MEMRI est l’institut de recherche des médias du Moyen-Orient (Middle east media research institute), créé « en février 1998 par Yigal Carmon, ancien officier des services de renseignements israéliens, et par Meyrav Wurmser », d’après Wikipédia. Il faut donc lire ce qui suit avec en tête le prisme israélien.
Mais les informations sur le Hezbollah en guerre sont rares, et la présence de cette « armée » étrangère en Syrie alimente tous les fantasmes. Le Hezbollah a participé aux combats les plus durs pour reprendre des villes importantes tenues par les rebelles, ou les islamistes, comme Qousseir (Al-Qousayr).
Les Israéliens sont partagés : les uns redoutent la jonction des forces pro-Assad dans un traversant Iran-Irak-Syrie-Liban, qui vient déranger les rêves de Grand Israël ; les autres comptent sur l’affaiblissement de cette armée, qui a payé le prix du sang depuis le début de son intervention en avril 2013, confirmée par Hassan Nasrallah.
En conclusion, la formation, sous les yeux des observateurs israéliens, d’une proto-armée, organisée et équipée de moyens modernes, et désormais aguerrie, peut rapidement être considérée comme une menace majeure et donner lieu à une attaque « préventive », comme les Israéliens ont coutume de le faire, au mépris des lois internationales. Cela expliquerait cette publicité paradoxale accordée à la victoire du Hezbollah.
Le 13 novembre 2016, le Hezbollah a marqué sa Journée annuelle du Martyr en organisant sa première parade militaire dans une ville syrienne, Qousseir, qu’il a conquise en 2013, au terme d’une bataille longue et sanglante contre les forces rebelles, et qui est devenue depuis lors le principal symbole de l’implication du mouvement dans la guerre syrienne, aux côtés du régime d’Assad. Ce défilé militaire a réuni des centaines de combattants en uniforme, des tanks, des transporteurs de troupes blindés de fabrication américaine M113, des canons, des mitrailleuses et un régiment motorisé. La division Al-Radwan, qui comporte quelque 10 000 combattants des « forces d’intervention » du Hezbollah et des « forces spéciales » combattant en Syrie, qui constituent le fer de lance de l’organisation dans le pays, a également pris part au défilé.
En programmant ce défilé à ce moment et en ce lieu, le Hezbollah informe ses adversaires, locaux et régionaux – à savoir les acteurs politiques au Liban, les rebelles syriens et leurs partisans arabes, mais aussi l’Occident et Israël – qu’il est à présent une force militaire internationale qui peut contrôler des zones situées en dehors des frontières du Liban. Le défilé a effectivement suscité des remous considérables parmi les partisans, mais aussi les adversaires du Hezbollah. Le présent rapport examine l’importance et les ramifications du défilé de Qousseir et les messages qu’il comporte.
Le Hezbollah affirme sa présence sur le sol syrien
La tenue par le Hezbollah de ce défilé militaire sur le sol syrien, en particulier à Qousseir, est un acte symbolique et très significatif, qui montre le contrôle par l’organisation d’une partie du territoire syrien. Qousseir est le fleuron de l’implication militaire du Hezbollah en Syrie, et il est gravé dans les mémoires des rebelles syriens comme le lieu de leur défaite face au Hezbollah en 2013, à l’issue d’une âpre bataille qui a duré des semaines et causé des pertes nombreuses des deux côtés. En outre, Qousseir est aussi la porte d’entrée du Hezbollah en Syrie. Après l’avoir prise aux mains des rebelles, le Hezbollah l’a vidée de ses habitants et transformée en quartier général et en zone d’entraînement pour ses combattants venus du Liban, depuis laquelle ils se rendent sur les autres champs de bataille en Syrie.
De plus, la tenue du défilé sur le sol syrien, plutôt qu’au Liban, est une tentative flagrante de la part du Hezbollah de souligner sa présence en Syrie et d’affirmer que celle-ci est désormais fait établi. Elle pourrait aussi refléter le fait que pour le Hezbollah, Qousseir et ses environs sont un territoire militaire qui lui appartient, et non un territoire syrien – sans égard pour la souveraineté de la Syrie ou pour la position du Liban à ce sujet. Le secrétaire-général adjoint du Hezbollah, Na’im Qassem, a fait une allusion en déclarant, quelques jours après le défilé : « Nous sommes en Syrie, et nous n’avons pas besoin de donner la moindre explication ou justification à ce sujet. Nous sommes aux côtés de l’armée syrienne et de l’État syrien ».
