique, cumule les récompenses aux Victoires de la Musique. Les dieux du show-biz sont tombés sur la tête ! Ou alors ils ne veulent pas abandonner une marque – même un peu frelatée – qui rapporte.