La Syrie a renoué avec les grands titres dimanche, par la « grâce » d’obus israéliens tirés sur son territoire par-delà la zone démilitarisée du Golan, et en réponse, parait-il, à trois obus de mortier tombés jeudi sur ce territoire arraché à la Syrie par l’État hébreu en 1967. Un incident limité, mais à forte charge symbolique, eut égard à la région concernée et au fait que des obus israéliens n’avaient pas frappé le territoire syrien depuis 1973 ou 74.
Un incident « à la turque » en somme ? C’est vrai qu’il y a des similitudes, d’une frontière à l’autre. Car de même que des obus syriens sont tombés à quelques centaines de mètres au-delà de la frontière avec la Turquie parce que les bandes de l’ASL combattent carrément « à cheval » sur cette frontière, de même l’armée syrienne a déjà, à deux ou trois reprises cette année, combattu des bandes empruntant la zone démilitarisée du Golan, dans le secteur de la ville fantôme de Quneitra. Ce qu’oubliait de signaler, dimanche soir sur I-Télé, la spécialiste de service, Agnès Levallois, évoquant une « provocation » de Damas, et dépeignant le régime comme acculé à la fuite en avant.
Or, outre que le dit régime n’est pas si acculé, intérieurement et diplomatiquement, que ça, Mme Levallois n’emploie pas le mot de « provocation » quand il s’agit d’évoquer l’appel récent du ministre de la Défense Ehud Barak au renversement de Bachar al-Assad ou les menaces de son supérieur Netanyahu contre la Syrie. Menaces proférés ce même dimanche alors que le même gouvernement israélien semble impliqué dans une nouvelle épreuve de force sanglante avec le Hamas à Gaza. C’est à croire que les spécialistes français du monde arabe ont une « obligation de réserve » vis-à-vis d’Israël, condition d’exercice de leur profession, en quelque sorte…
Confusion régionale, et confusion du Qatar
On peut toujours penser que Netanyahu et sa bande préparent les législatives anticipées à venir (prévues pour janvier ou février) et font la grosse voix. Le fait que, selon une source de Tsahal, les artilleurs israéliens aient délibérément « manqué » une position syrienne, et qu’une responsable de la communication de l’armée israélienne ait envisagé que la chute des obus syriens soit accidentelle, pourraient suffire à relativiser l’ « événement » et à le replacer dans un contexte de « communication intérieure » à la Erdogan. Peut-être, mais quoi qu’il en soit, la salve israélienne tombe vraiment mal car 1) cet incident rappelle bruyamment à l’opinion arabe que l’actuel régime syrien n’a jamais pactisé avec l’État hébreu et 2) les tirs israéliens solidarisent symboliquement la Syrie de Bachar avec le Hamas, alors même que ce dernier est tombé sous la coupe du Qatar, lequel Qatar, on s’en souvient sûrement, est acharné à la perte de la Syrie de Bachar !
Bref, on est dans un imbroglio diplomatique et politique total, reflet de l’extraordinaire complication de la situation régionale. Nous ne croyons évidemment pas à une attaque israélienne contre la Syrie (pas plus qu’à une attaque turque, d’ailleurs). Dans cette histoire, à quelque chose, malheur est bon : avec leurs obus, les Israéliens ont rappelé qu’ils occupaient une terre syrienne contre l’avis (sinon les sanctions) des Nations unies, et qu’ils ne faisaient pas de différence de principe dans leur approche des questions palestinienne et syrienne : le Hamas et l’armée syrienne sont des ennemis. Au fait, que va faire l’émir du Qatar ? Envoyer des djihadistes à Gaza tous frais payés ? Au moins et enfin, ils serviraient, et l’émirat avec eux, une cause arabe !