Robert Ménard sort le 5 mai un petit pamphlet d’une vingtaine de pages, « Vive Le Pen ! » aux édition Mordicus. La polémique bat déjà son plein : Laurent Joffrin crie « Adieu Ménard » et écrit que, décidément, « tout est possible en ce bas monde ». « Ménard était précieux » continue le directeur de la publication du Nouvel Obs. Tu m’étonnes, « il avait commencé chez Trotski ». Sauf que… « le voilà chez Maurras », « le voilà donc lepéniste ». Sic. Un salmigondis ridicule qui nous a donné envie de rencontrer le fondateur et ancien secrétaire général de Reporters sans frontière.
Robert Ménard, « Vive Le Pen ! », c’est « Vive Marine Le Pen ! » ou « Vive Jean-Marie Le Pen ! » ?
Les deux ! « Vive Le Pen ! » n’est pas un pamphlet à la gloire de Jean-Marie Le Pen ou de Marine Le Pen, mais un pamphlet dans la veine de ce que j’ai déjà écrit avec Emmanuelle Duverger (son épouse, ndlr). On va notamment parler de la rare violence avec laquelle sont traités les Le Pen par les journalistes qui les interrogent. On ne voit jamais les journalistes se comporter de cette manière quand ils interrogent des extrémistes de gauche. C’est ce deux poids deux mesures que nous dénonçons.
Comment réagissez-vous aux premières critiques de « Vive Le Pen ! », assez violentes à votre égard ?
Que leurs auteurs commencent par lire mon livre ! C’est symptomatique de ce que nous décrivons dans notre pamphlet : les médias dont nous critiquons le fonctionnement sont en train de nous donner raison. Il suffit d’un titre pour être lynché. Ils ne cherchent même pas à savoir si c’est ironique ou pas. Si j’avais choisi « Vive Besancenot ! », je n’aurais pas l’ombre de la moindre remarque, ça passerait comme une lettre à la poste. Je suis désolé mais Olivier Besancenot est au moins aussi dangereux que Marine Le Pen. Si vous dîtes que vous êtes d’accord avec une proposition de Marine Le Pen, ça fait un scandale, il devient obligatoire d’avoir des positions alignées sur celles de la gauche ! Si vous avez eu le malheur de vous interroger sur l’homosexualité ou la peine de mort, vous devez faire votre mea culpa, présenter des excuses et préciser toute votre vie que vous n’êtes pas un facho…
Comment expliquer ce « prêt à penser » ?
C’est la faute aux journalistes formatés qui sortent la même bonne pensée, aux associations qui jouent aux gardiennes du temple et à tout un tas de lois mémorielles. La profession de journaliste est largement à gauche. Il n’y a qu’à voir comment est traité sur les plateaux TV Alain Badiou, alors qu’il n’a jamais renié son communisme et son maoïsme…
Pour vous, les médias sont de gauche ?
Non, certains comme Le Figaro sont de droite. Ce que je dis juste, c’est que la liberté d’expression de l’extrême-droite doit être défendue. Je ne suis pas d’extrême-droite mais je défends la liberté d’expression de tous, y compris et surtout de ceux qui ne pensent pas comme moi. En France, il n’y a que le jour du bac qu’on est voltairien. Chacun défend la liberté d’expression dans son pré-carré. Personne ne s’occupe de la liberté d’expression de ses opposants. Par exemple, la droite dure veut faire taire le PCF et réciproquement. Et puis, en France, on peut dire du bien de tous les allumés mais pas des Le Pen !
Politiquement, comment vous situez-vous par rapport à Marine Le Pen ?
Je suis en désaccord avec plein de choses, notamment sa répulsion à l’égard des musulmans, problématique à mes yeux mais aussi son euroscepticisme. Pour autant, je ne vois pas en quoi son programme n’est pas républicain. Et puis, si le Front national n’est pas républicain, alors il faut être cohérent et l’interdire… Ceci dit, je partage avec Marine Le Pen sa critique de la classe politique, coupée des réalités et des Français. Si Marine Le Pen dit que le ciel est bleu, vais-je devoir affirmer, qu’en fait, il est rouge ?
Voyez-vous une différence entre Marine et Jean-Marie Le Pen ?
Il y a un vrai changement entre ce que dit Marine Le Pen et son père. Sur la Shoah, il n’y a aucun rapport entre l’humour scabreux de Jean-Marie Le Pen et les récentes déclarations de sa fille qui qualifie les camps nazis de « summum de la barbarie ». En économie, Jean-Marie Le Pen était libéral, Marine Le Pen est beaucoup plus favorable à l’intervention de l’Etat. Ne pas voir ces différences, c’est nier l’évidence. Les voir, ça ne signifie pas qu’on est d’accord avec la présidente du FN.
Le Point vous dit « sur la sellette chez RTL » à cause de déclarations récentes. Vous avez expliqué dans « On refait le monde », le 21 mars sur RTL, comprendre « sur un certain nombre de points » les électeurs du FN. « Je trouve scandaleux qu’il n’y ait pas un élu du Front national dans un conseil général. Je trouve ça monstrueusement scandaleux pour les 15 % de gens qui votent Front national » avez-vous ajouté. Votre collaboration avec la station de la rue Bayard est-elle « largement compromise » comme le prétend l’hebdomadaire ?
Ecoutez, Jacques Esnoud (le directeur de l’information, ndlr) n’est pas d’accord avec moi et c’est son droit. Je vous rappelle que je suis un polémiste. Nos discussions ont été normales… Pour l’instant, il n’y a aucun élément factuel qui va dans le sens de ce qu’affirme lepoint.fr. Et à i>télé, tout va bien !
Vous ne regrettez pas de vous être embarqué dans cette galère ?
Non. Je ne me suis pas battu 20 ans pour la liberté d’expression pour dire aujourd’hui le contraire de ce que je pense !
« On a pensé, parce que je dirigeais Reporters sans frontière, que j’étais de gauche. Or, je ne suis pas de gauche. »
Quels sont les sujets qui vous ont causé le plus d’ennuis ?
L’homosexualité : comme 99% des Français, les homosexuels compris, je préfère que ma fille se marie avec un homme. Suite à ça, ma femme a reçu des appels haineux et des menaces ! Mais je ne confonds pas quelques abrutis de la communauté homosexuelle avec l’immense majorité des homosexuels. La peine de mort aussi, pour des criminels comme Marc Dutroux : je pense que la majorité des Français partagent cette opinion.
Le Robert Ménard de 2011 est-il le même que le Robert Ménard d’il y a 20 ans ?
Je suis exactement le même. Sauf qu’à l’époque de Reporters sans frontière, on ne me demandait pas mes opinions. On a pensé, parce que je dirigeais une ONG, que j’étais de gauche. Or, je ne suis pas de gauche.
Vous êtes de droite ?
Non plus. Par exemple, je trouve que Jean-Luc Mélenchon a des réactions saines et intelligentes même s’il m’énerve ! Les étiquettes ne signifient plus grand chose aujourd’hui. Je peux, dans un même journal (sur i>télé, ndlr), donner raison à la droite sur un point et raison à la gauche sur un autre point.