Alain Finkielkraut, pour son émission Répliques du 27 avril 2024, invite le professeur d’histoire du Moyen-Orient Jean-Pierre Filiu et ce bon vieux Gilles Kepel, un autre prof des universités, mais qui aime les médias au point d’y adapter sa connaissance du monde oriental dans le sens israélo-américain, on va le voir.
Pour lui, qui vient d’écrire à la hâte Holocaustes, Israël-Gaza et la guerre contre l’Occident, tout un programme et une sacrée inversion accusatoire !, le 7 Octobre est une « razzia » comme on en voyait dans le monde musulman. Mais surtout, Kepel est l’homme qui croit autant au 11 Septembre qu’au 7 Octobre, comprendre, les versions officielles de ces deux événements qui se ressemblent, et qu’il arrive à lier. Et là, on est d’accord, mais pas comme il s’y attend : car à chaque fois, ça permet à l’axe israélo-américain de détruire un peu plus les pays qui lui résistent dans cette région du monde. Après l’Afghanistan, l’Irak et la Syrie, au tour de la Palestine d’être rayée de la carte.
On ne va pas relever ici toutes les incohérences et tous les artifices du discours de Kepel, qui mélange sa connaissance réelle du Proche-Orient avec un biais israéliste, ou islamophobe. C’est ce qui caractérise ce chercheur qui a explosé dans les médias après les grands attentats de 2015-2016. Curieusement, il est devenu le monsieur islam, avec un regard qui faisait des victimes, les pays musulmans attaqués, en quelque sorte les responsables de leur destruction.
L’intro de Kepel est à ce titre éblouissante. Il répond à la double question de Finky, « que s’est-il vraiment passé le 7 octobre, quel sens donner à cet événement ? »
« Eh bien on n’a pas très bien su ce qui s’était passé au début, et votre serviteur s’est trompé à ce moment-là car j’étais convaincu qu’une opération d’une telle ampleur ne pouvait qu’avoir été décidée par les patrons de l’Axe de la Résistance, c’est-à-dire par Téhéran et son mandataire le Hezbollah, le Hamas se contentant de suivre les instructions. (...)
Yahyia Sinwar, le patron du Hamas, le patron militaire mais aussi politique et qui avait marginalisé les dirigeants du Hamas à Qatar, a pris lui-même l’initiative de le faire ce jour-là, pour des raisons à la fois conjoncturelles – parce que Israël avait retiré l’essentiel des forces militaires qui étaient allées en Cisjordanie au secours des colons qui là-bas se livraient à des violences contre les Palestiniens –, et d’autre part parce que pour lui il y avait toute une dimension symbolique finalement, le fait que c’était 50 ans plus un jour après le lancement de la guerre d’octobre 73, dite du Kippour ou du Ramadan selon l’endroit d’où l’on regarde.
C’était aussi, m’a-t-il semblé, quelque chose qui faisait un écho assez extraordinaire au 11 Septembre. Dans les deux cas une action audacieuse permet de trouver le défaut de la cuirasse d’une superpuissance militaire, superbe, et qui tout d’un coup se retrouve avec un coup absolument gigantesque, une déflagration mondiale, et il me semble, on en reparlera tout à l’heure, que de ce point de vue-là en rétrospective, le 7 Octobre est plus important que le 11 Septembre, parce que c’est quelque chose qui est en train de reconstruire complètement les fondements moraux de l’ordre du monde, en tout cas de la part de ceux qui ont voulu le faire... »
Une véritable démonstration pour les nuls : les Israéliens n’avaient plus de défenses ce jour-là (qui sont pourtant aisément remplaçables, vu le nombre de réservistes qui ont rapidement été mobilisés) car la ceinture militaire de Gaza avait été envoyée en Cisjordanie « au secours des colons qui là-bas se livraient à des violences contre les Palestiniens » ! Là, on frise le ridicule.
Et puis, ce « quelque chose » nébuleux qui semble tomber du ciel et qui détruit Gaza, ce quelque chose qui « est en train de reconstruire complètement les fondements moraux de l’ordre du monde ». Or, on ne voit que destructions, et aucune reconstruction, du moins pas encore, puisque les colons racistes ultrareligieux sont prêts à investir tout ou partie de la ville palestinienne ravagée. Ce quelque chose est évidemment l’objectif israélien de destruction de toute résistance arabe autour de l’entité israélienne qui, comme le rappelle justement Hindi, est le seul pays au monde qui n’a pas de frontières tangibles. D’où la possibilité du Grand Israël inscrit dans des textes relativement douteux, et qui sont loin, très loin de coller aux lois internationales.
Transformer la destruction de Gaza et l’extermination de dizaines de milliers de civils en reconstruction des fondements moraux de l’ordre du monde, chapeau, ou plutôt kippa, monsieur Kepel.
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Sur i24News, le 11 avril 2024, Kepel dévisse complètement en lançant que le Sud global n’est que haine pour l’Occident. Il veut être Dr honoris causa de l’université de Tel-Aviv ou quoi ?