Pour la première fois depuis trois ans, la production de la rentrée littéraire est en hausse avec 701 nouveautés cette année, dont 500 romans français.
Cette année, la rentrée draîne un important lot de têtes d’affiche. En cette période de crise et après un premier semestre morose en librairie, les éditeurs ont préféré miser sur des auteurs confirmés, plutôt que sur des premiers romans (85 titres seulement, l’un des niveaux les plus bas de ces dernières années).
On retrouve donc les grands habitués des palmarès des meilleures ventes comme Michel Houellebecq (Flammarion), dont le nouveau livre devrait faire couler beaucoup d’encre, Olivier Adam (L’Olivier), Amélie Nothomb, Eric-Emmanuel Schmitt, Eliette Abécassis (Albin Michel), Virginie Despentes (Grasset)...
Têtes d’affiche
C’est aussi essentiellement dans le domaine hexagonal qu’il faudra aller chercher les plus gros tirages. Treize titres de la rentrée seront tirés à 50.000 exemplaires et plus, selon les éditeurs. En tête, la romancière belge Amélie Nothomb (220.000 exemplaires pour Une forme de vie, le 19 août) et Houellebecq (120.000 exemplaires pour La carte et le territoire, le 8 septembre), talonnés par Philippe Claudel (100.000 exemplaires pour L’enquête chez Stock, le 15 septembre) et Jean d’Ormesson (100.000 exemplaires pour C’est une chose étrange à la fin que le monde, le 19 août chez Robert Laffont).
Sexe
Chair triste, mort, guerre, crise économique, la rentrée littéraire et ses 700 romans revêtent des habits bien sombres, reflets de la morosité ambiante et d’un retour tourmenté vers le passé.
Pour le grand retour de Virginie Despentes, les héroïnes en déroute d’Apocalypse bébé (Grasset) sont les jouets de Paris à Barcelone d’une sexualité sans joie entre hommes et femmes mais seraient presque sauvées du sordide par l’amour lesbien. Sur fond de société en déliquescence, l’auteur, qui avait publié Baise-moi en 1993, ajoute à cette sauce déjantée, mais roborative, un suspense policier et d’autres personnages en perdition.
Thibault de Montaigu raconte dans Les grands gestes la nuit (Fayard) l’histoire d’un patron de labo pharmaceutique qui fonde dans le sud de la France un club à coke, fric et filles pour contenter sa jeune maîtresse. Dans Odeur de sainteté (Atelier in8), Jacques Abeille dresse le portrait d’une femme qui se convertit en même temps à la religion... et à la prostitution. Maria Luna Vera s’aventure quant à elle dans Pute (Buchet-Chastel) sur le terrain du travestissement avec deux amies qui plaquent tout pour devenir gigolos ! Avec Six mois, six jours (Grasset), Karine Tuil expose son héroïne aux griffes d’un prédateur sexuel nazi tandis que Martin Provost dans Bifteck (Phébus) laisse à André, boucher de son état, le soin d’assurer le devoir conjugal des hommes partis au front.
Suicide
La mort rôde aussi, avec une prédilection pour le suicide. C’est le thème du huitième livre très attendu d’Olivier Adam, Le coeur régulier (Editions de l’Olivier). Sarah, soeur cadette de Nathan qui s’est jeté du haut d’une falaise au Japon, effectue un pélerinage lugubre dans des paysages de bambous et de cèdres pour tenter de comprendre son geste. Alexandre Lacroix revient dans L’orfelin (Flammarion) sur la découverte, alors qu’il était enfant, de son père pendu à une poutre. Dans Suicide Girls (Léo Scheer), Aymeric Patricot retrace le parcours d’un jeune prof fasciné par le suicide. Le Seuil publie également Burqa de chair, roman posthume de Nelly Arcand qui s’est suicidée l’an dernier.
Guerre
Mort encore et barbarie avec L’insomnie des étoiles (Gallimard) de Marc Dugain, superbe roman sur le mal et la folie meurtrière, et l’un des nombreux ouvrages de la rentrée qui plongent leurs racines dans la Deuxième guerre mondiale. Pas moins de cinq romans lui sont consacrés chez Grasset, dont L’ennemi du bien de Stéphane Denis, sur les massacres dans les forêts lettones, ou L’homme mouillé d’Antoine Senanque, retraçant les mois qui ont précédé le conflit en Hongrie. L’héroïne du Troisième jour (Denoël) de Chochana Boukhobza décide elle, 45 ans après, de tuer son bourreau nazi et Otage (Grasset) d’Elie Wiesel est empreint de ce passé maudit.
Crise
L’entreprise malade de la crise inspire aussi les auteurs comme Nathalie Kuperman qui dépeint dans Nous étions des êtres vivants (Gallimard) la restructuration brutale d’un groupe de presse ou Philippe Claudel qui, dans L’enquête (Stock), s’inspire d’une vague de suicides dans une grande entreprise. Un patron voyou est au coeur de Plan social (Le Cherche Midi) de François Marchand. Dans une autre veine, Journal intime d’une prédatrice de Philippe Vasset (Fayard) décrit la conquête cynique du pôle Nord.