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Rumeurs sur le couple Sarkozy : ce que dit l’enquête

Une enquête a bien été menée par la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), le contre-espionnage français, sur ordre de l’Elysée pour remonter le fil de la rumeur qui, depuis près d’un mois, inquiète le pouvoir.

Il s’agissait avant tout, assure-t-on à la DCRI, grâce aux moyens technologiques déployés, de retrouver les supports informatiques, en France et à l’étranger, ayant facilité la propagation de la rumeur qui circulait sur Nicolas Sarkozy et son épouse Carla Bruni-Sarkozy. Rien de plus, affirme la DCRI. La direction centrale nie avoir mis en oeuvre des écoutes téléphoniques administratives. Et encore moins ciblé Rachida Dati.

Cette dernière, furieuse de se voir accusée d’avoir propagé une rumeur sur de supposées infidélités au sein du couple présidentiel, a mis en place sa défense. "Je suis mise en cause indirectement, je trouve ça scandaleux, nous sommes dans un Etat de droit, il faut que ça cesse", a-t-elle protesté, mercredi 7 avril sur RTL.

Le nom de l’ancienne garde des sceaux a été en effet vite prononcé devant les journalistes par l’entourage de M. Sarkozy. Conseiller proche du président, Pierre Charon, par ailleurs élu du Conseil de Paris, milite contre les ambitions municipales de l’ancienne ministre. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, lui a déjà supprimé son escorte policière, sa voiture ministérielle. Rien, pourtant, jusqu’ici, ne vient étayer leurs soupçons que l’ancienne ministre serait à l’origine de la rumeur.

L’enquête judiciaire ordonnée le 2 avril par le parquet de Paris, pour "introduction frauduleuse de données dans un système informatique", après la plainte de la direction du Journal du dimanche, pourrait cependant permettre à la Brigade d’enquête sur les fraudes aux technologies de l’information (Befti), de remonter à la source des ragots.

Tout débute le 6 mars, alors que la rumeur sur le couple présidentiel a envahi le Web et Twitter depuis la mi-février. Mme Bruni-Sarkozy est interrogée par une journaliste britannique de Skynews qui évoque le chef de l’Etat et les rumeurs "lui prêtant de nombreuses liaisons". Mme Bruni-Sarkozy, glaciale, répond : "Il ne peut être infidèle. Avez-vous déjà vu des photos prouvant le contraire ?" Mais en terminant l’entretien, elle laisse éclater sa colère. Elle comprend que la rumeur paraît désormais crédible, au moins aux yeux de la presse étrangère. M. Sarkozy a d’abord balayé ces ragots. Mais Mme Bruni-Sarkozy, humiliée par son entretien télévisé, exige que l’on fasse taire ces bruits.

Pierre Charon qui gère une partie de la communication de Mme Sarkozy est appelé à la rescousse. L’affaire prend de l’importance. Franck Louvrier, patron de la communication de l’Elysée, reçoit lui aussi un nombre impressionnant d’appels de journalistes. Comme le ministre de l’intérieur. M. Sarkozy exige une enquête de police ; elle est donc confiée à la DCRI.

Le 9 mars, cependant, les choses prennent une tournure nouvelle. Vers 1 h 30 du matin, un jeune employé de Newsweb, la filiale de Lagardère active chargée de gérer le site Jdd.fr poste sur son blog ce qu’il entend partout dans ses dîners. Cet employé, âgé de 23 ans, a été embauché pour générer de l’audience sur les sites. Il décide donc d’en faire le thème d’un billet humoristique sur son blog. "Nous apprenons que l’Elysée est touché par un séisme d’une magnitude 9...", écrit-il. En quelques heures, le Web s’enflamme. La nouvelle est reprise par la presse étrangère qui, d’Inde ou de Chine, présente la nouvelle comme une information du Journal du dimanche, l’un des titres du groupe Lagardère. Avec la caution du JDD, la rumeur devient une information fiable. Or, en pleine campagne des élections régionales, ces supposées infidélités conjugales sont perçues comme une menace politique dangereuse.

A plusieurs reprises, M. Charon ainsi que l’avocat de M. Sarkozy, Thierry Herzog, vont menacer d’une plainte des sites. Ainsi, ils obtiennent, après une mise en demeure, qu’un serveur basé aux Pays-Bas retire des informations jugées "insultantes" sur Mme Bruni-Sarkozy.

De son côté, Le Journal du dimanche a fermé son blog en quelques heures. Mais il ne sait pas encore d’où l’information est venue. Le président de la République exige du groupe Lagardère qu’il retrouve la source. Le 21 mars, Michael Amand, directeur des opérations du site Newsweb, explique que la chronique a été postée par l’un de ses employés, à partir de son domicile. Aussitôt l’intéréssé est licencié et Michael Amand démissionne.

Contrairement à ses habitudes en matière de diffamation, M. Sarkozy ne contre-attaque pas lui-même sur le plan judiciaire. Il laisse le soin au groupe Lagardère de déposer une plainte contre X, le 26 mars. "Soit l’employé qui a mis cette info sur le blog a agi de son propre chef, explique Me Christophe Bigot, l’avocat du JDD, soit il a été instrumentalisé". Dans la foulée, le parquet de Paris ordonne donc une enquête confiée à la police judiciaire parisienne. Un responsable de Newsweb a été interrogé, vendredi 2 avril.

L’affaire aurait pu rester circonscrite si M. Charon n’avait confié qu’il soupçonnait Rachida Dati. Au Nouvel Observateur, il assure même que "la peur doit changer de camp", et évoque une "espèce de complot organisé".

Au Monde, il précise que "la procédure judiciaire peut permettre de trouver les sources et les ramifications. Ce sont les auteurs anonymes qui doivent désormais avoir peur, et non plus leurs victimes". Au risque de heurter un peu plus une opinion publique qui reproche déjà au président d’avoir désacralisé la fonction.