Les déclarations de Qassem ont été soutenues par des déclarations du général de l’armée libanaise (à la retraite) Amin Hatit, proche du Hezbollah : « La présence du Hezbollah en Syrie est une chose fondamentale… Pour autant que nous sommes concernés, il n’y a aucune différence entre Qousseir et le Sud-[Liban] ».
En tenant son défilé le Jour du Martyr, le Hezbollah voulait aussi envoyer un message au public chiite au Liban, qui le soutient et qui est la source de son pouvoir politique et son réservoir de combattants, grâce auquel le Hezbollah conserve sa force, en dépit de ses pertes. Pour les chiites libanais, dont beaucoup ont été tués ou blessés au cours des quatre années de guerre en Syrie, et en particulier durant la bataille en cours pour Alep, le défilé était destiné à leur remonter le moral et à leur dire que les pertes n’étaient pas vaines, car elles ont finalement renforcé l’organisation et lui ont permis de devenir une puissance régionale.
La transformation du Hezbollah d’une force de résistance en armée quasi-régulière
La démonstration par le Hezbollah de sa puissance militaire, en faisant défiler des centaines de soldats armés de tanks, de canons, de mitrailleuses etc., reflète aussi sa volonté de faire savoir qu’il est à présent une force bien entraînée et surarmée, disposant de nouvelles unités, et ressemblant à une armée régulière, et non plus une milice de résistance qui mène une guérilla contre Israël.
Cette modernisation de ses capacités militaires découle de l’expérience militaire acquise lors de la guerre syrienne contre les rebelles opposés au régime. Dans ce contexte, les quotidiens libanais ont cité les déclarations de Naim Qassem concernant les capacités militaires du Hezbollah. Le quotidien libanais Al-Mudun a cité Qassem affirmant que « le Hezbollah a développé son expertise, ses capacités de combat et ses capacités militaires. Cette force devient plus puissante et plus développée, plus qu’une force de résistance et moins qu’une armée régulière ». Le quotidien Al-Safir a cité ses propos selon lesquels « nous avons désormais une armée entraînée et la résistance ne repose plus sur des méthodes de guérilla. Nous sommes mieux armés et mieux entraînés, et nous disposons de connaissances professionnelles sophistiquées ». Il convient d’observer qu’un communiqué officiel du Hezbollah a démenti que Qassem ait qualifié le mouvement d’armée.
Il semble que la démonstration de force du Hezbollah, à ce moment précis, s’explique par ses succès et ceux de son camp sur le terrain, l’axe de la résistance. Ces accomplissements incluent le renforcement du Hezbollah, de l’armée syrienne et des milices opérant aux côtés de l’armée syrienne depuis le début de l’implication militaire russe en Syrie, il y a un an, ainsi que l’amélioration du statut politique du président syrien Bashar al-Assad dans le monde arabe et en Occident, et le renforcement du statut régional et international de l’Iran, lié à sa présence militaire accrue en Irak et en Syrie, au lendemain de l’accord sur le nucléaire et de l’élection de l’allié du Hezbollah, Michel Aoun, à la présidence libanaise.
Le Hezbollah, une force régionale transfrontalière
L’un des messages du défilé était que dans la région, le Hezbollah est devenu une force militaire transfrontalière qui n’est pas liée à un territoire particulier et ne reconnaît pas la frontière Syrie-Liban, ni aucune autre des frontières entre les États du Moyen-Orient, fixées par les accords Sykes-Picot.
Le Hezbollah et son sponsor, l’Iran, qui s’efforce lui-même de diffuser sa Révolution islamique et sa doctrine de la « Souveraineté du Juriste-théologien », ne considèrent pas les frontières géographiques comme importantes, et poursuivent leur pénétration de nombreux pays dans la région. Cette approche se traduit par l’implication militaire de l’Iran et de ses agents en Syrie, Irak et au Yémen, et par le contrôle militaire total du Hezbollah d’une partie du territoire syrien, dont la région de Qousseir.