Le professeur de finance Marc Chesney s’est associé avec quatre autres personnes pour lancer une initiative visant à taxer toutes les transactions, financières et commerciales.
Éliminer tous les impôts, sans provoquer un gouffre financier dans les budgets publics ? Ce n’est pas un tour de magie. Marc Chesney, professeur de finance de l’Université de Zurich propose en effet de mettre en place une taxe sur les transactions financières qui s’appliquerait à tous les paiements électroniques.
Cette taxe n’a donc rien à voir avec la taxe Tobin, qui s’intéresse uniquement aux transactions financières, donc aux achats d’actions ou d’obligations, par exemple. La proposition de Marc Chesney s’étend à toutes les transactions financières – y compris le trafic des paiements – dont le montant total atteint au moins 100 000 milliards de francs par an, soit environ 150 fois le produit intérieur brut de la Suisse.
Un financier zurichois en première ligne
Désormais, le professeur s’est associé avec quatre autres personnes pour lancer une initiative, dont le concept est présenté sur le site microtaxe.ch. L’idée circule dans plusieurs pays, mais si elle semble se décanter en Suisse, c’est notamment à partir d’un texte publié en janvier 2013 par Félix Bolliger, un financier zurichois, Reinvent the System – Mikrosteuer auf Gesamtzahlungsverkehr (Réinventer le système – un micro-impôt sur tous les moyens de paiement). Le gérant de fortune y développe son modèle et la façon dont il pourrait être construit. Les initiants ont été rejoints par Oswald Sigg, socialiste et ancien vice-chancelier de la Confédération, qui faisait partie des promoteurs de l’initiative pour le revenu universel de base, refusé en votation populaire en début d’année. Anton Gunzinger, professeur à l’EPFZ, et un Genevois, Bernard Dupont.
« L’étape en cours consiste à rédiger le projet qui permettrait d’obtenir l’autorisation de lancer une initiative », a expliqué Marc Chesney. La taxe se veut indolore. Avec « 0,2 % sur chaque transaction, on pourrait obtenir 200 milliards de francs », explique le Franco-Suisse. Ce serait déjà plus que tous les impôts récoltés en Suisse, dont le total atteignait environ 170 milliards en 2011, les chiffres sur lesquels se basent les initiants. « Une telle taxe, si elle était introduite, pourrait théoriquement remplacer la plupart des impôts actuels et permettrait de simplifier le système fiscal » , expliquait déjà le professeur il y a quelques mois dans nos colonnes. La déclaration fiscale deviendrait obsolète, a-t-il ajouté.
Les promoteurs de cette taxe s’attendent à des effets pervers, comme la disparition de certains types d’activités financières. Mais sans le déplorer : « Les activités de trading à haute fréquence, par exemple, pourraient disparaître. Mais la Suisse peut se passer de ces activités de la finance casino », affirme le professeur.
Réformer le système financier et fiscal
Surtout, pour les initiants, ce serait l’occasion de réformer un « système financier qui nous mène de crise en crise » et un « système fiscal qui se base sur une idéologie plus que centenaire », dont la législation est « d’une absurde complexité, inadaptée à une économie globalisée et numérisée ».
« Puisque la microtaxe est perçue automatiquement par ordinateur, elle perd son caractère inquisitoire », affirment les initiants dans leur texte d’introduction. « Impôt sans idéologie », sans équivalent de simplicité et de clarté, « abondant, techniquement peu cher à gérer, et juste », assurent-ils. Au point que « ses avantages sont tels que l’évasion fiscale deviendrait superflue », estiment-ils. Ils prônent toutefois une mise en œuvre très progressive.
La France applique une taxe différente
Un projet d’initiative qui intervient alors que plusieurs pays d’Europe s’écharpent sur la possibilité d’introduire une taxe sur les transactions financières (TTF). La semaine dernière, la France a voté un élargissement de son projet, élevant le taux à 0,3 % et incluant dans les transactions boursières les opérations « intra-day », c’est-à-dire des achats et ventes réalisés dans la même journée. La taxe française rapporterait plus d’un milliard d’euros au budget, dont une partie devrait servir l’aide au développement. Dix pays européens envisagent de mettre en place une taxe, mais ils peinent à se mettre d’accord. L’entrée en vigueur se ferait au mieux début 2018 et la taxe discutée s’élèverait entre 0,01 % et 0,1 %.